"L'hypocondrie de la France l'amène à accepter des remèdes de charlatans, devenant la véritable cause de sa détresse." Non, la phrase n'est pas d'Arnaud Montebourg, mais bien de Paul Krugman, économiste américain, prix Nobel d'économie 2008, difficilement soupçonnable de gauchisme forcené. Et pourtant, l'analyse qu'il livre sur la situation économique de la Francen'aurait pas dénoté dans la bouche du désormais ancien ministreévincé de Bercy.
D'ailleurs, Montebourg citait justement l'économiste pour appuyer son propos dans l'interview accordée à nos confrères du Monde la semaine dernière. Oui, celle-là même qui avait précipité sa chute, enclenché la crise gouvernementale et provoqué le remaniement ministériel. Car voilà un moment que Paul Krugman met en doute l'efficacité des politiques d'austérité en Europe, allant jusqu'à faire dire au site Business Insider que l'Américain est en fait le principal responsable de la chute du gouvernement Valls I.
Sans aller jusqu'à revendiquer cet hypothétique coup d'éclat, Paul Krugman persiste et signe ce mercredi dans une contribution publiée sur le site du New York Times sobrement intitulée "quel est le problème avec la France?". Il y développe un argumentaire en trois points, graphiques à l'appui, pour démonter le pessimisme qui domine de ce côté de l'Atlantique.
La faute à Hollande
A ses yeux, le taux d'emploi en France n'a rien à envier à celui qui est observé aux Etats-Unis. Mieux, il lui est supérieur. Et tant pis si pour étayer sa démonstration, Krugman ne se base que sur le taux d'emploi des 25-54 ans quand le problème majeur du marché du travail en France concerne justement les jeunes et les séniors. Il ajoute que les déficits français ne sont pas plus catastrophiques que ceux observés aux Etats-Unis.
Enfin, il enfonce le clou en démontrant que la tendance déflationniste est avant tout un problème européen avant d'être hexagonal. Il pointe au passage la responsabilité de l'Allemagne, où les salaires n'augmentent pas assez vite, et celle des pays du sud, où ils ont au contraire baissé trop rapidement.
Pour Paul Krugman, "les données ne reflètent absolument pas l'histoire qui nous est racontée", mais ce n'est pas parce que les Etats-Unis ou l'Europe (qui présentent des symptômes et des problèmes très différents) ne vont pas mieux que la France va bien. Et pour Krugman, le responsable est tout trouvé: "Jusqu'à présent, la priorité de Hollande est de se serrer la ceinture (...) et le résultat est une sorte d'effet multiplicateur de l'austérité qui conduit la croissance à faiblir, aggravant les déficits et conduisant à toujours plus d'austérité." Vous ne rêvez pas, on dirait bien du Montebourg dans le texte.