Du rayonnement de Valérie Lang, la première révélation pour de nombreux spectateurs de théâtre date de 1993. Dans Calderon de Pasolini, mis en scène par Stanislas Nordey au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, elle interprète Rosaura, la jeune femme qui se réveille dans trois univers différents. Elle est une bouche phosphorescente dans l’obscurité répétant des dizaines de fois le même cri, celle qui concentre et diffuse la lumière. Harmonie, puissance, Valérie Lang est pendant quinze ans le cœur battant de tous les spectacles de Nordey, deux fois Electre, dans Pylade, toujours de Pasolini, en 1994, et dans la pièce de Hofmannstahl donnée en 2006 au TNB de Rennes. Elle est aussi, au côté de Nordey, de tous les combats esthétiques et politiques, notamment l’aventure interrompue du «théâtre citoyen» au TGP de Saint-Denis entre 1998 et 2001.
A LIRE Le portrait de Valérie Lang publié en 2008 dans Libération
Fille de Jack Lang, elle a dû se battre contre les sceptiques, prompts à la cataloguer «fille de». Et elle a, tout au long de ses aventures théâtrales, ainsi en compagnie de la metteuse en scène Christine Letailleur, toujours cherché les terrains difficiles et les projets sulfureux (Jahn, Sade, Masoch, récemment un texte de Laurent Gaudé intitulé Sodome ma douce, et une version enregistrée d’Histoire d’O de Pauline Réage), se mettant volontiers à nu, au propre comme au figuré. Lumineuse dans les bras de l’acteur japonais Hiroshi Ota, avec l’exacte fêlure dans la voix pour interpréter Hiroshima mon amour de Duras, en 2012.
Comédienne exigeante, elle était aussi une militante particulièrement tenace. «Impossible de militer si on n’est pas en colère, disait-elle à Libération en 2008. Comme au théâtre, il faut y être avec son cœur, son corps, sa tête, avec la totalité de son être.» Engagée dans la défense des sans-papiers de l’église Saint-Bernard à l’été 1996, elle n’avait jamais cessé d’être active sur ce terrain, moteur dans des mobilisations où elle a entraîné beaucoup de monde (Josiane Balasko, Emmanuelle Béart…). Elle pouvait aussi se tromper et le reconnaître volontiers, ainsi de son éphémère passage en 2007 au Modem, rejoint pour cause d’incompatibilité fondamentale avec Ségolène Royal. Emportée en quelques semaines par un cancer généralisé diagnostiqué tard, Valérie Lang est morte lundi matin à Paris à l’âge de 47 ans.