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Débat US : "En politique étrangère, c'est l'image qui compte"
Débat US : "En politique étrangère, c'est l'image qui compte"
Créé le 20-10-2012 à 18h15 - Mis à jour le 21-10-2012 à 18h24 lienPar Sarah DiffalahBarack Obama et Mitt Romney s'affrontent lundi soir dans un ultime débat qui porte sur la politique étrangère. Interview de Thomas Snégaroff, historien.
Les deux candidats à la Maison Blanche, Mitt Romney et Barack Obama se sont retrouvés pour un dîner de gala à New York, le 18 octobre 2012. AFP/Emmanuel DUNANDAlors que les sondages continuent de prédire des résulats très serrés, les deux candidats à la Maison Blanche se rencontreront pour un dernier débat télévisé en Floride lundi 22 octobre. Axé sur la politique étrangère, le président sortant devra défendre son bilan. A mettre sur le compte de ses succès les plus assumés : le retrait des troupes d'Irak, le désengagement en cours de ceux d'Afghanistan et la mort de Ben Laden. Ce bilan a été terni par la mort de l'ambassadeur américain, Christopher Stevens, dans une attaque en Libye. Une occasion en or pour les républicains qui ont critiqué l'administration Obama dans la gestion de ce dossier. Thomas Snégaroff, analyse pour le "Nouvel Observateur" les enjeux de cet ultime débat.
Barack Obama et Mitt Romney s'affrontent pour un dernier duel télévisé. Ce débat, qui portera sur la politique étrangère, est-il décisif ?
- Traditionnellement ce troisième débat n'apporte pas grand-chose car les Américains connaissent désormais déjà très bien les deux candidats. Il n'y a plus cette découverte du premier débat. D'autant que, théoriquement, les questions de politique étrangère comptent assez peu dans le choix des électeurs.
Reste que ces shows télévisés ont pris cette année une ampleur considérable en terme d'audimat. Ce dernier débat aura l'allure d'une belle après un premier round favorable à Mitt Romney et un second qui a vu Barack Obama prendre sa revanche.
Sur le fond, c'est un duel qui aura son importance parce qu'il dira beaucoup de choses sur la stratégie des républicains et sur ce qu'a été la présidence de Barack Obama.
Un camp républicain qui a misé sur l'agressivité, notamment dans le dossier de l'attaque du consulat américain en Libye…
- En politique étrangère, ce n'est pas la réalité de la politique menée qui compte mais l'image qu'elle renvoie du président. En l'occurrence, Barack Obama a été, dès le début de sa présidence, attaqué par les républicains comme étant un président faible et incapable d'incarner l'Amérique et les intérêts américains. Quand il a eu le prix Nobel pour la paix, Fox News a considéré que c'était une prime à la faiblesse, que les valeurs de dialogue avaient été mises en avant au détriment des valeurs de force. Et puis, il y a eu ces voyages de Barack Obama au Caire, en Europe et en Amérique latine que les conservateurs ont qualifié d'"Apology tour", un tour de l'excuse et de la repentance. Or pour les républicains, on ne s'excuse pas pour ce que l'on a fait, au contraire on assume. L'autobiographie de Mitt Romney s'appelle d'ailleurs "No apology".
Les évènements de Benghazi, et avant eux du Caire, ont réactivé ce discours sur la faiblesse avec un slogan que Mitt Romney répète à l'envi : "On ne peut pas dominer le monde de derrière". C'est cette idée, insufflée par des conseillers comme Robert Kagan, que l'Amérique n'est attaquée que quand elle est faible. L'équation est simple : si on est attaqué, c'est parce que le président est faible, parce qu'il ne cerne pas les intérêts profonds de l'Amérique comme soutenir Israël de manière inconditionnelle ou tenir un discours ferme voire violent vis-à-vis de l'Iran…
Une stratégie payante et que Mitt Romney va poursuivre ?
- Bien sûr, il va même l'approfondir et l'enraciner. Les Américains veulent un président empathique, qui leur ressemble et qui comprend leurs problèmes. Sur ces terrains-là, l'avantage est à Barack Obama. Il reste une bataille à gagner pour Mitt Romney : jouer le rôle du chef charismatique et viril qui protège les Américains. Je ne vois pas pourquoi il s'arrêterait maintenant, c'est un os à ronger très facile.
Vous dîtes que la politique étrangère n'influence par le vote des Américains. A quel point ?
- Les Américains ont une connaissance réduite du monde. Mitt Romney leur explique que si rien n'est fait l'Amérique s'achemine vers une situation telle que connaît l'Europe en crise, un contre-modèle à ne surtout pas suivre. Barack Obama, lui au contraire, s'inspire de l'Europe. Il y a donc une instrumentalisation du monde opérée par les deux candidats. Ce n'est pas un monde réel, c'est un monde mythifié où il y a des gentils et des méchants. On est presque dans un monde parallèle.
Mais contrairement à ce qu'on pense, les Américains sont aujourd'hui dans une position assez isolationniste. Ils soutiennent le retrait d'Afghanistan après avoir soutenu le retrait d'Irak. Ils ont compris que ces guerres leur coûtaient très cher et qu'elles ne leur apportaient pas nécessairement la sécurité.
Je ne suis pas sûr que le discours pro-armée de Mitt Romney soit très porteur aujourd'hui. Barack Obama le sait et c'est pourquoi notamment il dit vouloir une baisse des dépenses militaires.
Aussi, ce débat va poser la question de savoir où en est l'Amérique avec toujours cette crainte existentielle américaine du déclin. Un thème très fort qui sous-entend que les Etats-Unis ont failli à la mission divine d'apporter les lumières dans le monde.
A quoi ressemble la politique étrangère de Mitt Romney ?
- C'est la grande inconnue. Je pense qu'il va vendre une politique étrangère classique, très américaine : rappel d'un soutien sans condition à Israël, il va dire qu'il est favorable à une solution de deux Etats avec les Palestiniens mais dans la sécurité d'Israël. Il va être beaucoup plus ferme vis-à-vis de l'Iran. Il tient son héritage de Reagan et de Bush. Il faut se rappeler qu'il a déclaré, il y a un an, que le principal ennemi géopolitique des Etats-Unis c'était la Russie… Il réactive les vieux réflexes de la guerre froide en diabolisant la Chine aussi, proche d'être le nouvel axe du mal.
Encore une fois, le monde présenté dans ces débats par les candidats et notamment par les républicains, n'existe pas.
Tags : républicains, débat, politique étrangère, Parti démocrate
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