Galvanisé par les encouragements du public, Robert Marchand, petit bonhomme à l’allure frêle de 102 ans, a battu vendredi son record de l’heure sur la piste de l’immense vélodrome national à Saint-Quentin-en-Yvelines.
Avec 26,952 km en soixante minutes, le centenaire, qui n’était qu’à «90% de ses moyens», a battu haut la main son record établi un an plus tôt sur la piste d’Aigle (Suisse) avec 24,25 km.
Dans sa tenue moulante jaune et violet, à peine essoufflé à l’issue de sa course, il a même célébré sa performance en courant d’un pas leste sur la piste sous les hourras de ses fans.
«J’étais bien mais à la fin ça commençait à être dur», a-t-il répondu ensuite dans un grand sourire aux journalistes qui l’assaillaient de questions.
«Je suis heureux comme un poisson dans l’eau», a-t-il poursuivi, levant les bras au ciel à la demande de ses interlocuteurs.
Un peu plus tôt c’est concentré, lunettes aux reflets orangés sur le nez, que le cycliste de 50 kg avait pris le départ sur son vélo blanc gravé à son nom, spécialement conçu pour sa morphologie.
Encouragé par les quelque 300 supporters jouant de l’accordéon dans les gradins et lançant en chœur des «Allez Robert !», il a enchaîné les coups de pédales à la cadence d’un métronome.
Une sacrée revanche pour celui qui, à 20 ans, avait mis fin à sa carrière de cycliste professionnel, sur les conseils du milieu sportif et des médecins, dubitatifs sur ses capacités au vu de sa carrure.
«C’est comme ça la vie»
«Il est devenu cycliste professionnel à l’âge où tout ceux qui l’ont dissuadé sont morts», pointe, amusée, la physiologiste Véronique Billat qui le suit depuis sa centième année, présente lors de la tentative.
Ce record, Robert s’y est préparé en effectuant 15 minutes de gymnastique tous les matins et autant sur home trainer, le tout agrémenté de trois à quatre sorties, d’une heure chacune, par semaine.
«On vieillit comme on a vécu», explique Mme Billat, directrice d’un laboratoire de l’Inserm à Evry, consacré à l’amélioration des performances.
«Les prédispositions génétiques ne jouent que pour 30% des performances», souligne-t-elle à propos de son «protégé» dont la fréquence cardiaque, «telle celle d’un homme de 50 ans», est capable de passer de 60 pulsations au repos à 157 dans l’effort.
«Tout le reste, c’est l’attitude face à la vie», insiste-t-elle.
Force de la nature, M. Marchand, qui a pris sa retraite de maraîcher en région parisienne à l’âge de 89 ans, a vécu une jeunesse aventureuse qui l’a conduit au Venezuela comme chauffeur de poids lourds et au Canada comme bûcheron.
Aujourd’hui, c’est dans un modeste appartement HLM de 25 m2 à Mitry-Mory (Seine-et-Marne) qu’il a posé ses valises. Il effectue lui-même son ménage: sa retraite s’élève à 800 euros par mois,
Interrogé sur ses prochains objectifs, le centenaire, qui en septembre 2012 avait déjà battu un autre record en parcourant 100km en 4h 17 min et 27 sec, répond plein de sagesse: «Il faut pas en vouloir de trop dans la vie, on met neuf mois pour venir au monde et trente secondes pour claquer, vous savez. C’est comme ça la vie».