Tous divisés ou presque. À l’exception du Mouvement 5 Étoiles (M5S), la dernière née des formations politiques italiennes, les autres grands partis qui se présentent dimanche 31 mai aux suffrages de 20 millions d’électeurs dans plus de 1000 communes (dont Venise) et sept régions (Ligurie, Vénétie, Ombrie, Toscane, Marches, Campanie, Pouilles) sont divisés. C’est le cas au Parti Démocrate (PD centre gauche) dirigé par le Premier ministre Matteo Renzi, à Forza Italia (droite) propriété de Silvio Berlusconi ou à la Ligue du Nord (antieuropéen et anti-immigration). A chaque fois les leaders sont défiés par des « frondeurs », souligant comme l’explique le politologue Piero Ignazi « une forme de rebellion de la périphérie envers le centre du pouvoir ». Tour d’horizon.
Les anti-Renzi se comptent en Ligurie. Le train des réformes guidé par le président du conseil et l’empreinte de plus en plus réformiste qu’il a donné au PD, ont laissé l’opposition interne déconfite. Elle n’a rien pu faire contre l’adoption de la réforme du code du travail qui libéralise le marché de l’emploi, rien contre celle du mode de scrutin aux élections législatives qui laisse entre les mains des chefs de partis le choix d’une bonne part des candidats, rien contre celle de l’instruction publique. Anciens communistes ou ex-compagnons de route de Matteo Renzi déçus par son virage libéral, ils rêvent de voir trébucher le premier ministre en Ligurie afin de le contraindre à gauchiser son programme. La candidate chois par le PD, Raffaela Païta, mise en examen pour avoir tardé à donner l’alarme lors des inondations de septembre 2014, est confrontée à la candidature du dissident Luca Pastorino, soutenu par Pipo Civati, autrefois ami de M. Renzi et Sergio Cofferati, ancien secrétaire général de la CGIL, le plus puissant et le plus à gauche des syndicats italiens. La dispersion des voix peut profiter à la candidate du M5S ou de Forza Italia et priver le chef gouvernement – qui espère triompher sur le score de 6 à 1 lors des régionales – d’une occasion de crier victoire.
Lutte fratricide eau sein de la Ligue du Nord en Vénétie. A priori, c’est un combat générationnel que se livrent le Milanais Matteo Salvini, 42 ans leader de la Ligue, qui soutient le gouverneur sortant, Luca Zaia, et Flavio Tosi, maire de Vérone, 45 ans qui a décidé de se présenter également. Mais à y regarder de plus près, c’est l’éternel combat entre « les deux âmes de la Ligue » qui se joue. Depuis sa fondation, il y a plus de trente ans, le parti est la proie de tensions entre les Lombards, qui fournit les cadres, et les Vénètes qui remplissent les cars pour les meetings. Les uns et les autres se veulent l’expression de la « pureté » du parti. Mais M. Tosi a également d’autres idées sur l’évolution de la Ligue que M. Salvini a amarrée dans le sillage du Front national, avec lequel il est allié au Parlement européen. Le maire de Vérone aimerait se rapprocher de la droite traditionnelle dont le parti a toujours été un allié plus ou moins obéissant ; M. Salvini, souhaite au contraire faire de la Ligue qui, dans les sondages dépasse désormais Forza Italia, le pivot de toute alliance à venir. Si la région a peu de chances de passer à gauche, les scores obtenus respectivement par M. Zaia et M.Tosi permettront de jauger le rapport de force entre M. Salvini et son « frondeur ».
Règlement de compte pour Forza Italia dans les Pouilles. Silvio Berlusconi a promis de se mettre « en retrait ». Il dit qu’il cherche un leader même s’il « n’en voit pas pour l’instant ». Mais à près de 79 ans, son déclin est déjà confirmé. Lassé d’attendre une éventuelle retraite du Caïman ou son adoubement comme héritier, le député européen Raffaele Fitto a décidé de mettre sur pied sa propre liste dans les Pouilles en débauchant purement et simplement le candidat de Forza Italia. Dans la foulée il a également annoncé son départ du parti et la création d’une fondation baptisée « Conservateurs et réformistes ». Le cadet, 46 ans, reproche à son aîné son opposition trop frileuse au gouvernement et sa navigation à vue. Se rêvant en David Cameron transalpin, il a décidé de faire des Pouilles, dont il est originaire, le lieu-clé de cette élection et le laboratoire de la « déberlusconisation » de la droite italienne. L’ancien Président du conseil lui promet de connaître le même sort que tous ceux qui se sont levés sur sa route et ont disparu des radars de la vie politique, comme Gianfranco Fini. « Forza Italia est désormais un chapitre clos », insiste le député européen. Mille fois pronostiquée, cette hypothèse est encore à vérifier.