L’air est aigre à Niamey. Le président de la République nigérien, Mahamadou Issoufou, dans une allocution télévisée jeudi soir, a annoncé l’échec d’une tentative de coup d’Etat perpétrée en début de semaine et qualifiée de «haute trahison contre les institutions». Des arrestations ont eu lieu dans le milieu de la haute hiérarchie militaire, dont celle du général d’aviation Souleymane Salou. Ce dernier, selon certains observateurs, n’aurait ni l’autorité ni la compétence pour incarner l’image d’un officier putschiste. En effet, lors du dernier coup d’Etat, en 2010, orchestré par son propre neveu, Salou Djibo, Souleymane Salou avait pris la fuite à moto vers le Burkina, ne revenant à Niamey que lorsque «les choses s’étaient apaisées». Ce qui fait dire à l’opposition que cette tentative de putsch ne serait qu’une manipulation «coutumière d’un pouvoir» qui se durcit, et ceci à deux mois de l’élection présidentielle où Mahamadou Issoufou brigue un second mandat.

L’opinion à Niamey apporte peu de crédit à ce «coup» avorté. Ce scepticisme est partagé par bon nombre de parlementaires qui attendent les conclusions d’une enquête «sérieuse» mais rappellent le précédent de 2011 où le président Issoufou avait écarté une tentative de renversement ourdie par quelques officiers, lesquels avaient, peu de temps après, été relâchés. Reste que le Niger, depuis quarante ans, a connu quatre coups d’Etat. Ces pronunciamientos sahéliens ont jalonné l’histoire post-coloniale et les présidents sortants ont toujours éprouvé une suspicion envers les officiers supérieurs. Les experts familiers de l’armée nigérienne ne manquent d’ailleurs pas de rappeler que les moyens qui devraient être alloués à la guerre contre Boko Haram dans l’extrême Est ne sont par perçus par les forces combattantes. D’où un sentiment de frustration fort légitime alors que les forces nigériennes manquent déjà de matériel et d’hommes expérimentés sur la zone de Diffa et Bosso, sans cesse en proie aux infiltrations et aux attentats de la secte islamiste. Mais, surtout, ce pays immense est considéré par les experts militaires comme le maillon faible de la zone sahélienne. Le pays se déchire sur la constitution du fichier électoral. Or, les élections législatives et présidentielle sont pourtant depuis des mois fixées à la mi-février 2016. Si bien que l’opposition redoute, à bond droit en effet, une manipulation du fichier qui, dans un premier temps fut déclaré «perdu», puis miraculeusement «retrouvé» . Quant à Paris, sa mansuétude pour Issoufou est surprenante. Au point d’ailleurs que le Quay d’Orsay avait rappelé en juillet son ambassadeur récemment nommé, Antoine Anfré, qui s’était alarmé du durcissement du régime dans l’optique des élections de 2016.

Jean-Louis Le Touzet