Ils sont 25. 25 sur 128 sénateurs socialistes à avoir voté, dans la nuit de mercredi à jeudi, les trois amendements identique (46, 58, 63) des groupes RDSE, UMP et UDI (1) qui permettraient aux sénateurs de cumuler leur fonction avec un mandat local. Si Michel Delebarre, qui a hérité du titre de «plus grand cumulard de France» par l’Express, s’est (poliment) abstenu, reste qu’un petit cinquième du groupe continue de s’opposer à la loi sur le non-cumul des mandats, l’une des promesses de campagne de François Hollande. Passage en revue des frondeurs.

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Le chef de file

François Rebsamen le 11 janvier 2012 à Paris.François Rebsamen (photo Reuters), qui préside le groupe des socialistes et apparentés au Sénat, n’a jamais fait mystère de son opposition au non-cumul des mandats. Lors de son intervention face à Manuel Valls le mercredi 18 septembre, il a estimé que le véritable problème résidait dans le cumul des indemnités, et déclaré qu’il voterait pour un amendement l’interdisant. Pour lui, empêcher les sénateurs d’être élus locaux «affaiblirait le Sénat» par rapport à l’Assemblée nationale. Des propos qui lui ont valu de longs applaudissements, de tous bords. Sénateur de la Côte-d’Or depuis 2008, il est également maire de Dijon, et président de la communauté d’agglomération du Grand Dijon. Il préside, en outre, l’association départementale des maires de la Côte d’Or.

Les non-cumulards… pro-cumul

Plusieurs sénateurs qui ont voté l’amendement ne sont pourtant pas concernés par la nouvelle loi, puisqu’ils n’exercent aucune fonction exécutive locale. Ainsi Jean-Pierre Caffet, sénateur de Paris depuis 2004 et conseiller de Paris (XVIIe arrondissement), ou Jean-Louis Carrère, qui effectue son troisième mandat (non consécutifs) de sénateur des Landes. Tout comme Thani Mohamed Soilihi, sénateur de Mayotte depuis 2011, Edmond Hervé (2), sénateur d’Ille-et-Vilaine depuis 2008, Jean-Marc Pastor, sénateur du Tarn depuis 1995, ou encore Jacky Le Menn, sénateur d’Ile-et-Vilaine depuis 2008.

Enfin, Roger Madec, sénateur de Paris depuis 2004, est conseiller de Paris. En janvier, il a démissionné de son mandat de maire du XIXe arrondissement afin de se conformer à la future loi. Dans une note publiée sur son blog le 13 septembre, il écrit néanmoins : «Il serait regrettable que notre ambition partagée de rénovation de la vie politique fasse l’impasse sur la nécessité de garantir le dynamisme de nos territoires et de leur représentation à l’échelle nationale.»

Les maires de petites villes

L’un des arguments des pro-cumul, c’est que diriger une petite commune n’est pas aussi prenant que d’être maire d’une grande ville. Ainsi la sénatrice d’Ille-et-Villaine Virginie Klès est maire de Châteaubourg, une petite commune où l’on recensait 6 125 habitants en 2009. Mais pour elle, l’argument ne tient pas vraiment, puisque la sénatrice-maire est aussi vice-présidente de la communauté d’agglomération Vitré-Communauté. 

Roland Povinelli, sénateur des Bouches-du-Rhône depuis 2008, dirige la petite ville d’Allauch (19 521 habitants recensés en 2010) mais  il est aussi vice-président de la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole.  Idem pour Martial Bourquin, sénateur du Doubs depuis 2008, qui est le maire d’Audincourt (14 825 habitants recensés en 2010) mais également vice-président de la communauté d’agglomération du Pays de Montbéliard ; Alain Néri, sénateur du Puy-de-Dôme depuis 2011, qui est aussi maire de Beauregard-L’Evêque (1312 habitants en 2010), mais également conseiller général du Puy-de-Dôme et conseiller de la communauté de communes de la vallée du Jauron ; Marc Daunis, sénateur des Alpes Maritimes depuis 2008, est également maire de Valbonne Sophia Antipolis (12 275 habitants en 2010), et vice-président de la communauté d’agglomération Sophia Antipolis. 

Les proches du gouvernement

De leur part, la fronde est d'autant plus frappante qu'ils sont censés être en cheville avec le ministre ou le parti. Luc Carvounas, sénateur du Val-de-Marne depuis 2011 et maire d’Alfortville depuis 2012, est un proche de Manuel Valls, dont il a été le directeur de campagne pour les primaires en 2011. Il a voté les amendements alors qu'il avait déclaré au Monde en février dernier : «L’engagement sera voté durant le quinquennat, alors ne tombons pas dans une posture jusqu’au-boutiste».

La sénatrice socialiste, Frédérique Espagnac, le 28 octobre 2012 à ToulouseLa sénatrice des Pyrénées-Atlantiques Frédérique Espagnac (photo AFP) a aussi été proche de ceux qui portent cette loi, puisqu’elle a été l’attachée de presse de François Hollande et qu’elle est porte-parole du PS, avec David Assouline, depuis l’élection d’Harlem Désir à la tête du PS. Outre sa fonction de sénatrice, elle est aussi conseillère municipale de Pau, et conseillère à la communauté d’agglomération de Pau-Pyrénnées, mais ces mandats ne rentrent pas dans le cadre de la loi puisqu’il ne s’agit pas de fonctions exécutives.

Les petits cumulards

En votant les trois amendements du groupe RDSE, ils visent à conserver l’unique mandat local qu’ils ont. André Vallini, sénateur de l’Isère depuis 2011, n’a ainsi qu’une seule autre fonction exécutive locale, puisqu’il préside le conseil général de l’Isère. Tout comme Robert Navarro, sénateur de l’Hérault depuis 2008, qui est vice-président du conseil régional du Languedoc-Roussillon, Jean-Noël Guérini, élu sénateur des Bouches-du-Rhône en 1998 puis en 2008, qui préside également le conseil général, le sénateur de la Côte d’Or François Patriat (élu en 2008), qui préside le conseil régional de Bourgogne, ou encore Gérard Miquel, qui effectue son troisième mandat (non consécutifs) de sénateur du Lot et préside le conseil général du Lot. 

Les cumulards ordinaires

Ils exercent deux à trois fonctions locales en plus de leur mandat parlementaire. Yves Rome, sénateur de l’Oise depuis 2011, est aussi adjoint au maire de Bailleul-sur-Thérain, président du conseil général de l’Oise et président de la communauté de communes rurales du Beauvaisis. Yves Daudigny, sénateur de l’Aisne depuis 2008, est adjoint au maire de Marle, président du conseil général de l’Aisne et président de la communauté de communes du Pays de la Serre. Jean Germain, sénateur d’Indre-et-Loire depuis 2011, est aussi maire de Tours, et président de la communauté d’agglomération Tours Plus. Yves Krattinger, sénateur de Haute-Saône depuis 2003 est en outre conseiller municipal de Rioz, président du conseil général de la Haute-Saône, et président de la communauté de communes du Pays Riolais.

Les distraits

Le sénateur socialiste du Loir-et-Cher Jeanny Lorgeoux a fait savoir, lors de la séance de ce jeudi, qu’il aurait souhaité voter pour l’amendement. Elu depuis 2011, il cumule son mandat parlementaire avec ses activités de maire de Romorantin-Lanthenay et de président de la Communauté de communes du Romorantinaus et du Monestois.

A l'inverse, Dominique Bailly, sénateur du Nord depuis 2011 et préside également la communauté de communes du Coeur de Pévèle, a fait savoir qu'il voulait voter contre. Dans un entretien à l’Observateur du Douaisis, il affirmait : «Je suis pour le non-cumul mais il faut aussi réformer le statut d’élu».

(1) Lors de la séance du jeudi 19 septembre, neufs sénateurs de tous bords ont indiqué qu’ils auraient souhaité voter contre, et un sénateur socialiste qu’il aurait souhaité voter pour, ce qui ramènerait le nombre de pro-cumul à 203.

(2) Edmond Hervé nous a fait savoir, vendredi 20 septembre, par voie de communiqué, qu'il était absent lors de la séance et qu'il n'avait donc pas voté cet amendement. «Edmond Hervé est hostile au cumul des fonctions parlementaires et exécutives territoriales (...) Il soutient le projet gouvernemental interdisant le cumul des fonctions», explique-t-il. 

Kim HULLOT-GUIOT