C’était un dinosaure de la vie politique française, l’un des derniers centurions du gaullisme historique, un homme de l’ombre qui avait commencé à œuvrer dans la police parallèle du SAC au temps du RPF et de l’UDR, avant de devenir le «premier flic de France» au service du RPR de Jacques Chirac puis d’Edouard Balladur. Il avait connu les honneurs de la République avant de se retirer de la vie politique en 2011, rattrapé par l’âge et les affaires en série… L’ancien ministre de l’Intérieur Charles Pasqua est mort soudainement lundi à l’âge de 88 ans, à l’hôpital Foch de Suresnes, dans son fief des Hauts-de-Seine, des suites d’un accident cardiaque. «Il est toujours resté fidèle à son engagement gaulliste dans la Résistance contre l’occupant nazi. Pour lui, la politique était un combat au service de la France, dans la fidélité à ses compagnons, dans le respect de ses adversaires dès lors qu’ils étaient animés, comme lui, par la conviction et le courage», lui a rendu hommage sa famille dans un communiqué envoyé au Point qui a annoncé sa disparition vers 21h30 sur son site internet.

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Service d’action civique. Ce petit-fils d’un berger corse avait fait ses premières armes dans la Résistance à 15 ans sous le pseudonyme de «Prairie». Après la guerre, il rejoint le RPF du général de Gaulle et devient représentant chez Ricard à Marseille. Il quittera la société quinze ans plus tard, il en est alors numéro 2. Entre-temps, avec Jacques Foccart, l’éminence grise «africaine» de l’Elysée, il crée le Service d’action civique (SAC), la police privée du gaullisme qui lutte contre l’OAS et les communistes en pleine guerre d’Algérie. C’est en 1964 qu’il se lance dans la vie publique en s’engageant à la chambre de commerce de Marseille, avant de se faire élire député en juillet 1968 dans les Hauts-de-Seine dans la foulée des «événements». Le 30 mai, il sera le grand ordonnateur de la manifestation pro-gaulliste contre les «enragés». Son ascension politique est sur les rails. Il s’installe alors dans les Hauts-de-Seine, se faisant élire au conseil général en 1970, avant de s’implanter à Neuilly-sur-Seine, dont la mairie lui sera soufflée en 1983 par un certain Nicolas Sarkozy.

Homme de réseaux, au discours et à l’accent truculent, il est l’un des fers de lance de la campagne de Jacques Chirac en 1981. C’est tout naturellement que ce dernier le nommera Place Beauvau en 1986, lors de la première cohabitation. Ministre de l’Intérieur à poigne, il est en première ligne lors des manifs étudiantes contre la loi Devaquet au cours desquelles un manifestant, Malik Oussekine, meurt roué de coups par les voltigeurs le 5 décembre 1986. Ce drame lui collera à la peau. C’est également durant cette période qu’il donne son nom à une loi durcissant le séjour des étrangers en France, et aux fameux «charters Pasqua-Pandreau» (de son nom et du ministre de la Sécurité de l’époque). Superflic au moment des attentats contre le TGV Paris-Lyon (10 blessés) et la galerie des Champs-Elysées (2 morts et 28 blessés), il lance le fameux «il faut terroriser les terroristes». Entre les deux tours de la présidentielle de 1988, il n’hésitera à prôner l’alliance avec le Front national qui, explique-t-il, «se réclame des mêmes préoccupations et des mêmes valeurs que la majorité».

En 1990, surprise, il présente avec Philippe Seguin une motion souverainiste contre Chirac, prémice de la rupture qui sera consommée en 1994 lorsqu’il se rallie à Edouard Balladur en vue de la présidentielle de 1995. Un candidat dont il était devenu ministre de l’Intérieur, revenu place Beauvau en 1993. Un second mandat de premier flic de France lors duquel il sera confronté aux manifs contre le CIP et la fusillade de la place de la Nation déclenchée par Audry Maupin et Florence Rey. Un drame à la suite duquel il se déclare «personnellement en faveur du retour de la peine de mort». Il finira sa carrière politique au Parlement européen, menant en 1999 une liste souverainiste au nom du RPF (Rassemblement pour la France) qui devancera celle du RPR officiel de Sarkozy.

Prison avec sursis. Mais derrière sa bonhomie, Charles Pasqua c’est aussi les affaires et quinze ans de déboires judiciaires. L’ancien ministre a été cité dans une dizaine de dossiers : le casino d’Anemasse, l’Angolate, la Sofremi, le siège de GEC-Alsthom transport et, bien sûr, l’affaire «pétrole contre nourriture» pour laquelle il est mis en examen pour «trafic d’influence aggravé» et «corruption d’agent public étranger». Affaire pour laquelle il est finalement relaxé en juillet 2013. En tout, avec toutes ces affaires liées au financement politique qui lui avait valu le surnom de «parrain des Hauts-de-Seine» chez ses opposants, Charles Pasqua écopera à deux reprises de prison avec sursis. C’est d’ailleurs devant un tribunal qu’il avait fait sa dernière apparition publique : il était poursuivi avec André Santini devant la cour d’appel de Versailles pour «détournement de fonds publics» dans l’affaire de la fondation Hamon. Il avait, bien sûr, clamé son innocence.

Par Michel Becquembois et jean-christophe féraud