À la une du Point.fr
-
Les Sages allemands tirent à boulets rouges sur Angela Merkel
Par Frédéric Therin
-
2007-2014 : le jeu des sept ressemblances de Nicolas Sarkozy
Par Michel Revol
-
François Lenglet : sept réformes qu'ils pourraient tous soutenir
Par François Lenglet
-
Manifestation de policiers : "Il faut revoir les conditions de légitime défense"
Par Pauline Tissot et Aziz Zemouri
-
Faut-il changer de République ?
Par Emmanuel Berretta
-
Une seule solution : rénover les institutions ?
Par Charlotte Chaffanjon
Le lieu est le même. L'atmosphère est différente. Au moment où la transition démocratique en Birmanie butte sur de réels obstacles, Barack Obama et l'opposante Aung San Suu Kyi se sont retrouvés à Rangou vendredi, au domicile de l'icône de la démocratie, lieu emblématique où elle a passé des années assignée à résidence avant l'autodissolution, en 2011, de la junte militaire au pouvoir pendant un demi-siècle. Le président américain a appelé à des élections "libres et équitables" en Birmanie, lors d'une conférence de presse commune à l'issue de la rencontre.
Alors que de nombreuses voix, dont celle de Suu Kyi, s'élèvent contre les lenteurs des réformes du gouvernement birman actuel, Barack Obama a estimé que la démocratisation en Birmanie n'était "ni achevée ni irréversible". De son côté, Suu Kyi a appelé à "trouver un équilibre entre optimisme et pessimisme" pour son pays en pleine transition. À un an des législatives de fin 2015, cruciales pour le pays, elle a récemment estimé que le processus de réforme était au point mort depuis près de deux ans.
Une icône
Violences contre la minorité musulmane des Rohingyas, lourdes incertitudes sur les règles qui encadreront les élections législatives prévues fin 2015, réelles menaces sur la liberté de la presse : les sujets d'inquiétude sont nombreux. Aung San Suu Kyi, 69 ans, doit réussir le difficile passage d'un rôle d'icône pacifiste adulée à travers le monde à celui d'une femme politique en première ligne face aux soubresauts d'une démocratie naissante. Et le scrutin de fin 2015 est crucial. Si son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), a de bonnes chances de l'emporter, la route vers la présidence lui est pour l'heure barrée, en raison d'un article de la Constitution héritée de la junte.
Preuve de la place à part qu'elle occupe, dans son pays et au-delà, Barack Obama aura consacré, lors de cette visite, infiniment plus de temps - et d'exposition médiatique - à cette députée de l'opposition qu'au président du pays, l'ex-général Thein Sein. "Oui, c'est unique", reconnaît Ben Rhodes, proche conseiller du président américain. "Mais c'est un personnage unique", ajoute-t-il. "Elle est une voix extraordinairement importante en Birmanie, mais c'est aussi une icône pour la démocratie à travers le monde."
"Les États-Unis sont avec vous", avait lancé fin 2012 Barack Obama lors d'un discours prononcé à l'université de Rangoun, haut lieu de la lutte pour la démocratie. "Ce voyage remarquable vient de commencer et sera encore long". Deux ans plus tard, il souligne sur tous les tons l'impérieuse nécessité de poursuivre les réformes engagées - "Le travail n'est pas fini", a-t-il martelé - tout en se déclarant "optimiste" sur l'issue des changements profonds en cours dans ce pays de plus de 50 millions d'habitants.
Pragmatisme
Pour Ernest Bower, du Center for Strategic and International Studies, à Washington, la Maison-Blanche est à la recherche d'un subtil équilibre. "Il n'est pas concevable que les réformes démocratiques s'arrêtent en chemin", souligne-t-il. "Mais il y a aussi la reconnaissance du fait qu'il faut être pragmatique sur la quantité de changements que le pays peut absorber en un temps donné." Dans une tribune intitulée "La Birmanie a besoin de temps" et publiée dans le New York Times, U Soe Thane, conseiller du président Thein Sein, appelle la communauté internationale à faire preuve de patience et à saisir "les nuances" de ce qui se passe dans son pays. "Nous vivons dans l'ombre de notre passé. Nous souffrons de capacités institutionnelles extrêmement limitées et plus encore de mentalités et d'esprits forgés par l'isolement et l'autoritarisme. Ces choses-là ne peuvent changer du jour au lendemain."
Sur un terrain moins consensuel, Barack Obama devrait aussi aborder avec Aung San Suu Kyi la question des Rohingyas, considérés par l'ONU comme l'une des minorités les plus persécutées de la planète, et sur lesquels l'opposante se montre extrêmement discrète.