• Thein Sein

    Birmanie : (enfin) sur la voie de l’ouverture ?

     

    On asssiste depuis plusieurs mois à un élan réformateur significatif et surprenant en Birmanie. Sera-t-il décisif  face aux résistances conservatrices ? Quel rôle pour la communauté internationale dans ce nouveau contexte ?

    Il y a un an, la Birmanie (Myanmar) des généraux s’apprêtait à organiser son 1er scrutin parlementaire depuis 1990. Quelques mois plus tard, au printemps 2011, le régime effectuait sa mue ; disparaissaient casquettes et galons au profit de costumes civils. Officiellement, la junte avait vécu et cédait la place à un nouveau format de gouvernement, lequel répondait désormais à un chef de l’Etat civil (quoi qu’ancien officier de haut rang et ancien Premier ministre de la junte), Thein Sein.

    Si l’on dénonça initialement cette mutation administrative comme un artifice essentiellement cosmétique - du fait de l’omniprésence de généraux influents dans les rouages de la nouvelle administration -, l’élan du changement impulsé depuis un trimestre par Thein Sein, diverses décisions marquantes adoptées par les autorités et bien accueillies, imposent de réviser notre jugement, voire d’accompagner, avec bon sens, cette évolution inédite.

    Un trimestre d'avancées insolites, encourageantes, bienvenues

    Après un long demi-siècle de gestion martiale autoritaire, le gouvernement, sous l’impulsion semble-t-il sincère et déterminée du Président Thein Sein, s’est engagé durant le trimestre écoulé dans une voie réformatrice ambitieuse que peu d’observateurs avaient anticipé. Une bonne surprise à maints égards. L’entreprise d’ouverture mesurée et de main tendue des nouvelles autorités remontent à l’été. Début août, le Président invite les groupes ethniques armés à oeuvrer en direction du dialogue et de la paix avec le gouvernement.

     

    Dans le même temps (8 août), un émissaire du gouvernement rencontre pour la première fois depuis sa remise en liberté, en novembre 2010, Aung San Suu Kyi, l’emblématique et incontournable leader de l’opposition démocratique. Une dizaine de jours plus tard, la presse d’Etat cesse ses diatribes coutumières contre les médias étrangers. Le 19 août est une journée d’une portée particulière, riche en symbole : dans la nouvelle capitale birmane (depuis 2005, Naypyidaw) qu’elle n’a pas encore eu l’occasion de visiter, La Dame est invitée par les autorités à participer à un forum économique. Dans la foulée, elle acceptera l’invitation du Président Thein Sein à dîner à son domicile ; à cette occasion, l’hôte présidentiel et son illustre invitée poseront pour la postérité sous le portrait … du père d’Aung San Suu Kyi (le général Aung San, héros de l’indépendance) ! Un double symbole en un, un geste fort de la part de ces deux pièces centrales de l’échiquier politique contemporain birman que tout séparait encore hier ! Peu après, début septembre, une Commission nationale des droits de l’homme, composée de personnalités reconnues, est créée.

     

    A la mi-septembre, un trimestre après son entrée en fonction, Thein Sein promet à la nation birmane de poursuivre le cap d’une nécessaire réforme démocratique. Le 27 septembre, une manifestation de plusieurs dizaines d’activistes pro-démocratie est organisée dans le centre de Yangon ; quoique surveillés de près par les forces anti-émeute, les manifestants ne sont pas inquiétés... Une poignée de jours plus tard, au grand étonnement de Pékin et de la communauté internationale mais pour le plus grand plaisir de nombre de Birmans, le gouvernement annonce l’interruption des travaux sur le barrage Myitsone (Etat Kachin), chapeauté par l’expertise chinoise ; un projet ambitieux et controversé qui hérissait la population — de plus en plus sino-sceptique ces dernières années - de part son impact sur la nature et les hommes.

    Lue l’une derrière l’autre, ces décisions audacieuses, heureuses et insolites impliquant le plus haut niveau du pouvoir birman laissent entrevoir une indéniable capacité réformatrice que l’on ne connaissait pas aux autorités et notamment au nouveau chef de l’Etat et ancien homme de l’ombre du généralissime Than Shwe, le surprenant Thein Sein.

    Un élan réformateur inattendu

    Il convient de reconnaître d’entrée de jeu qu’un semestre plus tôt, lors de l’investiture printanière du Président Thein Sein - jusqu’alors un parfait exemple d’apparatchik de la junte alternant treillis militaire et costume civil -, on était loin de se douter que ce dernier allait mener peu après, tambour battant, une politique d’ouverture - certes encore mesurée - et de réforme aussi audacieuse. Un élan associant dans une astucieuse alchimie concessions (politiques) et prises de risque, écoute de la demande populaire et velléités de plaire à la communauté internationale.

     

    L’accélération depuis août de cette orientation positive ne repose pas uniquement sur l’envie,la conviction ou les seules épaules du chef de l’Etat, aussi motivé ou sûr de lui soit-il ; dans ce pays du sud-est asiatique où les hommes de la junte demeurent l’alpha et l’oméga de l’autorité, leur soutien reste cardinal à l’exercice du pouvoir. Par bonheur pour lui, plus encore pour ce pays en besoin pressant de reconstruction et de renaissance, Thein Sein profite du concours d’autres personnages influents placés, sous la houlette du désormais discret Than Shwe.

    Une démarche saluée par la communauté internationale

    Dans une réponse relativement unanime, des pays asiatiques environnants (Inde, ASEAN, Chine) à la plus lointaine communauté occidentale, cette esquisse d’assouplissement du régime et les promesses entrevues depuis un trimestre dans le déroulé de son projet de société ont
    généré un cortège de commentaires plutôt flatteurs pour les autorités birmanes. Si ces prémices de changement ont été accueilli avec un certain soulagement par les capitales des pays de l’ASEAN, les réactions les plus marquantes ont notamment émané des Etats-Unis, où l’on salua avec emphase les "changements considérables en cours" ( 11 oct.), Washington promettant consécutivement d’accompagner ces manifestations inédites de bonne volonté par une approche similaire. Dans des termes assez proches, Paris, Londres, Berlin et Rome ont donné de l’écho à cette mélodie anglo-saxone désormais plus apaisée.

    Pour complaire à la fois à ses 54 millions de concitoyens redoutant une emprise trop grande de la puissante voisine du nord (Chine) et pour donner quelques gages supplémentaires d’une orientation politique résolument nouvelle à la communauté internationale, c’est en Inde que Thein Sein entama le 12 octobre une visite officielle (4 jours) durant laquelle se fortifia (signature de divers accords) le partenariat indo-birman. 5 mois plus tôt (26 mai), Thein Sein avait été reçu à Pékin.

    Le positionnement de la Dame et du LND

    Aung San Suu Kyi, l’emblématique passionaria de la cause démocratique birmane, chef incontestée de l’opposition (LND et autres) et égérie de la communauté internationale, n’a pas non plus manqué de saluer la nette inflexion de la politique gouvernementale, tout particulièrement lorsque Naypyidaw autorisa la remise en liberté de 6 300 individus embastillés, dont 200 prisonniers politiques et divers sympathisants de la LND (11 oct.). La Dame exprima ces dernières semaines à plusieurs reprises sa "conviction" quant à la sincérité des efforts entrepris par l’administration Thein Sein et le souci de ce dernier de façonner à terme, par le dialogue et non plus par la contrainte, les contours d’un paysage nouveau pour les Birmans et l’image écornée du pays dans le concert des nations.

     

    Sincérité certes mais également intérêt de la part du pouvoir ; dans le contexte présent, moins sombre mais encore incertain, la caution bienveillante de La Dame sur l’action du gouvernement est essentielle à ce dernier. Surtout lorsque l’on sait que l’éventuelle levée des sanctions internationales imposées ces dernières décennies à la Birmanie et la fin du relatif "isolement" international » passe préalablement par un appel en ce sens - une de ses principales cartouches - de la Dame de Yangon, Aung San Suu Kyi.


    Face à tous ces défis qui, non endigués, demeurent susceptible d’inverser le cours des choses, un accompagnement extérieur, des encouragements divers (allègement des sanctions ?), paraissent opportunes, souhaitables. Une orientation bienveillante - tout en restant graduelle - à la portée du concert des nations.

     

     

    auteur: Olivier Guillard
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  • La newsletter d'Info Birmanie, numéro 
    de novembre 2011
     
    A retrouver en ligne en cliquant sur le lien suivant : Les Nouvelles de Birmanie - Novembre 2011
     
    Actualités :
    • Le Parlement vote une loi autorisant les rassemblements publics encadrés 
    • Than Shwe à la retraite ?
    • Retour officiel d’Aung San Suu Kyi et de la LND sur la scène politique
    • Des moines manifestent pour la libération des prisonniers politiques
    • Thein Sein : « Il n’y a pas de prisonniers de conscience en Birmanie »
    • Des prisonniers politiques transférés dans des prisons proches de leurs familles
    • Hausse du nombre des déplacés internes dans l’Etat Kachin
    • Les pourparlers de paix entre le régime et les groupes ethniques armés se poursuivent
    • L’utilisation des mines antipersonnel continue en Birmanie 
    • La censure se poursuit sans relâche
    • Un journaliste emprisonné remporte un prix artistique renommé
    • Une délégation du Fond Monétaire International en Birmanie
    • Obama envoie Clinton en Birmanie, où il voit des lueurs de progrès
    • La Birmanie présidera l’ASEAN en 2014


       
    Eclairage :
     
    •  «Crimes de guerre» dans l’Etat Kachin
       
    L'interview du mois :
    •    Aung San Suu Kyi répond au Wall Street Journal
    Edito :
     
    Deux événements d’envergure historique ont eu lieu au mois de novembre : le retour officiel de la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND) sur la scène politique et la visite d’Hillary Clinton en Birmanie, le premier Secrétaire d’Etat américain à se rendre dans le pays en 50 ans.

    La décision de la LND de se réenregistrer en tant que parti politique officiel fait suite aux amendements votés par le parlement sur la loi d’enregistrement des partis politiques. A présent la LND sera en mesure de briguer les 48 sièges parlementaires à pourvoir lors des prochaines élections de mi-mandat, prévues pour 2012. Il semblerait que les dirigeants birmans soient enfin arrivés à la conclusion qu’il n’était pas possible de composer sans Aung San Suu Kyi et son parti. Alors que les motivations réelles du gouvernement continuent à faire l’objet de nombreux débats, il est certain que cette ouverture vis-à-vis de l’opposition joue un rôle majeur dans la perspective d’une normalisation tant espérée par le régime.

    Le 17 novembre, en décidant d’accorder la présidence tournante de l’Association des nations du sud-est asiatique (ASEAN) à la Birmanie en 2014, les pays de la région ont été les premiers à donner le ton de cette normalisation. Si les gouvernements d’Asie du Sud-est ne sont pas réputés pour leur dénonciation des violations des droits humains, il n’en va pas de même pour les Etats-Unis dont la politique étrangère vis-à-vis du régime birman est, du fait de la situation déplorable des droits de l’homme dans le pays, parmi les plus sévères au monde..(...)
     
    Association Info Birmanie, 74, rue Notre Dame des Champs, 75006 PARIS http://www.info-birmanie.org/web/

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  • Birmanie : cessez-le-feu avec l'un des principaux groupes rebelles

    LEMONDE.FR avec AFP | 03.12.11 | 12h59

    De nombreux groupes minoritaires, qui réclament plus de droits et d'autonomie, n'ont jamais pacifié leurs rapports avec le pouvoir central depuis l'indépendance en 1948. Depuis, une guerre civile oppose la capitale à certains d'entre eux.

    L'accord a été signé vendredi 2 décembre par des représentants de l'Armée de l'Etat Shan Sud et les autorités locales dans l'Etat du nord-est du pays, a indiqué à l'AFP Hla Maung Shwe, fondateur de l'ONG Myanmar Egress qui a assisté à cette signature.

    "C'est le premier groupe qui a signé un accord de paix, parmi les cinq que nous avons rencontrés", a-t-il expliqué, précisant que ces quatre autres représentaient les minorités karen, kachin, karenni et chin. Des négociations avec le gouvernement central devraient maintenant être organisées, a-t-il ajouté.

    DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET LUTTE CONTRE LA DROGUE

    Aucune confirmation n'a pu être obtenue auprès des autorités birmanes ni du groupe. Selon le site d'informations Irrawaddy, dirigé par des Birmans en exil, cet accord comporte des engagements du gouvernement pour le développement économique et la lutte contre la drogue.

    Avec 9 % de la population, les Shans sont le deuxième groupe ethnique derrière la majorité birmane. Et l'Armée de l'Etat Shan Sud est l'un des groupes rebelles les plus importants, avec des milliers de combattants.

    La Birmanie a multiplié les réformes politiques depuis l'autodissolution de la junte qui a transféré en mars ses pouvoirs à un gouvernement "civil", même si le pays est toujours dominé par les militaires. Les Occidentaux ont salué prudemment ces réformes, mais insistent toujours en particulier sur la nécessité de mettre un terme à la guerre civile dans les zones des minorités ethniques où les ONG dénoncent sans relâche les violations des droits de l'homme. La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, en visite historique cette semaine en Birmanie, avait salué les efforts du gouvernement pour résoudre ces conflits.

    >> Lire : Les signes d'une ouverture politique

    Politique en Birmanie

    Cette visite est la première effectuée par un chef du département d'Etat américain depuis celle de John Foster Dulles en 1955. Les faits Clinton et Suu Kyi ont scellé le rapprochement américano-birman


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  • Birmanie: Aung San Suu Kyi rencontre Hillary Clinton lors d'une visite "historique"

    Publié le 02-12-11 à 18:30    Modifié à 18:50   

    RANGOON (AP) — Rencontre au sommet à Rangoon. Aung San Suu Kyi et Hillary Clinton ont posé longuement ensemble vendredi en s'engageant à oeuvrer pour l'avènement de réformes démocratiques en Birmanie. La lauréate du prix Nobel de la paix a estimé que la visite de la secrétaire d'Etat américaine représentait "un moment historique" pour leurs deux pays.

    Les deux femmes, qui comptent parmi les plus connues au monde, se sont serré la main et étreintes sous le porche de la villa de Mme Suu Kyi, où l'opposante historique et fondatrice de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) a passé de longues années assignée à résidence par la junte militaire, au pouvoir depuis les années 1960 jusqu'à la mise en place d'un gouvernement civil cette année. Elles avaient dîné ensemble jeudi soir.

    La visite de trois jours d'Hillary Clinton, qui s'achevait vendredi, était la première d'un chef de la diplomatie américaine dans ce pays très fermé depuis plus de 50 ans.

    Aung San Suu Kyi a remercié Mme Clinton et le président américain Barack Obama des gestes "prudents et mesurés" accomplis récemment par les Etats-Unis pour améliorer leurs relations avec la Birmanie.

    "Si nous avançons ensemble, je suis sûre qu'il n'y aura pas de demi-tour sur le chemin de la démocratie", a déclaré l'opposante birmane, faisant référence à la LND, au gouvernement, aux Etats-Unis et à d'autres pays, notamment la Chine. "Nous ne sommes pas encore sur ce chemin, mais nous espérons le prendre aussitôt que possible avec l'aide et la compréhension de nos amis", a-t-elle ajouté. Elle a appelé à la libération de tous les prisonniers politiques et à la fin des conflits ethniques.

    "Nous sommes satisfaits de la manière avec laquelle les Etats-Unis s'engagent à nos côtés", a-t-elle ajouté. "C'est par l'engagement que nous espérons promouvoir le processus de démocratisation."

    Comme elle l'avait fait jeudi dans la capitale, Naypyidaw, Hillary Clinton a affirmé que les Etats-Unis étaient prêts à apporter une aide importante, mais seulement si le gouvernement libère tous les prisonniers politiques, met fin aux campagnes de répression brutale des minorités ethniques, respecte la loi et améliore la situation des droits de l'Homme.

    "Nous sommes prêts à aller plus loin si l'élan des réformes est maintenu. Mais l'histoire nous a appris la prudence. Nous savons qu'il y a eu de graves revers et des déceptions durant les décennies passées", a souligné Hillary Clinton.

    Elle a annoncé que les Etats-Unis consacreraient environ 1,2 million de dollars (900.000 euros) à des projets préliminaires destinés à l'aide à la population birmane. L'argent devrait être affecté au micro-crédit ainsi qu'à des initiatives concernant les soins de santé et les victimes des mines anti-personnel, particulièrement dans les zones rurales.

    La LND a remporté les élections en 1990, mais la junte militaire au pouvoir à l'époque avait invalidé les résultats. Le parti d'Aung San Suu Kyi prévoit maintenant de se présenter lors d'élections législatives qui doivent avoir lieu prochainement.

    Jeudi soir, les deux femmes avaient déjà passé trois heures ensemble, lors d'un dîner en tête en tête à Rangoon, selon des responsables américains. D'après un haut responsable américain, ce dîner a marqué le début de ce qui semble être une "amitié très chaleureuse" entre l'ex-"First Lady" et Aung San Suu Kyi, qui envisage de revenir dans l'arène politique lors des élections législatives à venir.

    Mme Clinton a rendu hommage jeudi à Aung San Suu Kyi en déclarant que toutes ses années de combat politique étaient un modèle et une source d'inspiration. "Nous avons été inspirées par son courage face aux intimidations et par sa sérénité pendant des décennies d'isolement, mais surtout par son dévouement à son pays, à la liberté et à la dignité de ses concitoyens", a déclaré Hillary Clinton à la presse après sa rencontre avec la lauréate du prix Nobel de la paix 1991.

    La secrétaire d'Etat américaine a assuré qu'Aung San Suu Kyi ferait un "excellent membre" du Parlement birman. AP

    st/pyr/v241


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  • Birmanie : Aung San Suu Kyi de retour aux affaires

    LEMONDE.FR avec AFP | 29.11.11 | 09h18

     

    L'opposante birmane Aung San Suu Kyi, le 14 août.

    L'opposante birmane Aung San Suu Kyi, le 14 août.AP/Khin Maung Win

    Le président américain, Barack Obama, envoie cette semaine en Birmanie sa secrétaire d'Etat Hillary Clinton. En effectuant la première visite d'un chef de la diplomatie américaine en Birmanie en plus d'un demi-siècle, Hillary Clinton va chercher à profiter des récentes ouvertures de la junte au pouvoir pour renforcer l'influence des Etats-Unis face à la Chine.

    Mme Clinton, attendue mercredi dans le pays, l'un des plus fermés du monde, doit rencontrer le président Thein Sein ainsi que l'opposante Aung San Suu Kyi, libérée l'an dernier de son assignation à résidence. Avant cette visite d'Hillary Clinton, le chef de l'Etat américain s'est entretenu personnellement au téléphone avec la lauréate du prix Nobel de la paix.

    DESTIN POLITIQUE

    Barack Obama d'abord, Hillary Clinton ensuite, ce rapprochement engagé par les Etats-Unis révèle aussi le rôle de plus en plus important de l'opposante Aung San Suu Kyi dans le jeu politique birman. "Elle joue un rôle très, très important. Elle fait le lien entre l'Ouest et la Birmanie, pour le retour du pays dans la communauté internationale", résume Aung Naing Oo, analyste birman en exil en Thaïlande.

    Peu auraient parié sur un tel scénario le 13 novembre 2010, lorsque la frêle et altière silhouette, qui symbolise depuis plus de vingt ans la résistance à la junte, était apparue à la tombée de la nuit, au-dessus des grilles de sa résidence de Rangoun.

    Libérée après plus de sept ans de privation de liberté, celle qui fut parfois comparée à Nelson Mandela, au pouvoir après vingt-sept ans dans les geôles sud-africaines, semblait bien loin d'un vrai destin politique. Depuis, sa Ligue nationale pour la démocratie (LND), dissoute par les militaires, a décidé de se réenregistrer et de présenter des candidats aux prochaines élections partielles. Et l'opposante est décrite par son entourage comme décidée à conquérir un siège de député.

    ADOUBEMENT DU RÉGIME

    Dans les chancelleries occidentales, l'heure est à l'euphorie sur les chances de réussite du "printemps birman". Et les observateurs sont unanimes pour dire que les sanctions occidentales ne seront pas levées sans son accord. Depuis vingt ans, la fille du héros assassiné de l'indépendance, le général Aung San, incarne seule la résistance à l'oppression. Quitte à faire oublier les autres franges de l'opposition démocratique, pourtant bien vivantes, et la fondamentale impasse dans laquelle sont enfermées les minorités ethniques.

    En 1990, la LND avait humilié le régime militaire en remportant 392 des 485 sièges en compétition. Mais les généraux avaient refusé de s'incliner. Celle que les Birmans surnomment la "Dame" était alors déjà privée de liberté et l'est restée pendant quinze des vingt et une années suivantes. En septembre 2007, la figure gandhienne était sortie en pleurs de sa maison délabrée pour saluer des moines bouddhistes manifestant contre l'oppression. En novembre 2010, elle était réapparue rayonnante et libre, cette fois. Mais sans marge de manœuvre. Depuis, elle a rencontré la société civile, fait des voyages en province, accordé des dizaines d'interviews. Surtout, elle s'est entretenue dans la capitale Naypyidaw avec le président Thein Sein. Là encore, un adoubement, venu cette fois du régime lui-même.

    Aujourd'hui, elle fait la une des journaux birmans. Le généralissime Than Shwe, qui la maintenait enfermée, a pris sa retraite. Son pays, à nouveau, compte sur elle. "Elle a les clés de la situation", affirme Aung Naing Oo, l'analyste birman en exil en Thaïlande.


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