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Des "baltagias" ont-ils mis de l’huile sur le feu lors des affrontements de Maspero ?
7/10/2011 / ÉGYPTE
Des "baltagias" ont-ils mis de l’huile sur le feu lors des affrontements de Maspero ?
Sur ces images, filmées lors des affrontements meurtriers entre coptes et forces de l’ordre dans le quartier de Maspero au Caire, la semaine dernière, des groupes d’hommes armés en civil sont aperçus à plusieurs reprises en train de violenter des manifestants. Pour notre Observateur, ces images sont bien la preuve que les "baltagias", les milices armées qui agissaient sous le régime d'Hosni Moubarak, n’ont pas disparu.Le 9 octobre, une manifestation lancée à l’appel des coptes, les chrétiens d’Égypte qui représentent entre 6 à 10% de la population, a été organisée après l’incendie d’une église à Assouan. Le rassemblement, qui se voulait pacifique, a rapidement dégénéré en de violents affrontements entre forces de l’ordre et manifestants. Avec 25 morts et plus de 300 blessés, ces échauffourées sont les plus meurtrières depuis la chute du président Moubarak.Au cours de cette soirée d’affrontements, la télévision d’État égyptienne a appelé la population à venir défendre l’armée qui "se faisait attaquer par des bandes de coptes armés" et manipulés par l’étranger. La chaîne a par la suite démenti ces informations et les a mises sur le compte de la "nervosité de la présentatrice", elle-même mettant en cause des hauts responsables de l’État qui lui auraient dicté son texte..Le Premier ministre, Essam Charaf, a de son côté appelé dans un communiqué à l’unité et condamné les violences, qu’il qualifie de fruit d’un "complot étranger et interne". Le ministre de l’Information, Oussama Heikal, a en revanche affirmé qu’il n’y avait aucune preuve que les manifestants aient attaqué l’armée et puissent donc être à l’origine des violences.Ces images sont issues d’une vidéo de 25 minutes postée sur YouTube par l’un de nos Observateurs. Elles ont été filmées à Maspero dans la soirée du 9 octobre. L’originale, postée ici , comporte aussi des interviews de différents manifestants, chrétiens et musulmans, au lendemain des violences (en arabe).Contributeurs"Certains scandaient ‘Allah Akbar !’ (‘Dieu est grand !’) pour mettre de l’huile sur le feu"
Mohannad Galal travaille dans l’informatique. Il a 27 ans et vit au Caire.Depuis le début de la révolution, j’essaie de suivre autant que je peux les manifestations et, dans la mesure du possible, je filme tout ce que je vois. Ce soir-là, je suis arrivé à Maspero en longeant le bâtiment du ministère de l’Intérieur et je me suis retrouvé, par erreur, au beau milieu d’un groupe de ‘baltagias’ qui s’était mêlé aux soldats [en Égypte, des milices connues sous le nom de ‘baltagias’, souvent constituées de jeunes recrutés dans les quartiers pauvres, étaient utilisées par les services de sécurité pour mater les manifestations à l’époque de Moubarak. Ils semaient le chaos afin de justifier l’intervention des forces de l’ordre, ndlr]. Ils étaient en civil et armés de bâtons, de sabres, de couteaux et même de briques. Ce qui était étrange, c’est que certains scandaient ‘Allah Akbar !’ (‘Dieu est grand !’) [vers 00'46'']. C’est une façon de mettre de l’huile sur le feu, mais surtout de faire en sorte que ces affrontements soient perçus comme d’énièmes violences interconfessionnelles, et donc nécessitent l’intervention de l’armée.Un peu plus tard, un groupe a pris à parti un individu au seul motif, visiblement, qu’il était chrétien. On entend les personnes qui l’attaquent crier ‘C’est un chrétien ! C’est un chrétien !’[vers 01'50'']En entrant dans une des rues adjacentes à proximité du Hilton Ramsès, je me suis retrouvé au milieu d’un autre groupe de ‘baltagias’. J’ai entendu un homme au téléphone, à l’entrée d’une galerie, dire : ‘Il leur dit de faire sortir les chrétiens qui sont à l’intérieur !’[vers 03'28''] Ensuite, le groupe a agressé deux chrétiens sans aucune pitié. L’un d’eux a fini par tomber la tête la première, puis il a été battu par l’armée, la police et des personnes en civil alors qu’il était à terre. On peut entendre l’un d’entre eux crier : ‘Arrêtez ! Arrêtez les gars, faut pas qu’on se fasse filmer.’[vers 04'55'']Par chance, dans le feu de l’action, personne n’a vu que je tenais une petite caméra. Plus tard encore, lorsque les forces de sécurité ont chargé les manifestants, elles étaient clairement, une fois de plus, accompagnées de ‘baltagias’.Pour moi, l’armée, aidée par ces milices, a volontairement fait en sorte que cette manifestation pacifique, à laquelle participaient aussi bien des chrétiens que des musulmans, dégénère. Elle souhaite rester maîtresse de la situation. C’est toujours la même rengaine que sous Moubarak. On met de l’huile sur le feu pour provoquer des violences et ensuite on se pose en protecteur de la nation et on se rend indispensable.Je ne nie pas que la télévision égyptienne, qui a annoncé que l’armée se faisait attaquer et a appelé à venir la défendre [voir la vidéo de la télévision égyptienne faisant état d’au moins trois morts parmi l’armée et accusant les coptes ], ait pu pousser quelques citoyens à venir effectivement ‘porter secours’ aux soldats. Donc il est possible que certaines personnes soient venues spontanément participer à ces émeutes. Mais, d’après ce que j’ai vu, la plupart des personnes en civil accompagnant les forces de sécurité étaient de mèche avec elles et n’étaient pas venues là par hasard."
Tags : Egypte, Coptes, Musulmans, affrontements, armée
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