• Économie mondiale: des mauvaises nouvelles et quelques lueurs d'espoir

    Olivier Blanchard

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    Économie mondiale: des mauvaises nouvelles et quelques lueurs d'espoir

    Publication: 19/10/2012 06:00 
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    La reprise économique mondiale se poursuit, mais elle s'est encore affaiblie. Dans les pays avancés, la croissance est maintenant trop basse pour faire diminuer sensiblement le chômage. Dans les principaux pays émergents, la croissance qui avait été jusqu'ici vigoureuse a aussi fléchi.
    Je citerai quelques chiffres tirés des toutes dernières projections parues dans l'édition d'octobre des Perspectives de l'économie mondiale.

    Par rapport aux prévisions d'avril dernier du FMI, les prévisions de croissance pour 2013 ont été révisées à la baisse : nous tablons désormais sur 1,5 % de croissance dans les pays avancés, contre 1,8 % auparavant, et sur 5,6 % dans les pays émergents et en développement, contre 5,8 % en avril. La révision à la baisse est générale. Elle est toutefois plus prononcée pour deux groupes de pays : les membres de la zone euro, où nous prévoyons une croissance proche de zéro en 2013, et trois des plus grandes économies de marché émergentes, la Chine, l'Inde et le Brésil.

    Un scénario bien connu

    Pour la plupart, les forces à l'œuvre sont bien connues. Commençons par les économies avancées.
    La principale force soutenant la croissance est l'orientation accommodante de la politique monétaire. Les banques centrales continuent non seulement de maintenir leurs taux directeurs à des niveaux très bas, mais elles appliquent aussi des programmes visant à faire baisser les taux sur certains marchés, à aider certaines catégories d'emprunteurs ou à aider l'intermédiation financière en général.
    Mais deux forces continuent de freiner la croissance : le rééquilibrage budgétaire et la fragilité persistante du système financier.

    Dans la plupart des pays, le rééquilibrage budgétaire s'opère comme prévu. Bien que ce rééquilibrage soit nécessaire, il pèse indéniablement sur la demande et il apparaît de plus en plus clairement que, dans la conjoncture actuelle, les multiplicateurs budgétaires sont élevés, plus élevés qu'en temps normal.

    Le système financier ne fonctionne toujours pas de façon efficace. Dans un grand nombre de pays, et ce davantage en Europe qu'aux États-Unis, les banques sont encore fragiles et leur situation est aggravée par la faiblesse de la croissance. En conséquence, beaucoup d'emprunteurs se heurtent encore à des conditions d'emprunt restrictives.

    Il semble en outre que quelque chose soit venu s'ajouter à ces forces mécaniques, quelque chose que l'on pourrait appeler un sentiment général d'incertitude concernant l'avenir. Les préoccupations quant à la capacité des responsables européens de maîtriser la crise de l'euro, les préoccupations nées de l'incapacité dont ont fait preuve jusqu'à présent les décideurs américains de s'entendre sur un programme budgétaire, les préoccupations quant à la capacité des responsables japonais de réduire davantage le déficit budgétaire, sont autant d'éléments qui semblent jouer un rôle important, même s'il est difficile de le mesurer précisément.

    J'en viens maintenant aux marchés émergents et aux économies en développement. L'un des phénomènes constants que les prévisions du FMI font ressortir depuis un certain temps est le degré d'interconnectivité de l'économie mondiale, que ce soit par le jeu des échanges commerciaux ou celui des mouvements de capitaux. Et la période actuelle ne fait pas exception.

    L'atonie de la croissance des pays avancés se répercute sur les pays émergents et en développement par le biais des exportations. Comme ce fut le cas en 2009, les canaux commerciaux font preuve d'une vigueur surprenante : ainsi, la baisse des exportations est à l'origine de l'essentiel du fléchissement de la croissance en Chine et, par le jeu des chaînes d'approvisionnement, d'une bonne partie du repli de la croissance en Asie.

    L'alternance d'épisodes sans risques et avec risques, provoquée par les avancées et les replis des politiques publiques, engendre une certaine volatilité des flux de capitaux, en particulier vers l'Asie et l'Amérique latine.

    À tout cela se superposent des difficultés locales, l'incertitude entourant l'action des pouvoirs publics en Inde, qui pèse sur la demande intérieure, et un durcissement des politiques publiques au Brésil en réponse à un boom antérieur.

    À nos yeux, dans aucun de ces pays ces évolutions ne sont le signe d'un atterrissage brusqué de l'économie. Nous constatons même que des mesures positives sont prises dans les trois pays. Mais ces évolutions laissent quand même prévoir une croissance plus faible pendant un certain temps, plus faible par rapport à la période récente.

    Que faut-il faire?

    La stratégie générale est claire. Maintenir l'orientation accommodante de la politique monétaire, qui est un facteur de croissance très puissant, et limiter les effets dommageables des éléments qui freinent l'activité. Poursuivre avec constance le rééquilibrage budgétaire; notre conseil reste d'actualité : pas trop lentement, mais pas trop vite. Continuer à réparer le système financier. Réduire l'incertitude qui entoure les politiques publiques. Autrement dit, mener à bien le rééquilibrage budgétaire et préserver la croissance.

    Dans l'immédiat, cependant, le problème central demeure l'état de la zone euro, et c'est à cette question que je consacrerai le reste de mes remarques.

    Il est indéniable que nous avons assisté ces derniers mois un important changement d'attitude dans la zone euro et à la prise de conscience qu'une architecture ambitieuse devait être mise en place. Les leçons de ces dernières années sont maintenant claires : les pays de la zone euro ne sont pas à l'abri de chocs violents. La fragilité des banques peut amplifier considérablement les effets négatifs de ces chocs. Et s'il apparaît que les États eux-mêmes sont en difficulté, les interactions entre les États et les banques peuvent aggraver encore la situation.

    Il est donc indispensable de concevoir une nouvelle architecture qui permette de réduire l'ampleur des chocs eux-mêmes et de mettre en place un système de transferts pour en atténuer les effets. Cette architecture doit avoir pour but de faire monter la supervision, le règlement des faillites et le processus de recapitalisation des banques au niveau de la zone euro.

    Il est réconfortant de voir que ces questions sont examinées sérieusement et que la mise en place de certains de ces mécanismes est en cours. Dans l'immédiat, toutefois, des mesures plus urgentes s'imposent.

    L'Espagne et l'Italie doivent mener à bien des plans d'ajustement de nature à rétablir la compétitivité et l'équilibre des finances publiques tout en préservant la croissance. Pour ce faire, ces deux pays doivent pouvoir recapitaliser les banques, le cas échéant, sans alourdir la dette publique. Ils doivent en outre pouvoir emprunter à des taux raisonnables. C'est là un puzzle complexe dont la plupart des éléments sont en train de se mettre en place; s'il peut être achevé rapidement, l'on peut raisonnablement espérer que le pire est derrière nous.

    Si le ralentissement actuel est effectivement dû en partie à l'incertitude et si l'adoption et la mise en œuvre de ces mesures permettent de réduire cette incertitude, il se pourrait que les résultats effectifs soient meilleurs que nos prévisions, non seulement en Europe, mais aussi dans le reste du monde. La perspective d'un scénario plus favorable est un peu plus crédible aujourd'hui qu'elle ne l'a été depuis longtemps.


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