"Si tout le rapport est appliqué, ce sera un grand pas en avant." Accompagnée des treize autres membres de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, Roselyne Bachelot ne cachait pas sa satisfaction ce vendredi matin, à l'heure de la remise des travaux présidés par Lionel Jospin.
Non-cumul des mandats, réforme des parrainages à la présidentielle, introduction d'une dose de proportionnelle... Les conséquences seront nombreuses pour les élus mais aussi pour les citoyens, si le président valide les propositions de la commission, et si le Parlement les adopte. Tour d'horizon des principaux changements à attendre.
Non-cumul des mandats
La règle. La commission a tranché dans le vif pour les ministres : ils ne pourront plus posséder aucun mandat. La règle est à peine plus souple pour les parlementaires : ils ne pourront pas cumuler avec une fonction exécutive locale, quelle qu'elle soit. Seul un mandat local simple est autorisé, et encore non rémunéré.
Le changement. De nouveaux visages vont indéniablement apparaître à la tête des mairies, communautés d'agglomérations, conseils généraux et conseils régionaux. Les parlementaires, eux, ne pourront plus siéger que parmi les simples conseillers. Si le taux de présence à l'Assemblée nationale et au Sénat devrait sensiblement augmenter, il devrait être proportionnellement inverse dans les assemblées locales. Les parlementaires n'ont toutefois pas intérêt à abandonner leur mandat local : en cas de perte de leur siège au Parlement, ils pourront ainsi se faire réélire à la tête de l'exécutif local.
Parrainages à la présidentielle
La règle. Le sempiternel suspense de la course aux 500 parrainages d'élus permettant de concourir à la présidentielle laissera sa place à un autre marathon : la collecte de 150.000 signatures de citoyens. Avec une règle supplémentaire : lesdites signatures devront émaner d'au moins 50 départements avec un maximum de 5% par département.
Le changement. Les élus locaux vont pouvoir souffler, ils ne seront plus assaillis par les candidats putatifs. En revanche, les citoyens vont voir leur boîte aux lettres remplies de demandes de parrainages. A voir si cela favorisa ou non les candidatures sérieuses comme celles farfelues.
Fermeture des bureaux de vote
La règle. L'heure de fermeture des bureaux de vote ne variera plus selon la taille de la commune. La règle sera la même pour tous : 20 heures.
Le changement. Fini le temps où les projections, réalisées sur la base des premiers bulletins dépouillés dans les bureaux fermant à 18 heures, tombaient alors que certains électeurs n'avaient pas encore votés. Voilà qui réglera le cas des fuites sur les réseaux sociaux, mais les premiers résultats tomberont désormais plus tard.
Inviolabilité pénale du président
La règle. Comme tout justiciable, le président de la République sera dorénavant responsable pénalement des actes accomplis avant ou en dehors de ses fonctions.
Le changement. Avec cette règle, le président Chirac aurait pu être inquiété par l'affaire des emplois fictifs de l'Elysée et le président Sarkozy par l'affaire Bettencourt ou Karachi. De même, si Martine Aubry avait été élue à l'Elysée, elle serait aujourd'hui une chef de l'Etat mise en examen dans le scandale de l'amiante.
Réforme du Conseil constitutionnel
La règle. Les anciens présidents de la République ne pourront plus siéger de droit au Conseil constitutionnel. Les Sages ne pourront pas non plus cumuler leur fonction avec une activité d'avocat.
Le changement. Dehors Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ! Ce dernier présentait, de plus, le double handicap d'avoir réintégré son cabinet d'avocats.
Proportionnelle aux législatives
La règle. 58 des 577 députés seront désormais élus à la proportionnelle.
Le changement. Quatre conséquences : les "petits" partis seront davantage représentés à l'Assemblée nationale, les circonscriptions vont être redécoupées, les candidats devront choisir entre se présenter dans une circonscription ou sur une liste nationale et les électeurs auront deux enveloppes pour voter.
Remboursement public
La règle. Le remboursement des frais de campagne ne sera plus réservé aux seuls candidats à la présidentielle dépassant 5% des suffrages exprimés. Un système progressif sera mis en place pour tous.
Le changement. Les partis d'Eva Joly, Nicolas Dupont-Aignan, Philippe Poutou, Nathalie Arthaud et Jacques Cheminade auraient pu dépenser plus et/ou être aujourd'hui moins pauvres si cette règle avait été appliquée à la présidentielle de 2012.
Beaucoup d'autres mesures sont à souligner comme l'avancement des dates de la présidentielle, l'abaissement à 18 ans de l'âge pour se présenter aux sénatoriales ou la création d'une Autorité de déontologie de la vie publique. Les premiers textes censés les transposer verront le jour à partir du début de l'année prochaine. Reste à savoir si les parlementaires - ou les citoyens en cas de référendum - accepteront de les voter.