• Décès de Pierre Schoendoerffer, cinéaste des héros défaits

    Décès de Pierre Schoendoerffer, cinéaste des héros défaits

    Créé le 14-03-2012 à 15h43 - Mis à jour à 18h40    

     

    Pierre Schoendoerffer, écrivain et cinéaste du

    Pierre Schoendoerffer, écrivain et cinéaste du "Crabe tambour", décédé mercredi à l'âge de 83 ans, avait appris à filmer la guerre en la faisant, entretenant avec ses films le souvenir d'une douloureuse mémoire nationale. (c) Afp

    Pierre Schoendoerffer, le cinéaste des guerres perdues et des héros défaits, est décédé mercredi matin près de Paris, laissant une oeuvre nourrie d'aventures et de traumatismes, dont les siens.

    Agé de 83 ans, il a succombé après une intervention à l'hôpital Percy à Clamart, a annoncé à l'AFP sa famille dans un communiqué à la réserve toute militaire : "Pierre Schoendoerffer de l'Institut de France, écrivain metteur en scène, documentariste, vice-président de l'Académie des Beaux-Arts, section cinéma et audiovisuel, est mort ce matin à l'hôpital militaire Percy".

    Dans son hommage, le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a salué ses multiples talents, "écrivain, cinéaste, académicien et soldat, marin, parachutiste, reporter de guerre et prisonnier", un "homme d'honneur (qui) laissera à jamais la trace d'un homme hanté par la guerre et ses conséquences".

    Pour Serge Toubiana, directeur de la Cinémathèque française, qui évoque sur son blog mercredi sa "minceur militaire", "Pierre Schoendoerffer mérite tous les éloges, car il a fait une oeuvre".

    Engagé comme cameraman des Armées en Indochine à 19 ans, en pleine guerre coloniale, après avoir bourlingué en mer Baltique sur un cargo, le jeune homme trouvait ainsi à satisfaire à la fois son appétit d'aventure et son envie de cinéma.

    De ce conflit, où il se porta volontaire pour sauter sur Dien Bien Phu, il remporta suffisamment de souvenirs pour bâtir son premier grand succès au cinéma, "la 317e Section", tourné au Cambodge en 1966 et qui lui valut un Prix du scénario à Cannes.

    Son documentaire l'année suivante, "La Section Anderson" (1967) lui rapportera un Oscar.

    Entre-temps, le cinéaste avait continué de couvrir celles de son époque, du Vietnam à l'Algérie, pour le compte de Life et Match, et pour Pierre Lazareff à la télévision.

    Avec "La 317e section", débute une équipée durable avec son acteur fétiche, son double presque, Jacques Perrin: l'acteur a appris la guerre qu'il n'avait pas faite au contact de ce metteur en scène précis, qui limitait les prises afin d'en garder la spontanéité.

    Ensemble ils reviendront plusieurs fois au combat, pour "L'Honneur d'un capitaine" et "Là Haut", dernier film une nouvelle fois adapté d'un de ses romans.

    Le lieutenant Torrens meurt à la fin de la "317e Section", mais continue de vivre dans toute l'oeuvre de Pierre Schoendoerffer, ressassant le destin des officiers de ces guerres maudites, l'Indochine et l'Algérie - avec une ultime retour à "Dien Bien Phu" en 1992.

    Schoendoeffer filmait en tribu, avec la même équipe d'anciens combattants, dont son chef-opérateur mythique, Raoul Coutard, qui fit tous ses films. Avec les mêmes acteurs aussi : Perrin, Claude Rich, Bruno Cremer, Jacques Dufilho, Jean Rochefort - qui prête ses traits au "Crabe-Tambour", austère et retenu (trois Césars).

    Membre fondateur des César, Pierre Schoendoerffer se tenait à l'écart de ce monde. Il sentait bien que son art de filmer la guerre le rendait presque suspect du côté du 7e Art, assure l'historienne Bénédicte Chéron qui lui a consacré une thèse (éditions du CNRS).

    "Pourtant il ne fonctionnait pas comme un ancien combattant : son parcours artistique a sublimé cette expérience, l'a sorti du traumatisme", estime-t-elle.

    Et si l'extrême-droite française a cherché à récupérer son travail, il n'a jamais senti le besoin de s'en justifier car, selon elle, "son oeuvre touche à l'universel (...) Ce qui empêche de l'enfermer dans un carcan idéologique ou politique".

    Le ministre de la Défense Gérard Longuet a souligné mercredi qu'à "une époque où il était de bon ton d'accuser nos troupes en versant dans les clichés insultants et réducteurs, Pierre Schoendoerffer prit le parti d'accompagner ces soldats des causes perdues, d'en dépeindre les misères, d'en sonder les amertumes et d'en exalter les héroïsmes".

    Nicolas Sarkozy a salué pour sa part "ce journaliste, cinéaste et romancier de légende, fils spirituel de Joseph Kessel (...) aristocrate du coeur et de l'esprit"; le Premier ministre François Fillon, le "grand témoin de notre temps (...) miraculé du courage"; et François Hollande, celui qui sut "filmer l'homme au plus près de lui-même dans des situations extrêmes".


    Tags Tags : , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :