• D8 : Canal+ réussira-t-il son offensive sur la TNT ?

    D8 : Canal+ réussira-t-il son offensive sur la TNT ?

    Ce dimanche à 20h35, Direct 8 va tirer sa révérence et céder sa place à D8, une chaîne gratuite du groupe Canal+. D8 vise 4 % de part d'audience d'ici à trois ans et entend bien bousculer les acteurs historiques de la TNT.

    Les pieds dans le PAF

    Publié le 7 octobre 2012   
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    La nouvelle chaîne de télévision D8 est lancée ce dimanche.

    La nouvelle chaîne de télévision D8 est lancée ce dimanche. Crédit DR

    Atlantico : La chaîne D8 se lance ce dimanche à 20h35 dans le grand bain de la TNT. Le groupe Canal+ présente sa chaîne comme "moderne, haut de gamme, positive et divertissante." A qui s'adressera cette nouvelle chaîne ? Quel est l'objectif en termes d'audimat ?

    Paul-Antoine Solier : L’objectif affiché de D8 est de « sauter une classe ». En vitesse de croisière, la chaîne sera dotée d’un budget annuel de 120 millions d’euros. C’est trois fois plus que les leaders de la TNT comme TMC ou W9. La chaîne vise 4% de part de marché d’ici 2015. Son slogan, assez arrogant, « La nouvelle grande chaîne », affiche clairement ses ambitions. C’est une manière de dire aux autres chaînes de la TNT : « On ne joue pas dans la même catégorie. » Dès le 22 octobre, c’est la démonstration de force. D8  lance « Amazing Race », un gros barnum. C’est un « Pékin Express » autour du globe, sauf que les candidats n’ont pas « un euro par jour », mais une carte de crédit pour prendre l’avion d’un continent à l’autre. Au niveau du positionnement, toutes les chaînes généralistes se disputent la même cible, à savoir la ménagère de moins de 50 ans, et D8 ne déroge pas à la règle avec une tonalité CSP+. Entre « Amazing Race », proche de « Pékin Express » et le retour de « La Nouvelle Star », D8 a clairement M6 dans son viseur, au risque de faire parfois un peu « me too ».

    Concernant la grille, on a pu notamment remarquer le départ de Jean-Marc Morandini et l'arrivée d'une pléiade de stars (Laurence Ferrari, Audrey Pulvar, Cyril Hanouna, Daphné Roulier). D8 semble avoir voulu effacer les années Direct 8 pour pencher vers quelque chose de plus haut de gamme, plus "chic" ?

    Il ne s’agit pas d’effacer les années Direct 8. D8 est tout simplement une nouvelle chaîne, avec sa propre ligne éditoriale, cohérente avec celle du groupe Canal. Personnellement, je ne considère pas l’émission de Jean-Marc Morandini comme « bas de gamme ». Chacun a sa ligne éditoriale et son public. Son nouveau talk-show vise une cible plus jeune qui correspond mieux aujourd’hui à NRJ12 qu’à D8. D8 doit affirmer au plus vite son identité, c’est pourquoi la chaîne fait appel à des visages célèbres pour marquer le coup. Ces animateurs sont des « ambassadeurs » qui permettent d’incarner la chaîne et de prêcher la bonne parole dans la presse spécialisée et sur les plateaux télé. La plupart des téléspectateurs ne sont pas rivés sur l’actualité médiatique et beaucoup ignorent sans doute le lancement de cette nouvelle chaîne. Il est donc important de montrer par tous les moyens que le changement… c’est maintenant.

    Les groupes audiovisuels concurrents ont essayé jusqu’au bout d’empêcher le rachat de Direct 8 par le groupe Canal. Les conditions imposées par le CSA sont-elles contraignantes ?

    Il est clair que ce n’est pas une bonne nouvelle pour les grands groupes audiovisuels. La télévision gratuite est financée par la publicité (ou par la redevance) et le « gâteau publicitaire » n’est pas extensible à foison. L’arrivée d’un nouveau concurrent entraîne mathématiquement une baisse des recettes publicitaires d’autant que tout le monde se dispute, comme on l’a dit, plus ou moins la même cible. Par ailleurs, le groupe Canal, en tant que bouquet de chaînes payantes, a une position privilégiée pour négocier les droits des séries blockbusters des majors américaines. C’est surtout pour cette raison que le CSA a dû intervenir, et les conditions imposées ne sont finalement pas si contraignantes.

    L’objectif du CSA a été d’empêcher le groupe Canal+ de profiter du monopole qu’il détient sur le marché des droits, en payant pour acquérir des programmes en clair moins chers que ses concurrents. Parmi les principales concessions obtenues par le CSA, figure l’impossibilité durant 3 ans, pour D8, de programmer une série US plus d’une fois par semaine, en première partie de soirée. S’y ajoutent des conditions plus « positives » favorables à la création comme la diffusion d’au moins 730h de programmes totalement inédits à la télévision française. Ces conditions ont été peu ou pas critiquées ni par Canal+, ni par les autres chaînes privées.

     

    Quelles conséquences le passage du payant au gratuit a-t-il pour groupe Canal+ ?

    L’entrée du groupe Canal sur le marché de la télévision gratuite est historique. Canal+ est de plus en plus concurrencé sur son offre premium, notamment sur le Foot par BeIN Sport, et le groupe doit stratégiquement se diversifier. Mais le passage au gratuit est plus compliqué qu’il n’y parait. Tout l’enjeu pour D8 est de devenir une chaîne de qualité sans cannibaliser Canal+. A quoi bon payer un abonnement si on peut avoir accès aux mêmes programmes gratuitement ? De même, D8 ne doit pas affaiblir les émissions en clair de Canal+. Ainsi, il est surprenant de voir que le très médiatique « Grand 8 » de Laurence Ferrari est en concurrence frontale avec la « Nouvelle Edition » d’Ali Baddou. Il s’agit de deux talk-shows très proches, ayant la même marque de fabrique, avec un décor et des méthodes de production très semblables. On se demande pourquoi ils n’ont pas joué la contre-programmation.

    Enfin, la télévision gratuite est très réglementée, et ces règles strictes sont valables pour tout le monde. Par exemple, une chaine gratuite n’a pas le droit de diffuser en prime time des scènes interdites aux moins de 12 ans. Ainsi, D8 ne pourra certainement pas en l’état diffuser en première partie de soirée certaines créations originales du groupe, comme « Maison close » ou « Borgia », alors que Canal+, chaîne cryptée, n’est pas soumise à ces contraintes. Cette partie juridique de mise en conformité n’est pas négligeable et aura peut-être une influence sur les prochaines créations originales qui devront s’autocensurer pour être à la fois diffusables en payant et en gratuit. 

    Qu'en sera-t-il pour D17, la seconde chaîne acquise par Canal ?

    D17, anciennement Direct Star, est l’enfant non désiré. Cette chaîne est soumise à d’importants quotas musicaux (75%) et ce n’est pas facile de faire de l’audience avec une telle contrainte. Le groupe Canal ne semble pas vouloir investir dans cette chaîne vendue dans le « package Bolloré ». C’est vraiment dommage, la musique est dans l’ADN de Canal+ et le groupe est sans doute l’un des mieux placés pour en faire une vraie chaîne musicale de qualité. Espérons que la chaîne ne soit pas qu’un « robinet à clips » et que le groupe Canal, même avec peu de moyens, en fasse un laboratoire à création, comme pour faire revivre « l’esprit Canal » qui a fait le charme de ses débuts. 

    Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud

    Paul-Antoine Solier

    Paul-Antoine Solier est responsable du développement d’une société de production de télévision. Il est diplômé de l’EM LYON et titulaire d’une maîtrise de Droit Public à l'Université Paris II.

    Pour le suivre sur Twitter, c'est ici.



  • Commentaires

    1
    Loetiga
    Dimanche 7 Octobre 2012 à 18:55
    J'aime beaucoup direct huit, j'espère que ce changement ne va pas habimer la qualité de la chaine mais qu'au contraire l'améliorer. Cela reste a voir....
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