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Appelés aux urnes le 21 février, les Yéménites veulent tourner la page Saleh
Dernière modification : 19/02/2012- Ali Abdallah Saleh - États-Unis - Yémen
Appelés aux urnes le 21 février, les Yéménites veulent tourner la page Saleh
Ayant obtenu l’immunité après des mois de répression violente au Yémen, le président Ali Abdallah Saleh, grièvement blessé dans un attentat en juin 2011, est parti aux États-Unis pour y être soigné. Un hôte accueilli sans enthousiasme par Washington.
Les Yéménites sont appelés aux urnes mardi 21 février pour l'élection présidentielle, plus d’un an après le début du soulèvement populaire qui a conduit au départ du président Ali Abdallah Saleh. Fait pour le moins surprenant, un seul candidat est en lice, l’actuel vice-président Abd Rabbo Mansour Hadj, désigné par Saleh lui-même. Homme de consensus, Mansour Jadj devrait être élu pour un mandat de transition de deux ans.
Une élection avec un candidat unique
Pierre angulaire de l’accord de transition signé en novembre à Ryad entre Saleh et l'opposition, cette élection est attendue avec impatience par une partie de la population yéménite. Lors des manifestations qui se sont déroulées cette semaine, on a pu notamment lire sur les banderoles : "Le 21 février est le jour où le Yémen va renaître", ou encore : "C'est fini, le règne de l'assassin". Mais des contre-manifestations ont également eu lieu, émaillées souvent de heurts.
Cette issue laisse cependant songeurs nombre d’observateurs. Pour Didier Billion,
spécialiste du Moyen Orient et Directeur des publications de l’Institut de Recherche internationales et stratégiques, le scrutin est "troublant" au regard des principes démocratiques réclamés, il estime néanmoins que "c’est peut-être une solution du moindre mal pour tous".
Le compromis qui a été trouvé se résume à "un accord tacite entre le pouvoir et l’opposition pour sortir le pays de l’impasse", résume M. Billion. Tout dialogue semblait en effet rompu entre Saleh et les partis d’opposition alors que dans le même temps, la mobilisation de la rue, amorcée début janvier 2011, ne faiblissait pas. Ni la répression du régime.
Le Yémen, situation stratégique d'un pays fragilisé
Une élection rapide et qui satisfasse le plus grand monde est d’autant plus souhaitée qu’elle est nécessaire pour renforcer le pays fragilisé. Le Yémen comporte en effet des éléments inquiétants tant à l’échelle nationale que régionale. Le pays est au prise avec une rébellion de tribus houtistes au Nord, mais également avec des éléments séparatistes présents au sud, notamment le Mouvement sudiste.
Plus inquiétante encore est la présence "des poches jihadistes, liées à Al-Qaïda, que le flottement lié au soulèvement a contribué à renforcer", rappelle Didier Billion. "Le Yémen est un pays qui a failli tomber dans une situation chaotique à la somalienne", résume-t-il. Et de conclure : "l’accord de transition, ou plutôt d’évolution, s’il n’est pas satisfaisant du point de vue d’un processus démocratique sert précisément à maintenir une certaine stabilité."
"Les États-Unis et l’Arabie saoudite ont directement ou indirectement poussé à cet accord pour éviter principalement que la situation ne dégénère", explique-t-il encore. Riyad, dont on a vu la promptitude à réprimer le soulèvement au Bahrein, redoute qu’une situation d’instabilité au Yémen ne fasse tache d’huile dans la région.
Des violences à craindre
Cependant, ce scrutin ne suscite pas l’enthousiasme de l’ensemble de la population. Depuis le début du mois de février, nombre de manifestations ont été organisées à Sanaa contre ces élections.
Didier Billion tient toutefois à nuancer le poids des contestataires. "La majeur partie de l’opposition a accepté l’accord, c’est donc une minorité qui manifeste son mécontentement", rappelle-t-il. "Pour l’essentiel, les jeunes qui étaient en première ligne du soulèvement [le mouvement des Jeunes de la révolution, NDLR] et qui se sentent aujourd’hui trahis", poursuit-il.
L'accord prévoit que les jeunes seront invités à participer au dialogue national qui doit suivre l'élection présidentielle, mais aucun contact n’a encore été établi avec le futur président.
Des incidents, parfois meurtriers, ont par ailleurs émaillés les dernières semaines. Un attentat-suicide meurtrier a notamment été perpétré mardi, devant un bureau électoral à Aden, ville portuaire au sud du pays. "Avec la configuration du Yémen, il est vraisemblable de craindre des violences", estime d’ailleurs Didier Billion.
Enfin, le président Saleh, qui a été grièvement blessé dans une attaque contre son palais à Sanaa en juin, se trouve depuis fin janvier aux États-Unis pour y recevoir des soins médicaux. Son visa court jusqu’à la fin du mois de mars 2012. "Il est tout à fait probable qu’il rentre au Yémen et tente de rejouer un rôle politique en tant que président de son parti", pressent Didier Billion, qui rappelle que des législatives sont à prévoir dans le pays.
Tags : Ali Abdallah Saleh, États-Unis, Yémen
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