-
Autriche : un parlement low cost ?
Autriche : un parlement low cost ?
HUMOUR
Le programme d'austérité mis en place par le gouvernement autrichien ressemble fort aux autres cures d'amaigrissement ayant cours en Union européenne. A cela près que pour économiser sur les bouts de chandelle, les effectifs au Parlement vont être réduits, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Une décision saluée par le blogueur Pierre Lévy, lequel s'interroge : « Par temps de crise, peut-on encore se payer le luxe de la démocratie ? »
A son tour, le gouvernement autrichien vient de lancer un programme d’austérité. A première vue, rien de bien grave à signaler : coupes dans les retraites (et recul de l’âge du départ), dans les salaires des fonctionnaires, dans l’emploi et les services publics. La routine bruxelloise.
A Vienne cependant, on a annoncé que des économies seraient également trouvées en rétrécissant le parlement : la chambre basse passerait de 183 à 165 députés, tandis que 42 représentants des régions au lieu de 62 siègeront à la chambre haute. Enfin une idée originale ! Certes, Silvio Berlusconi avait en son temps évoqué un projet de ce type. Mais personne ne l’avait vraiment pris au sérieux.
Autrement plus déterminée est la décision autrichienne. Franchement, on se demande bien pourquoi nul n’a eu cette idée lumineuse plus tôt. Car voilà un véritable filon d’avenir. A commencer par cette aberration : le plus grand nombre des parlements nationaux se composent de deux chambres. Même le moins dégourdi des cabinets de consulting verrait immédiatement un gisement de productivité : à quoi sert donc que deux instances examinent les mêmes textes ?
« Le luxe de la démocratie »
On espère en tout cas que l’initiative viennoise n’est qu’un premier pas. Maintenir plus de 200 parlementaires, est-ce bien raisonnable ? Et au fond, ne conviendrait-il pas de briser ce tabou à l’échelle de l’Union européenne ?
Certes, par temps de prospérité, il peut être élégant de conserver des élus du peuple. Mais, par temps de crise, peut-on encore se payer le luxe de la démocratie ?
Est-ce bien compatible avec les exigences de compétitivité mondiale, auxquelles nous ne pouvons échapper ?
(On suggère cependant d’épargner l’europarlement, tant les citoyens, qui ne manquent la retransmission d’aucune de ses séances, y sont attachés).
Bien sûr, la question peut choquer ceux de nos compatriotes qui n’ont pas encore bien compris à quel point, dans ce monde désormais fatalement interdépendant, nous avons changé d’époque. Mais regardons les choses en face : n’est-il pas temps de s’interroger sur le coût de députés dont une large part du travail consiste à mettre en forme et transposer les remarquables prescriptions et directives européennes — et désormais approuver un budget déjà formaté ?
Conservent-ils au moins la prérogative de former des majorités et de mettre en place un exécutif à la tête de leur pays ? Bruxelles soit loué, on sait depuis 2011 qu’il n’en est rien. La Commission européenne, constatant la gabegie politique en Grèce comme en Italie, a jugé plus prudent — et plus simple — d’organiser elle-même un changement à la tête des gouvernements à Athènes et à Rome.
Et force est de constater qu’en dénichant deux anciens de Goldmann Sachs (dont un ancien commissaire et un ancien de la BCE), elle a opéré un choix tout de même plus avisé que n’importe quelle assemblée élue, qui demeure — c’est bien le problème, du reste — attachée à ses électeurs, même très vaguement. On le voit, organiser de futurs plans sociaux parmi les parlementaires ne serait pas seulement source d’économies immédiates, mais aussi d’efficacité et de sagesse.
Comme en Grèce, les dirigeants européens avaient du reste signifié — et avaient eu cette fois la gentillesse de le faire très explicitement — aux électeurs irlandais, puis portugais, que leur vote était libre, bien sûr, mais qu’il ne saurait influer sur la politique qui devait être mise en œuvre, puisqu’il n’y a évidemment pas le choix. La classe politique autrichienne est, elle, plus raisonnable, ou plus prévoyante : elle a associé la gauche et la droite dans la coalition gouvernementale avant même qu’on lui demande.
Une gratification selon le « courage politique »
Certains esprits chagrins pourraient faire remarquer qu’en France, nous n’avons pas encore atteint ce degré de modernité. Ainsi, il semble que les citoyens soient appelés aux urnes dans quelques mois afin de départager des présidentiables, puis des coalitions, que tout, absolument tout, oppose. Si ce n’est, bien sûr, quelques détails consensuels sans importance tels que le principe de la belle aventure européenne, ou bien encore la nécessité de redresser les finances publiques. Il est vrai que ces questions ne méritent pas débat.
La Cour des comptes ne vient-elle pas de rappeler aux uns et aux autres la nécessité d’aller plus vite et plus loin ? Ladite Cour d'ailleurs au-dessus de tout soupçon puisqu’elle est présidée par un proche d’un des candidats, nommé par l’autre. Voilà en tout cas de quoi apaiser Bruxelles (on notera le charme discret de cette expression désormais convenue).
A bien y réfléchir cependant, serait-il bien malin de licencier purement et simplement les parlementaires ? Ce serait en tout cas fort injuste, et peu reconnaissant. En France, n’avaient-ils pas eu le courage d’entériner massivement en 2005 la modification constitutionnelle préalable au si magnifique traité constitutionnel européen ? L’anomalie s’est située plutôt en aval, lorsque, quelques mois plus tard, les représentés se sont permis de désavouer les représentants.
Par bonheur, on a ensuite veillé au grain un peu partout pour qu’une telle anomalie ne pût se reproduire. En 2008, les mêmes parlementaires français se sont donc vu attribuer l’exclusivité de la décision quand il s’est agi de ratifier le traité de Lisbonne, frère jumeau du texte précédent.
Et l’actuel locataire de l’Elysée, tout comme celui qu’on dit en position de reprendre le bail, ont l’un et l’autre assuré qu’une procédure référendaire serait en tout état de cause proscrite quand il s’agira d’avaliser le dernier-né des traités européens.
On conseillera donc une certaine prudence dans les économies à réaliser sur les assemblées élues. Tant que les parlementaires sauront faire preuve de courage politique en n’hésitant pas à aller exactement à l’encontre de ceux qu’ils représentent, ils justifieront d’une utilité qu’on ne saurait raisonnablement contester.
Retrouvez Pierre Lévy sur son blog.
Tags : Autriche, Parlement, Sénat, réductions, austérité
-
Commentaires