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    La France va finalement envoyer 400 soldats supplémentaires

    en Centrafrique

    Le Monde.fr avec AFP et Reuters | <time datetime="2014-02-14T17:01:31+01:00" itemprop="datePublished">14.02.2014 à 17h01</time> • Mis à jour le <time datetime="2014-02-14T20:41:36+01:00" itemprop="dateModified">14.02.2014 à 20h41</time> | Par

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    <figure class="illustration_haut"> Des soldats français de l'opération "Sangaris" à Bangui, le 9 février. </figure>

    Les promesses d'une opération « coup de poing », de courte durée et avec des effectifs restreints, ont déjà vécu. Un peu plus de deux mois après le déclenchement de l'opération « Sangaris », le 5 décembre 2013, le contingent français déployé en République centrafricaine (RCA) va être officiellement porté de 1 600 à 2 000, un chiffre en fait déjà atteint par le jeu des relèves et qui n'inclut pas les forces spéciales.

    Voir le visuel intéractif : Pourquoi la France intervient en Centrafrique

    14.02 Communiqué - Conseil de Défense restreint

    >> Lire le communiqué de l'Elysée :

    L'annonce de ce renforcement a été faite vendredi à l'issue d'un conseil restreint de défense qui s'est tenu à l'Elysée. Selon un membre de l'entourage de François Hollande, les 400 soldats et gendarmes supplémentaires devraient arrivés en RCA dans les huit jours, notamment en provenance du Tchad.

     

    Si le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, est tout juste revenu d'une nouvelle tournée en Afrique centrale qui l'a notamment mené en RCA, à l'Elysée on assure que cette décision a été prise au lendemain de discussions avec le secrétaire général des Nations unies. « Ban Ki-moon est beaucoup plus alarmiste que nous. Nous faisons un effort supplémentaire mais nous voulons que cela serve pour entraîner les Européens à nos côtés », avance un conseiller de François Hollande.

    Lire le reportage : Centrafrique : l'armée française prise dans le piège du nettoyage ethnique

    Les renforts européens — 500 militaires pour sécuriser l'aéroport de Bangui et appuyer les forces françaises et les 5 400 militaires africains de la Misca — pourraient commencer à arriver début mars, mais les « grands pays », Grande-Bretagne et Allemagne en tête, ont déjà fait savoir qu'ils n'enverraient pas de soldats. Cette unité « Eufor-RCA » devrait donc être constituée en grande partie de militaires français et de soldats estoniens et géorgiens.

    Alors que de l'avis de tous les observateurs les soldats français et africains ne sont pas assez nombreux sur le terrain pour endiguer la vague de violences et que 400 militaires supplémentaires ne changeront pas la donne, Paris plaide pour le déploiement rapide d'une opération de maintien de la paix des Nations unies, mais ni les Etats-Unis, ni plusieurs pays d'Afrique centrale n'y sont favorables. Le Tchad notamment qui entend conserver sa liberté d'action chez son voisin méridional ; ce qui suscite de nombreuses critiques. Les soldats tchadiens font en effet preuve d'une réelle connivence sur le terrain avec les ex-rebelles de la Séléka.

    Lire l'analyse : La Centrafrique à l'heure de l'épuration ethnique

    Depuis le déclenchement de l'opération Sangaris, les relations se sont tendues entre l'Elysée et N'Djamena. Dans l'entourage d'Idriss Déby, des voix s'élèvent pour accuser la France de n'avoir pas protégé les communautés musulmanes de RCA et d'être responsable de l'exode de dizaines de milliers de personnes vers le Tchad. Ce n'est sûrement pas un hasard du calendrier si quelques heures après l'annonce du renforcement des effectifs en République centrafricaine, Idriss Déby, le meilleur allié des soldats français dans la région depuis deux décennies, a été reçu à l'Elysée.

    Portfolio : suivez un convoi de la force « Sangaris » au nord-ouest de la capitale centrafricaine

    Le déploiement des soldats de "Sangaris" a commencé dimanche 10 février sur l'axe de Bangui à la frontière du cameroun.Un point de contrôle tenu par des milices anti-balaka sur la route de Yaloké, samedi 9 février. Miliciens Anti-Balaka sur la route de Yaloké. Des unités de Sangaris partent en reconnaissance à YalokéUn soldat du convoi militaire parle avec des miliciens anti-Balaka installés sur la route de YalokéLes soldats vérifient l'état du pont situé à 10 km de Yaloké, avant le passage du convoi.Un homme regarde le passage du convoi militaire français à Yaloké le lundi 10 février"Nous faisons de notre mieux pour protéger les civils, c'est le sens de Sangaris et des opérations de désarmement de la Séléka qui a perpétré beaucoup de crimes en un an' confie un officier françaisLes soldats français patrouillent sur un marché de Yaloké le lundi 10 Février. Des musulmans se refugient dans la grande mosquée de Yaloké.Une femme musulmane se rend à la grande mosquée de Yaloké, au nord de Bangui, le 10 février. Des soldats travaillant pour la communication de l'armée ont établi leur camp dans une école
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      Des miliciens anti-balaka paradent devant les soldats de « Sangaris », le 9 février sur la route de Yaloké.

      Crédits : Jérôme Delay pour "Le Monde"
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    </article> Treize cadavres retrouvés dans une cuve d'un camp d'ex-Séléka

     

     

     

    Treize cadavres de personnes non identifiées ont été découverts dans une citerne vide située dans un camp de Bangui où sont cantonnés des combattants Séléka, a indiqué le procureur de la République de Bangui, Ghislain Grezenguet. La cuve, d'une dizaine de mètres de longueur, vide, servait de réservoir d'essence.

     

    Les corps, en état de putréfaction avancée ou à l'état de squelettes, « se trouvent en différents endroits de la cuve, ce qui laisse penser que des gens y ont été jetés vivants et se sont débattus », a ajouté le procureur. La mort de certains d'entre eux remonterait à « une semaine, dix jours », selon une source judiciaire. « Est-ce que c'est un règlement de compte entre eux ? Est-ce que ce sont des gens qui se sont infiltrés dans le camp et qui ont été attrapés ? L'enquête le dira », selon cette source, qui affirme que « des responsables des rebelles cantonnés ont été entendus puis relâchés ».


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  • Actualité > Monde > RWANDA. Paul Barril, une barbouze française au cœur du génocide

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    RWANDA. Paul Barril, une barbouze française

    au cœur du génocide

    Christophe Boltanski <time>Publié le 09-02-2014 à 18h11     lien </time>

    Des documents inédits démontrent que Paul Barril a apporté un concours actif aux extrémistes hutus responsables de l'assassinat de 800.000 Tutsis. Nom de code de sa mission : "Insecticide".

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    <figure> L'ancien numéro deux du GIGN, Paul Barril. (CHRISTOPHE GERAL-JLPPA) L'ancien numéro deux du GIGN, Paul Barril. (CHRISTOPHE GERAL-JLPPA) </figure>

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    Curieux hommes d'affaires. Ils ont affrété un jet privé, un Falcon 50, au départ du Bourget, pour la somme de 650.000 francs hors taxes. Sur le télex en date du 6 mai 1994, adressé à la compagnie Europe Falcon Service, une filiale de Dassault, ils prétendent exercer la profession d'"agent commercial". A quel étrange négoce se livrent-ils ? Ils voyagent en tenue de sport. Dans leurs havre-sacs, ils transportent des uniformes noirs, dépourvus d'insigne. Entre eux, ils ne se connaissent que sous des noms de code. Presque tous ont quitté l'armée ou en ont été limogés. Des anciens des forces spéciales, plus particulièrement. Eux, des représentants ? Des barbouzes, plutôt.

    Le passager qui, sur le fax, se présente comme le "directeur" s'appelle Paul Barril. Avec ses gros bras, l'ancien gendarme de l'Elysée reconverti dans la "sécurité privée" doit rallier Bangui, en Centrafrique, puis Goma, dans l'est du Zaïre. Mais sa destination finale, c'est le Rwanda. Que va-t-il faire dans un pays plongé alors dans une immense tuerie ? Quel appui vient-il apporter à un gouvernement extrémiste qui, depuis le meurtre, un mois plus tôt, du président hutu, Juvénal Habyarimana, a entrepris d'exterminer toute la population tutsie ? Une question au cœur de l'information judiciaire ouverte, le 15 juillet dernier, à son encontre par le tribunal de Paris.

    20 ans après la tragédie rwandaise, des documents inédits éclairent le rôle joué par l'énigmatique capitaine, incarnation de la face obscure de l'ère Mitterrand, des Irlandais de Vincennes aux écoutes de l'Elysée. La justice française s'intéresse plus que jamais à lui. D'abord, dans le cadre de l'enquête sur l'attentat du 6 avril 1994 contre l'avion de Habyarimana. Longtemps ménagé par Jean-Louis Bruguière, le premier magistrat chargé d'élucider l'affaire, Paul Barril a été sommé de s'expliquer par le juge Marc Trévidic sur ses faits et gestes lors de l'attaque et ses manœuvres durant la procédure. Ses locaux ont été perquisitionnés, ses disques durs saisis, son entourage entendu. Des pièces transmises au juge Claude Choquet, du nouveau pôle "crimes contre l'humanité". Car depuis la plainte déposée par la Fédération internationale des Droits de l'Homme, la Ligue des Droits de l'Homme et l'association Survie, il est cette fois suspecté de "complicité de génocide".

    Dans cette histoire, Paul Barril n'a cessé de dire tout et son contraire, y compris sur procès-verbal. Son nouveau livre, intitulé "Rwanda : vérités sur un massacre", qu'il devait publier en mars aux Editions du Moment, a été déprogrammé sur le conseil de ses avocats. Les lecteurs n'auraient sans doute pas été davantage éclairés. "Il s'agit d'un roman-enquête. Il y a une partie enquête et une partie romancée", expliquait-il, l'an dernier, à l'officier de la SDAT, la sous-direction anti-terroriste, qui l'interrogeait sur les allégations contenues dans un précédent ouvrage, "Guerres secrètes à l'Elysée". "Toute sa vie, il a mené double jeu. Avec lui, vous ne saurez jamais la vérité", prévient un ancien de la cellule élyséenne.

    Un "mythomane gagné par le côté obscur"

    Jusqu'ici, le personnage reste insaisissable. Il serait aujourd'hui "richissime", mais malade, disent ses anciens compagnons. Inconnu des fichiers de police, Agrippa et autres Judex, il n'est pas titulaire, officiellement, d'une ligne de téléphone. Son portable français est enregistré au nom de l'ex-émir du Qatar, Khalifa al-Thani, son principal employeur depuis plus de 20 ans. Pour les besoins de la justice, il se fait domicilier dans un appartement londonien du souverain déchu, à Knightsbridge. Mais son épouse Angelika, avec qui il est séparé de corps, dit ignorer où il demeure. "Je ne lui connais aucune autre adresse", a-t-elle confié aux enquêteurs.

    "Dans le groupe, quand on se fichait de lui, on l'imitait en train de dire, avec son cheveu sur la langue : 'Fé Fecret !'", s'amuse son ancien chef, le colonel Christian Prouteau. Celui qui, sous Mitterrand, dirigea la cellule antiterroriste décrit Barril comme un "super second, un peu fêlé, capable de dire : 'Couvrez-moi, j'y vais'", mais aussi, un "mythomane gagné par le côté obscur" qui, déjà au GIGN, vouait une "fascination à Bob Denard", le mercenaire français, auteur de multiples coups tordus en Afrique. "Il m'avait dit après un putsch de Denard aux Comores : 'On pourrait faire comme lui et, après, on serait responsables d'un pays'..."

    Lorsqu'il est mis en disponibilité, fin 1983, à la suite d'une série de scandales, il possède déjà sa boîte de sécurité, baptisée Secrets, comme il se doit. Il recrute ses collaborateurs de préférence parmi d'anciens militaires. "Pour aller en Afrique, il faisait appel à des gens qui avaient une expérience du terrain", raconte un de ses ex-employés. Tous sont dotés d'alias. "C'était pour garder un certain anonymat,continue ce garde du corps, surnommé 'Luc'. On parle par radio, on est écoutés par les services. Avec des pseudos, on sait qu'ils ne tomberont sur rien." Dans ce règne de l'omerta, même la comptable hérite d'un nom de code : "Lolita".

    Dans l'ombre de la mitterrandie

    Paul Barril ne se limite pas à assurer la protection de ses clients. Il renseigne, entraîne, recrute, livre du matériel en tout genre. Influe, intrigue, surtout, comme le prouve son abondante littérature, retrouvée au siège de sa société. "Les opposants seront en permanence contrôlés, manipulés", lit-on sur une offre adressée à différents dictateurs africains. Au maréchal Mobutu, président du Zaïre, il propose de "participer et de diriger la campagne présidentielle afin d'obtenir un score égal à 60%." A son homologue burkinabé, Blaise Compaoré, de "surveiller et infiltrer tous les journaux". A tous, il promet de "déterminer et de neutraliser" le moindre "complot".

    Et au régime hutu, quel service est-il prêt à rendre ? Son entente secrète avec Kigali débute très tôt. "J'ai l'honneur de vous confirmer la collaboration entre nos services de sécurité et les vôtres", lui écrit, le 23 août 1991, Fabien Singaye, deuxième secrétaire à l'ambassade du Rwanda à Berne, en réalité, un agent chargé de surveiller les activités à l'étranger des rebelles tutsis du FPR, le Front patriotique rwandais. Un mois plus tard, l'espion se félicite des "connaissances" de Barril au sein du monde politique et des médias français, "entre autres à La Cinq et à RFI, précise-t-il dans un télégramme. Il peut plaider pour notre pays afin de déstabiliser le FPR". En 1993, Elie Sagatwa, chef d'état-major particulier du président Habyarimana, remercie par écrit le "capitaine Barril" pour "tous les services rendus".

    L'ex-gendarme affirmera plus tard agir sur les ordres de François de Grossouvre, le conseiller occulte de Mitterrand. Le préposé aux chasses présidentielles "coordonnait un peu les services secrets", dira Barril au juge Trévidic, sans crainte d'être contredit par l'intéressé, suicidé, par une coïncidence troublante, le 7 avril 1994, au lendemain de l'attentat de Kigali : "C'est Grossouvre qui m'a présenté le président Habyarimana. Je devais infiltrer le FPR en Europe." Une certitude : Barril visite régulièrement son mentor à l'Elysée, où il est pourtant devenu persona non grata depuis ses éclats publics. "Il venait souvent, confirme Pierre d'Alençon, ancien collaborateur de François de Grossouvre. Pour éviter qu'il s'enregistre à l'accueil, je le faisais entrer discrètement par l'avenue de Marigny."

    Paul Barril a même fourni à l'homme de l'ombre de la mitterrandie une R25, toute noire, vitres comprises, et un chauffeur, Patrice Jaran. "Quand il m'a embauché en 1991, il m'a dit d'être très, très discret,rapporte ce dernier. Lorsque des personnalités africaines venaient voir M. de Grossouvre, plusieurs fois, il était là." Le mercenaire et le conseiller mènent-ils une action clandestine dans un pays que la France appuie alors militairement ? Pour Gilles Ménage, ancien directeur de cabinet du président, aujourd'hui secrétaire général de l'Institut François-Mitterrand, il ne s'agit que de deux marginaux. "Nous avions coupé les ponts avec Barril et Grossouvre était alors écarté", insiste Ménage.

    Contrat d'assistance

    "J'ai fait plusieurs missions au Rwanda, a raconté l'ex-gendarme au réalisateur Raphaël Glucksmann, lors du tournage du film 'Tuez les tous !'. Des missions d'évaluation, d'infiltration [...] j'ai combattu avec les Hutus jusqu'aux derniers. J'ai vécu des choses extraordinaires." Durant le génocide, il prétend avoir organisé la défense de Kigali face aux rebelles du FPR. Dans d'autres interviews, il raconte avoir "pris des initiatives folles", "fait des cartons à l'extérieur". Nom de l'opération ? "Insecticide". Comme en écho aux médias hutus qui appellent à anéantir tous les "cafards" tutsis. Depuis qu'il doit rendre des comptes à la justice, il affirme que ses séjours au pays des Mille Collines n'ont jamais excédé "deux-trois jours". Dans ses dénégations et ses rodomontades, impossible de démêler le vrai du faux.

    Restent les preuves, les témoins. Richard Mugenzi, ex-opérateur radio des FAR, les Forces armées rwandaises, le voit passer au camp de Gisenyi, à deux pas du Zaïre, après le départ des troupes françaises, en décembre 1993 : "Je vois ce militaire pas comme les autres. J'ai posé des questions et on m'a dit [...] qu'il s'appelait Barril. Il était avec d'autres, habillés comme lui", dit-il au journaliste Jean-François Dupaquier, dans un livre d'entretiens (1). Le Français Jacky Héraud, qui pilote l'avion d'Habyarimana, le remarque, lui aussi, sur le tarmac de l'aéroport de Kigali, fin mars 1994, quelques jours avant de mourir en plein ciel. De retour chez lui, il s'en étonne devant son épouse.

    Le 6 mai 1994, Paul Barril regagne le Rwanda. Avec ses acolytes. Toujours les mêmes, à chaque fois qu'il se rend dans cette partie du monde. Marc Poussard, dit "Maurice", son bras droit, Luc Dupriez, ex-nageur de combat, Christophe Meynard, alias "Christian", un ancien de la Légion, Jean-Marc Souren, un Canadien appelé "John", lui aussi vétéran de l'armée française, un temps casque bleu à Sarajevo, et enfin, Franck Appietto, alias "François", qui a été chassé du 11e Choc, le vivier du Service Action. Ils viennent chercher le corps de Juvénal Habyarimana, déposé à Gisenyi. Les fils du président défunt, Léon et Jean-Pierre, font d'ailleurs partie du voyage.

    Mais leur mission est avant tout militaire. Devant l'offensive ennemie, le ministre rwandais de la Défense, Augustin Bizimana, a appelé au secours le capitaine dans une lettre datée du 27 avril : "Situation de plus en plus critique. Je vous confirme mon accord pour recruter [...] 1.000 hommes devant combattre aux côtés des FAR." Son gouvernement a financé la location du Falcon 50 par un virement de 130.000 dollars, le 7 mai. Un premier acompte avant la signature, le 28 mai, d'un "contrat d'assistance", en bonne et due forme. En échange de la somme de 3,13 millions de dollars, Paul Barril s'engage à fournir 20 mercenaires, avec "pour tâches de former et d'encadrer sur le terrain les hommes mis à leur disposition", ainsi que 2 millions de cartouches de 5,56 et 7,62, pour des fusils d'assaut, 5.000 grenades à main, 6.000 grenades à fusil et 11.000 obus et mortiers.

    "Ca ne s'est jamais fait, ça n'a jamais existé", dit-il, lorsque le juge Trévidic l'interroge sur la réalité du document. Faux. Des factures ultérieures attestent que la plus grande partie de l'argent a bel et bien été dépensée. Il viole ainsi l'embargo sur les armes à destination du Rwanda, décrété onze jours plus tôt par le Conseil de Sécurité des Nations unies. Pis, il vient en aide à un régime qui a déjà exterminé des centaines de milliers de civils. "Il est complice des génocidaires dès lors qu'il appuie et équipe une armée qui, elle-même, encadre les tueurs, les milices, et participe aux massacres", accuse Me Patrick Baudoin, l'avocat de la FIDH.

    "Ratissage" 

    Dans un "rapport de situation" du 2 juin 1994, Paul Barril indique avoir "mis sur pied quatre éléments commando d'un effectif de 80 hommes ", au camp d'entraînement de Bigogwe, une ville du nord-ouest. "Ces derniers ont reçu mission de harcèlement et destruction dans les arrières de l'ennemi." Les combattants qu'entraîne l'ex-gendarme sont pour la plupart des miliciens, des interahamwe, ceux-là mêmes qui font la chasse à leurs voisins depuis des semaines, selon l'opérateur radio, Richard Mugenzi. Courant juin, ils partiront "finir la besogne", comme ils disent. Cette fois, plus au sud, sur les collines de Bisesero, où des milliers de Tutsis ont trouvé refuge. Pour cet ultime "ratissage", le préfet Clément Kayishema réclame des munitions, dans un télégramme daté du 12 juin. Des grenades à fusil, des grenades à main, des cartouches de calibre 5,56. Celles promises par Barril ?

    L'homme n'est à aucun moment inquiété. Or "la France savait parfaitement ce qu'il faisait, assure une source judiciaire. Des rapports de la DGSE le prouvent, mais ils sont classifiés." Notamment une note de synthèse du 2 juin 1994 divulguée par la revue "XXI " : "Il semble que le capitaine Barril, dirigeant de la société Secrets, exerce, en liaison avec la famille Habyarimana, réfugiée à Paris, une activité remarquée en vue de fournir des munitions et de l'armement aux forces gouvernementales" (2). Le 27 juin, au détour d'un télex, l'attaché militaire français à Kinshasa évoque même, sans s'en émouvoir, l'existence du "contrat d'assistance". Comme si Paul Barril avait remplacé au pied levé un pouvoir officiel français prisonnier de ses engagements internationaux.

    Avant même la chute de Kigali, le 4 juillet, le voilà de retour à Paris, multipliant les entretiens, déboulant sur les plateaux télé, réclamant l'ouverture d'une enquête sur l'attentat contre Habyarimana, brandissant des "preuves" de la culpabilité du FPR et de son chef, Paul Kagamé. Telle cette fameuse boîte noire, qui se révèlera n'être qu'une simple balise. "Paul connaît les avions par cœur. Il savait que la pièce est orange, pas noire, dit son ex-supérieur, Christian Prouteau. Mais pour lui, plus c'est gros, plus ça passe !" Pourquoi tous ces mensonges ? "Il y avait un peu de provocation de ma part pour faire bouger les choses", se défendra plus tard l'intéressé. Son but véritable, il le dévoile dans une missive à l'ex-chef militaire rwandais Augustin Bizimungu : "Je mets tout en œuvre pour défendre votre cause", lui écrit-il, en janvier 1995.

    Mensonges et fausses preuves

    Tout ? Presque. Il convainc la fille du copilote de l'avion, Sylvie Minaberry de porter plainte, la confie à son avocate et réussit même à placer son ami, Fabien Singaye, auprès du juge Jean-Louis Bruguière. L'ex-espion rwandais sert à la fois d'interprète et de chercheur, chargé de localiser des témoins en Afrique. "Barrilnous l'a conseillé, car il avait confiance en lui", plaide le principal enquêteur, Pierre Payebien. Un expert d'autant moins impartial qu'il entretient des liens de parenté avec la famille d'une des victimes. Deux fils Habyarimana sont ses beaux-frères.

    L'ex-gendarme dispose dorénavant d'un agent au coeur de la procédure. Car Fabien Singaye, chassé de Suisse en août 1994 en raison de ses activités de renseignement, travaille dorénavant pour Secrets en qualité de "chargé des Affaires africaines", comme le révèlent des factures, des listes d'employés saisies par la justice. Son nom de code ? "Fabius". Quand il n'offre pas son pack "infiltration et manipulation" à un quelconque tyran ou ne vante pas l'un de ses produits phare - alarme, gaz incapacitant et autres gadgets... - il rumine sa revanche, évoque des "plans" avec des dirigeants hutus en fuite, bombarde des personnalités françaises de notes sur "les perspectives de règlement de la crise rwandaise". Des diatribes dans lesquelles il dénonce "la poursuite du génocide des Hutus par le FPR", "l'arrogance, l'extrémisme, la méchanceté" séculaires des Tutsis et prône la reprise de "la lutte armée" avec "l'appui bien engagé de la France".

    Barril est un homme à tiroirs. Lorsque l'on entrevoit un soupçon de sa vérité, on tombe sur un nouveau mystère. Le juge Marc Trévidic voulait l'interroger sur un point précis : où se trouvait-il au moment de l'attentat contre l'avion d'Habyarimana ? Une question importante depuis que la piste des extrémistes hutus a été relancée. N'importe qui ne peut pas abattre un appareil en plein vol. Les assassins auraient pu recourir à des experts étrangers. "Je ne suis pas un spécialiste des missiles, mais je sais qu'il faut avoir eu un entrainement et en avoir tiré 25 ou 30", a d'ailleurs reconnu le capitaine. Dans ses Mémoires, il avait prétendu être ce soir-là sur "une colline perdue au centre de l'Afrique". Il affirme maintenant qu'il résidait à New York, au Plazza Athénée, et a présenté pour preuve un duplicata du tampon d'entrée américain en date du 31 mars 1994. Problème : il possédait un autre passeport. Le magistrat lui a alors demandé la photocopie de ce second document. Il attend toujours.

    (1) "L'Agenda du génocide", Editions Karthala, 2010.

    (2) "Barril l’Affreux", par Jean-Pierre Perrin, "XXI" n° 10.

    Christophe Boltanski – Le Nouvel Observateur


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  • International

    Centrafrique : une femme élue présidente de transition

    Par Les Echos | 20/01 | 12:56 | mis à jour à 15:21

    L’actuelle maire de Bangui, Catherine Samba Panza, a été élue présidente par intérim. Les ministres européens des Affaires étrangères ont approuvé le lancement d’une opération européenne dans le pays. 1.000 soldats européens devraient venir soutenir les forces africaines, françaises et Onusiennes déjà engagées.

    Huit candidats étaient en lice pour succéder à Michel Djotodia à la présidence de la Centrafrique, et la maire de Bangui l’a emporté - AFP
    Huit candidats étaient en lice pour succéder à Michel Djotodia à la présidence de la Centrafrique, et la maire de Bangui l’a emporté - AFP

    La France ne sera plus seule en Centrafrique. Ce lundi, les ministres européens des Affaires étrangères ont approuvé le lancement d’une opération militaire de l’Union européenne, un peu plus d’un mois après le lancement par la France de l’ opération Sangaris . L’UE et l’ONU ont par ailleurs annoncé que près de 500 millions de dollars seraient débloqués pour venir en aide à la Centrafrique en 2014. Les modalités de la mise en oeuvre de ce plan sont encore en discussion, précise une source diplomatique. Il s’agira de la première intervention au sol sous drapeau européen depuis le Tchad, en 2008.

    Un contingent d’un millier de soldats européens viendrait ainsi appuyer les forces africaines, françaises et Onusiennes dans leur tentative de sécuriser la capitale Bangui, notamment la zone de l’aéroport. 1.600 soldats français sont déjà sur place.

    Un souhait depuis longtemps formulé par la France, engagée en Centrafrique depuis le 6 décembre dernier, suite à l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies de la résolution 2127 autorisant les forces françaises à intervenir pour rétablir l’ordre et la sécurité dans le pays. Les troupes françaises se sont retrouvées seules au milieu d’un conflit inextricable . Le 16 décembre dernier, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, réclamait un soutien plus solide de la part de l’Europe . «  La France n’est pas le gendarme de l’Afrique, mais il se trouve que, pour le moment -et nous travaillons à ce que ça change -, la France est le seul pays qui a des forces capables d’aller là-bas en nombre », regrettait-il alors. Ses déclarations avaient entraîné un soutien « unanime » des Etats- membres  : l’aide humanitaire à la République de Centrafrique était ainsi triplée à 60 millions d’euros, et un financement de 50 millions d’euros voté en faveur des forces internationales africaines.

    Catherine Samba Panza succède à Michel Djotodia

    Ce lundi était également jour d’élection présidentielle : le parlement provisoire centrafricain, le CNT, a commencé à voter en milieu de journée pour élire un nouveau chef de l’Etat de transition. Huit candidats étaient en lice, et c’est l’actuelle maire de Bangui, Catherine Samba Panza, qui l’a emporté au second tour face à Désiré Kolingba, fils de l’ancien président de Centrafrique André Kolingba (1981-1993). Au premier tour, elle avait obtenu 64 voix (une de moins que la majorité absolue fixée par le Conseil national de transition), et Désiré Kolingba 58, selon les résultats lus en séance publique.

    Parmi les candidats figuraient également Sylvain Patassé, fils de l’ex-président Ange-Félix Patassé (1993 à 2003), ou encore Emile Gros Raymond Nakombo, un banquier proche de l’ex-président Kolingba et déjà candidat à la présidentielle de 2011.

    Quelque 129 membres du Conseil national de transition (le CNT, parlement provisoire qui compte 135 membres) prennent part au scrutin. 119 parlementaires sont présents dans la salle et 10 autres ont donné des mandats pour voter en leur nom, indiquait une source parlementaire. Une urne transparente a été installée dans la salle où le CNT siège et chaque parlementaire est appelé par son nom à venir y déposer son enveloppe.

    Catherine Samba Panza succède donc à Michel Djotodia, contraint à la démission le 10 janvier dernier car incapable de mettre fin aux violences interreligieuses qui frappent le pays. Sa tâche sera lourde : elle devra pacifier le pays, remettre une administration totalement paralysée en état de marche et permettre aux centaines de milliers de déplacés de rentrer chez eux. Le tout en peu de temps : selon le calendrier de la transition, des élections générales doivent être organisées au plus tard au premier semestre 2015, la France souhaitant pour sa part qu’elles se tiennent en 2014.


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    L'ex-président centrafricain Michel Djotodia

    s'exile au Bénin

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    <figure class="img"><figcaption>© AFP</figcaption></figure>

    Texte par FRANCE 24

    Dernière modification : 11/01/2014

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    L'ex-président centrafricain Michel Djotodia, qui a annoncé sa démission vendredi, est parti au Bénin où il vivra en exil. Un pays qu'il connaît bien pour y avoir trouvé refuge en 2006 déjà.

    L’ex-président centrafricain Michel Djotodia, qui a démissionné vendredi 10 janvier, est parti pour le Bénin où il vivra en exil, a-t-on appris samedi. Le journal "Le Monde" avait, selon ses propres sources, annoncé peu avant qu’il se rendrait à Cotonou, la capitale béninoise, où se trouverait une partie de sa famille qui y possède une maison.

    Michel Djotodia connaît bien le Bénin où il s’était déjà réfugié en 2006, alors que le président centrafricain d'alors, François Bozizé, l’accusait déjà d’œuvrer contre le régime. La rivalité entre les deux hommes remonte en effet à loin, du temps où l’ancien fonctionnaire et diplomate, âgé d’une soixantaine d’années, est passé du côté de la rébellion.
     
    Scènes de liesse à Bangui
     
    Selon Louisa Lombard, anthropologue spécialiste de la Centrafrique, c’est lorsqu’il était consul de la Centrafrique au Sud-Darfour, en 2005, que Michel Djotodia a fait la connaissance des rebelles tchadiens et d’autres hommes armés de la région. Ces derniers l’auraient aidé à devenir l’un des leaders de l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR), le groupe armé centrafricain apparu en 2006.
     
    L’accusant de conspiration, le président Bozizé, en poste depuis 2003, a alors réclamé son retour manu militari du Soudan à Bangui. Michel Djotodia, qui s’est alors réfugié au Bénin, n’a pu échapper au mandat d’arrêt  et il a été incarcéré 18 mois à Cotonou, avant d’être libéré en juin 2008.
     
    Installé au pouvoir en mars dernier par les rebelles de la Séléka, Michel Djotodia a démissionné vendredi avec son Premier ministre Nicolas Tiangaye sous la pression des dirigeants de plusieurs autres pays d’Afrique centrale réunis à N'Djamena au Tchad. Ces derniers considéraient leur départ comme l’une des conditions à l’arrêt des affrontements armés. L’annonce de sa démission a été accueillie par des scènes de liesse vendredi dans les rues de Bangui, où la situation reste néanmoins tendue. 


    Avec Reuters


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  • Centrafrique : comment la France a précipité

    la fin de Djotodia

    Le Monde.fr | <time datetime="2014-01-10T12:51:25+01:00" itemprop="datePublished">10.01.2014 à 12h51</time> • Mis à jour le <time datetime="2014-01-10T16:18:35+01:00" itemprop="dateModified">10.01.2014 à 16h18</time> | Par

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    L'ancien président de transition centrafricain Michel Djotodia à Bangui.

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    C'est un communiqué qui l'a confirmé, vendredi 10 janvier à midi, à l'issue de deux jours d'intenses discussions à N'Djamena : le président de transition centrafricain Michel Djotodia, et son premier ministre Nicolas Tiangaye, ont démissionné. Ainsi s'achève le sommet extraordinaire de la Communauté des Etats d'Afrique centrale convoqué par Idriss Déby dans la capitale tchadienne pour tenter de sortir de la crise.

    Ce fut un bien mauvais réveillon 2013 que celui passé par Michel Djotodia, le président de transition en Centrafrique. Dans la nuit du 31 décembre, des heurts menacent le camp De Roux où il est retranché à Bangui, et l'ex-rebelle de la Séléka a appelé la force française Sangaris à l'aide. Mais le 1er janvier à 1000 km de là, son sort politique est scellé d'une autre manière. Dans la capitale du Tchad, le président Idriss Déby reçoit Jean-Yves le Drian, le ministre de la défense français.

    Car Sangaris est engluée à Bangui, dans une situation toujours explosive un mois après son déploiement. Le grand voisin tchadien de la Centrafrique, lui, voit que la transition politique définie début 2013 sous l'égide de l'organisation qu'il préside, la CEEAC, est dans l'impasse. A Bangui, ses soldats ont bien commencé à patrouiller avec les Français mais ils sont accusés d'exactions. Ses ressortissants sont la cible des violences ; 12 000 ont déjà fui, dont 3 000 dans des avions français.

    Regarder l'infographie interactive Pourquoi la France intervient en Centrafrique

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    Ce soir du 1er janvier, au Palais rose, les deux hommes se mettent d'accord sur le principe d'un départ prochain de Michel Djotodia. Il faut désarmer sans délai les milices centrafricaines ex-Séléka et anti-Balaka – « dix jours ! », dit Déby. Or Michel Djotodia, l'homme de N'Djamena, en est incapable, qui ne contrôle plus les ex-Séléka. « Le constat partagé est que l'exécutif centrafricain ne peut plus rien et qu'il faut une initiative pour éviter le chaos », relate sur place une source française. Mais le chaos est déjà bien installé, et le pari fait par la France en retirant le seul interlocuteur identifié par la communauté internationale est hautement risqué : quelle peut être l'alternative ?

    « NOUVEAU SUD-SOUDAN »

    Quelques heures plus tôt, dans ses vœux télévisés, le président Déby a lâché publiquement M. Djotodia. « Nous [sommes] profondément choqués par les fausses accusations contre notre pays l'accusant de soutenir la Séléka. Je défie quiconque d'être capable de fournir à l'opinion internationale la preuve de ces allégations. »

    Les menaces répétées venant de l'entourage de Djotodia sur une possible partition du nord de la RCA auraient achevé de convaincre Idriss Déby d'appuyer Paris dans cette démarche. « Un nouveau Sud-Soudan à sa porte, c'est le cauchemar pour lui », ajoute un diplomate. « Nous n'avons pas d'autre agenda que de rétablir la paix et la sécurité, quand la case de votre voisin brûle, la flamme peut atteindre la vôtre. Nous craignons le terrorisme », précise au Monde un porte-parole de la présidence tchadienne. D'autres contreparties ont été échangées avec le principal partenaire militaire de la France en Afrique.

    En ce jour de l'An, si l'objectif paraît clair, la méthode pour y parvenir ne l'est pas encore. « Il ne faut pas que l'Occident se trompe d'analyse, ce n'est pas parce que Djotodia est musulman qu'il faut le combattre ; ce régime a une feuille de route, il faut l'aider pour que les choses évoluent », indiquait-on aussi à la présidence tchadienne.

    Le chef de l'Etat tchadien et le ministre français calent un deuxième rendez-vous pour le surlendemain. Le 2 janvier, M. Le Drian doit s'envoler pour Bangui voir la force française ; il snobera M. Djotodia qui a demandé à plusieurs reprises de le voir. Dans la même journée, avant de revenir à Ndjamena, il consultera les deux autres grands acteurs de la région, le Congolais Sassou N'Guesso à Brazzaville, puis le Gabonais Ali Bongo à Libreville.

    « Déby a lâché Djotodia depuis longtemps », assurait une source diplomatique française au début de ce marathon régional. Jean-Yves Le Drian a dit sa confiance en Idriss Déby, son allié militaire qualifié de « parfait » au Mali, où il a payé le prix du sang au bénéfice de l'opération Serval. Ensemble, ils ont abordé la question centrafricaine dès le 14 décembre 2013 à N'Djamena. Le président tchadien avait alors fait part de ses doutes sur les capacités de Michel Djotodia à contrôler la coalition Séléka. Et passé un message clair aux Français : les ex-Séléka non-Centrafricains, mercenaires soudanais et tchadiens, devront quitter la RCA.

    Ce jour-là, dans leur tête-à-tête, les deux hommes ont échangé leur numéro de portable ; ils se parlent presque quotidiennement depuis. A Paris, François Hollande a vu très vite que l'opération « coup de poing » promise à Bangui allait durer, et validé ainsi, avant Noël, l'idée d'une initiative française pour sortir du piège centrafricain. Contrairement aux plans initiaux, Sangaris demeure « scotchée » dans la capitale. Une situation qui permet aux ex-Séléka, même divisés, de garder la main sur le pays. Les miliciens en contrôlent toutes les ressources : les péages routiers en provenance des pays voisins, le pétrole au nord, les diamants au centre.

    PARER UN EMBRASEMENT LIÉ AU CHANGEMENT DE RÉGIME

    Le 2 janvier, à 14 heures, le Falcon français se pose à Brazzaville. Le président Sassou N'Guesso est tout autant le médiateur de la crise centrafricaine, où il a envoyé des soldats, que le financeur de ce qui reste d'administration à Bangui. Le ministre de la défense ne laisse rien transparaître, mais il sort conforté de ses deux heures d'entretien. Même convergence qu'à N'Djamena, disent les Français. Face à l'impasse de la transition politique, le président congolais a commencé les consultations avec les acteurs de la RCA pour une alternative. Le contingent congolais de la Misca a lui aussi subi des pertes. Des Centrafricains se réfugient au Congo. L'idée d'une réunion d'urgence des chefs d'Etat de la région se précise.

    A 17h30, le marathon se poursuit à Libreville. C'est dans la capitale gabonaise qu'avait été signé l'accord de début 2013 instituant un « gouvernement d'union nationale » à Bangui. Ali Bongo a déployé un contingent important – 600 hommes – dans la Misca. A Libreville, le camp De-Gaulle, avec ses mille hommes, constitue aussi le principal réservoir de forces françaises pour la RCA. Le président Bongo donne lui aussi son accord pour une conférence régionale.

    Quand la délégation française rejoint N'Djamena, le soir venu, un autre « hôte » est en ville, que la force Sangaris a vu rapidement embarquer sur le tarmac de Bangui. Michel Djotodia, venu avec une dizaine de proches, a été convoqué par Idriss Déby.

    Au Palais rose, le 3 janvier au matin, la boucle est bouclée. Démission de Michel Djotodia, nouvelles équipes de transition, désarmement des deux groupes ex-Séléka et anti-Balaka, départ des mercenaires soudanais et tchadiens : Idriss Déby et Jean-Yves Le Drian précisent les termes de leur accord, qui semble clair. Le président tchadien va convoquer, jeudi 9 et vendredi 10 janvier, une réunion extraordinaire de la CEEAC, à laquelle il demande au ministre français d'envoyer un émissaire. A sa demande, Paris lui assure que Sangaris restera à Bangui « avec les moyens nécessaires » pour parer un embrasement lié au changement de régime. S'il le faut, la force sera renforcée, même s'il n'en est pas question officiellement.

    Le ministre achève ce jour-là sa tournée africaine à Faya-Largeau, petite base du nord du Tchad appelée à rester un point d'appui pour les Français dans le cadre de la lutte contre le terrorisme au Sahel. Mais cette dernière visite sera écourtée, comme le week-end breton de Jean-Yves Le Drian. L'Elysée le convoque pour 20 heures, avec son homologue des affaires étrangères Laurent Fabius. Il faut aller encore plus vite, décide François Hollande. Une nouvelle rencontre a lieu à l'Elysée samedi, en tête-à-tête. Les scénarios militaires de l'après-Djotodia sont calés pour Sangaris. Au risque qu'un vide en remplace un autre.


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