• Ce qui est reproché aux cinq salariés d?Air France mis en cause pour « violences en réunion »

    Ce qui est reproché aux cinq salariés d’Air France

    mis en cause pour « violences en réunion »

    LE MONDE | <time datetime="2015-10-14T06:54:00+02:00" itemprop="datePublished">14.10.2015 à 06h54</time> • Mis à jour le <time datetime="2015-10-14T10:57:21+02:00" itemprop="dateModified">14.10.2015 à 10h57</time> | Par

    Le responsable des ressources humaines Xavier Broseta, torse nu, est évacué par des agents de sécurité lors du conseil d'entreprise d'Air France à Roissy le 5 octobre 2015.

    Le responsable des ressources humaines Xavier Broseta, torse nu, est évacué par des agents de

    sécurité lors du conseil d'entreprise d'Air France à Roissy le 5 octobre 2015. JACKY NAEGELEN / REUTERS

    Cinq salariés d’Air France, accusés d’avoir malmené, au milieu d’une foule de manifestants, deux cadres de la compagnie lors du Comité central d’entreprise du 5 octobre, seront jugés le 2 décembre pour « violences en réunion ». Leur convocation leur a été notifiée mardi 13 octobre par le parquet de Bobigny (Seine-Saint-Denis), à l’issue de plus de trente heures de garde à vue. Quatre d’entre eux avaient été interpellés à leur domicile, lundi à 6 heures du matin, dans des conditions critiquées par le monde syndical et plusieurs responsables politiques de gauche.

    Les mis en cause, pour la plupart magasiniers, sont âgés de 35 à 48 ans. Quatre d’entre eux travaillent dans la branche Cargo d’Air France, qui a connu de sévères restructurations ces dernières années : ses effectifs ont été réduits de 40 % et sa flotte est passée de 11 à 2 avions. Le cinquième, salarié chez Air France Industrie, s’occupe de la maintenance des appareils. Tous participaient le 5 octobre à une manifestation contre un plan de restructuration prévoyant 2 900 suppressions de postes au sein de la compagnie.

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    La vérité judiciaire ne conforte pas toujours l’impression médiatique : aucun de ces salariés ne sera jugé pour avoir lacéré la chemise des deux cadres d’Air France, dont les lambeaux immortalisés par les caméras de télévision sont devenus l’emblème de ce conflit social. Ces vêtements « ont pu être arrachés aussi bien par des manifestants que par les vigiles qui tentaient d’exfiltrer les deux hommes », explique une source proche du dossier.

    Cinq « points de violence »

    Les hommes de la police aux frontières de Roissy, chargée de l’enquête, ont donc concentré leurs investigations sur cinq « points de violence » pour lesquels des auteurs ont pu être identifiés. Les faits visés par la procédure, qui ont entraîné de simples contusions, ne viennent pas confirmer l’impression de « lynchage » laissée par les images. Mais le fait qu’ils aient été commis au milieu d’une foule suffit à corroborer le sentiment de danger ressenti par les victimes et justifie pour la justice la circonstance aggravante de « violences en réunion ».

    Le premier « moment de violence » retenu par la procédure ne concerne par un cadre de la compagnie, mais l’un des neuf agents de sécurité ayant porté plainte. Aux alentours de 10 h 30, une centaine de manifestants fait irruption dans la salle de réunion du CCE. Plusieurs vigiles, aidés par des responsables syndicaux, tentent alors d’exfiltrer Pierre Plissonnier, responsable de l’activité long courrier, et Xavier Broseta, le DRH. C’est à cet instant que le responsable de la sécurité incendie de la compagnie est projeté contre un mur par quatre salariés pour permettre le « passage en force » d’autres manifestants cherchant à retenir les deux cadres. Le vigile a identifié un de ses « agresseurs », qui sera jugé pour ces faits.

    Le deuxième mis en cause est poursuivi pour avoir violemment poussé dans le dos Pierre Plissonnier, tandis que ce dernier tentait de quitter la salle de réunion sous bonne escorte. Durant son audition, ce salarié de la branche Cargo a affirmé avoir « trébuché », poussé par la foule, ce qui semble peu évident au regard des extraits vidéo fournis aux enquêteurs par TF1. Toujours dans l’enceinte du bâtiment, un autre salarié de la branche Cargo attrape alors Pierre Plissonnier par la chemise pour l’empêcher de sortir. Le vigile qui l’a identifié a précisé qu’il « sentait l’alcool ». Lors de son audition, l’intéressé a reconnu avoir attrapé le cadre « par le col », mais sans lui « porter de coups ».

    Une fois sortis du bâtiment, les deux cadres sont pris à partie par la foule. C’est à ce moment que leurs chemises sont mises à mal, disputées par les manifestants qui tentent de les retenir et par les vigiles qui les aident à fuir. Pierre Plissonnier a décrit la scène aux policiers : « Le lynchage continuait. On m’a arraché mes vêtements, la foule criait : A poil, démission. J’ai reçu des coups de poings dans le dos, des projectiles. »

    M. Valls a exigé « la plus grande fermeté »

    Les deux hommes tentent de gagner le grillage, haut de 2 mètres 50, pour l’escalader et échapper aux manifestants. C’est alors que Xavier Broseta est ceinturé par un autre employé de la branche Cargo. Ce dernier, également poursuivi, a déclaré durant son audition avoir simplement tenté de retenir le cadre, « en attendant du renfort » pour l’aider à sortir.

    Dans sa fuite, le DRH se retrouve bientôt au sol. Un employé d’Air France Industrie vient de donner un coup de coude appuyé à l’un des deux vigiles qui l’accompagnent dans sa course. Les trois hommes chutent lourdement. Ce manifestant a reconnu et « regretté » son geste, qui visait selon lui le vigile - avec qui il avait eu maille à partir lors de l’intrusion dans le bâtiment - et non le cadre d’Air France.

    Le premier ministre, Manuel Valls, avait appelé mardi, en marge d’un déplacement en Arabie Saoudite, à faire preuve de « la plus grande fermeté » à l’égard des fauteurs de trouble, estimant qu’il «  ne peut y avoir d’excuse à la violence en lui opposant la violence sociale. Ces images ont porté préjudice à l’image de notre pays, il faut l’avoir en tête » .

    Vague de protestations

    Cette « fermeté » mise en œuvre lors des interpellations des cinq mises en cause a déclenché une vague de protestations. « Ce qui se passe est proprement scandaleux. Des salariés sont en prison, en garde à vue. On a été les chercher chez eux à 6 heures du matin, devant leurs familles, devant leurs enfants et on a fouillé leurs maisons », s’est insurgé le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez. « C’est une honte », a estimé Jean-Luc Mélenchon sur BFM TV. « Qu’est-ce qu’ils ont fait ces gens, c’est des trafiquants de drogue ? Des gens qui comptent se sauver avec de l’argent dans un paradis fiscal ? ».

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    Invité à réagir aux critiques, le parquet de Bobigny affirme au Monde que cette procédure est « conforme à ce qui est prévu pour des faits de violence en réunion commis dans une foule ». « L’objectif est d’avoir l’ensemble des mis en cause en même temps en audition pour éviter tout risque de concertation, ce que ne garantit pas une simple convocation ». Les cinq hommes encourent jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende.


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