• Aung San Suu Kyi : derrière l'icône, l'animal politique

    Aung San Suu Kyi : derrière l'icône, l'animal politique

    Créé le 28-06-2012 à 15h41 - Mis à jour à 23h52

    Idole ? Madone ? L'opposante birmane est aussi une redoutable professionnelle de la politique.

     

    Aung San Suu Kyi lors de sa rencontre avec les militants des droits de l'Homme, mercredi 27 juin à Paris (Sarah Halifa-Legrand/Le Nouvel Observateur)

    Aung San Suu Kyi lors de sa rencontre avec les militants des droits de l'Homme, mercredi 27 juin à Paris (Sarah Halifa-Legrand/Le Nouvel Observateur)

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    Comme à chaque étape de sa tournée, elle a été accueillie par une longue salve d'applaudissements. Parmi la bonne centaine de militants des droits de l'Homme réunis mercredi après-midi, sur une péniche en plein Paris, pour récontrer celle qui est devenue une icône de la lutte pour la démocratie, l'émotion était palpable. "Ils ont tenu à venir se ressourcer auprès de vous", a d'emblée averti la tunisienne Souhayr Belhassen, présidente de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH). Ils n'ont pas été déçus.

    Arborant comme toujours ses fidèles fleurs blanches piquées dans son chignon, un foulard tout aussi immaculé et une tunique traditionnelle, mais les traits tirés par ce périple fou qu'elle a entamé il y a maintenant 10 jours en Europe et qui s'achève ce jeudi en France, Aung San Suu Kyi était visiblement moins venue pour recevoir les hommages et les cadeaux des ONG que pour délivrer un message. (> Voir notre diaporama)

    "N'abandonnez pas votre combat"

    Aux prisonniers politiques, représentés dans l'assistance par les enfants du Russe Mikhaïl Khodorkovski, Pavel Khodorkovski, et de l'Ukrainienne Ioulia Timochenko, Yevgenia Timochenko, l'opposante birmane qui a passé 15 ans privée de liberté a intimé de ne rien lâcher : "Vous ne devez pas abandonner vos principes. Si vous vous respectez, vous ne devez pas abandonner votre combat".

    Aux ONG birmanes qui ne veulent pas avoir affaire à elle pour ne pas être prises dans le jeu politique, elle a répliqué, avec humour et une bonne dose de provocation, qu'"il n'y a pas de meilleure organisation non gouvernementale qu'un parti politique birman dans l'opposition".

    Avec ceux qui lui reprochent de minorer le nombre de prisonniers politiques encore dans les geôles birmanes (que son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), estime à 271, faisant peser sur elle le soupçon de ne pas vouloir voir certains opposants revenir dans le jeu politique, contre 400 selon les ONG), Aung San Suu Kyi s'est montrée diplomate. "Notre liste n'est peut-être pas complète", a-t-elle fait mine de concéder. Tout en réaffirmant avec fermeté que tout dépendait de "la définition que l'on retient du prisonnier politique".

    Rédemption pour Total

    C'est dire si elle avait déjà pu s'échauffer quand la dernière question est tombée : surpris par les bons points qu'elle a distribués au groupe pétrolier français Total ces derniers jours, pourtant dans le collimateur des défenseurs des droits de l'Homme depuis des années pour ses compromissions avec le régime birman, un militant lui a réclamé des explications.

    "Tout le monde devrait avoir le droit à la rédemption. Comment pourrions-nous parler de réconciliation avec le gouvernement birman, et la refuser à des entreprises comme Total ?", a habilement lancé Aung San Suu Kyi à l'auditoire, sans se démonter ne serait-ce qu'un quart de seconde. Dire que Total a "entendu les critiques" ne signifie pas pour autant l'innocenter pour ses "actions passées en Birmanie", a-t-elle néanmoins insisté.

    Confiant qu'elle avait "parlé" à des représentants du groupe, elle a assuré les avoir appelés à œuvrer pour que l'industrie birmane, qui aujourd'hui "ne rend de compte à personne", s'engage elle aussi à respecter les conventions internationales pour une plus grande transparence. Et de donner comme mission finale aux ONG présentes de "faire tout leur possible pour pousser ces initiatives".

    Leçon de combat

    Conclusion ? "J'ai entendu parler de miracle. Mais l’impossible, nous le faisons tous les jours, pour les miracles, c’est un peu plus long". Ceux qui attendaient une madone birmane auront découvert un véritable "animal politique qui ne veut surtout pas se laisser enfermer dans un rôle d'idole", a reconnu, un brin impressionné, l'ambassadeur pour les droits de l'Homme François Zimeray, à l'issue de la rencontre.

    Car c'est rien de moins qu'une leçon de combat qu'Aung San Suu Kyi a donnée aux militants des droits de l'Homme. Un exercice dans lequel elle se montre "redoutable", reconnaît également Jean-Marie Fardeau, directeur du bureau français de Human Rights Watch. Avis aux étudiants de la Sorbonne qui vont débattre avec elle jeudi soir.


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