Croissance : la France fait mieux que prévu au troisième trimestre
Le Monde.fr avec AFP et Reuters | <time datetime="2014-11-14T07:35:56+01:00" itemprop="datePublished">14.11.2014 à 07h35</time> • Mis à jour le <time datetime="2014-11-14T10:01:31+01:00" itemprop="dateModified">14.11.2014 à 10h01</time> | Par Marie Charrel
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C'est mieux que nos voisins Allemands, mais ce n'est pas brillant. Selon les statistiques publiées vendredi 14 novembre par l'Insee, le PIB français a cru de 0,3 % au troisième trimestre, après avoir stagné au premier trimestre et reculé de 0,1 % au second – un chiffre révisé à la baisse. Une bonne nouvelle, au regard des 0,1 % que prévoyaient les conjoncturistes. Surtout, notre économie s'est un peu plus redressée que celle de l'Allemagne (+0,1 %). « Nous devons nous féliciter d'être dans une situation meilleure, meilleure que les allemands », s'est réjoui Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du PS, sur Europe 1.
Lire aussi : L'Allemagne évite la récession au troisième trimestre
A regarder les chiffres, il n'y a pourtant pas de quoi pousser un cocorico. De fait, dès vendredi matin le ministre des Finances Michel Sapin a reconnu dans un communiqué que l'activité reste « trop faible pour assurer les créations d'emploi nécessaires à notre pays ». Malgré ce léger mieux, « notre croissance reste quasiment à l'arrêt depuis mi 2011 », constate Hélène Baudchon, économiste chez BNP Paribas. « Tous les moteurs ou presque sont encore au point mort », ajoute Denis Ferrand, de l'institut de conjoncture Coe-Rexecode.
Si la production manufacturière s'est un peu redressée (+0,5 % après -0,8 % au trimestre précédent), de nombreux freins autant conjoncturels que structurels continuent de peser sur notre économie. Auxquels s'ajoute, depuis le début de l'année, la montée des incertitudes. Crise Ukrainienne, tensions au Moyen-Orient, risque déflationniste en Europe, va-et-vient fiscal du gouvernement… « Les doutes sont si nombreux dans tous les domaines que les consommateurs et les entreprises sont figés dans l'attentisme », résume Ludovic Subran, chef économiste d'Euler Hermes. Or tant que la confiance ne reviendra, la croissance non plus.
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DIAGNOSTIC MÉDIOCRE
Dans le détail, le seul pilier de la croissance qui tient encore bon est la consommation. Celle des ménages, d'abord, stable sur le troisième trimestre (+0,2 %). Malgré le taux de chômage élevé, les salaires ont continué de progresser faiblement, et le pouvoir d'achat a profité du tassement des prix. De même, la consommation des administrations publiques a gonflé de 0,8 %, signe que les mesures d'économies annoncées par le gouvernement ne se traduisent pas encore sur le terrain.
Pour le reste, le diagnostic est médiocre. Notamment du côté de l'investissement des ménages (-1,7 %), plombé par le recul des dépenses de logement, qui ont plongé de 27,4 % depuis 2007. « Cette baisse devrait ôter 0,4 point de PIB à la croissance de 2014 : c'est considérable », estime Mme Baudchon.
Car derrière ce recul il y a celui du bâtiment, secteur clé de notre économie. En septembre, les mises en chantiers de logement neuf sont tombées à 301 758 sur un an, en recul de 11,7 %. Après vingt ans d'expansion et de hausse des prix, le secteur enregistre une correction. Et il n'est près de se redresser.
Autre moteur en berne : l'investissement des entreprises. Au troisième trimestre, il a chuté de 0,1 %, après - 0,5 % au second. Certes, il recule désormais moins vite. Mais sur 2013, la baisse était déjà de 0,6 %. Or, s'ils ne représentent que 12 % du PIB, les investissements sont l'étincelle par laquelle l'économie redémarre. Et la mèche tarde à s'allumer parce que la demande adressée aux entreprises, notamment celle des ménages, reste trop peu dynamique.
LE PIB DEVRAIT PROGRESSER DE 0,4% SUR UN AN
S'ajoutent à cela des handicaps structurels propres à la France, comme la faiblesse du taux de marge des entreprises (29,4 %), qui peine à se redresser. Et ce, malgré le lancement du Crédit impôt compétitivité emploi (CICE), pourtant censé aider nos PME à restaurer leurs profits pour, dans un deuxième temps, embaucher, investir, et regagner des parts de marchés à l'export. « Ce dispositif commence seulement à monter en puissance, son impact positif sur l'économie se mesurera surtout en 2015 », analyse Xavier Timbeau, économiste à l'OFCE.
De son côté, le commerce extérieur a encore contribué de façon négative à l'activité (-0,2 %). Et ce, car nos importations (+1,1 %) ont progressé plus vite que les exportations (+0,5 %). « Il faut dire que la plupart de nos pays de la zone euro, où se dirigent 60 % de nos exportations, sont eux aussi mal au point », analyse Jacques Cailloux, économiste Europe chez Nomura. À commencer par l'Allemagne, notre premier partenaire commercial, qui échappe de peu à la récession.
Nos exports hors zone euro ont également peu progressé, malgré la dépréciation de l'euro observée depuis mai. D'après les entreprises, il faut attendre six à douze mois avant que la baisse de la devise ne se traduise par un rebond de leurs ventes. Patience, donc…
Sur l'année 2014, le PIB ne devrait guère progresser de plus de 0,4 %, selon les économistes, et conformément aux prévisions du gouvernement. Insuffisant pour permettre un reflux du taux de chômage, qui culmine toujours à 10,1 %.
Seule bonne nouvelle : l'année 2015 s'annonce plus clémente pour l'économie française et européenne. « Il n'y aura pas de fort rebond, mais l'horizon devrait s'éclaircir », explique Axelle Lacan. Cette économiste du Crédit Agricole mise sur une croissance de 1 %. Aux effets positifs du CICE s'ajouteront ceux du pacte de responsabilité, qui allégera de 41 milliards les impôts et charge des entreprises d'ici à 2017. De même, la suppression de la première tranche d'impôt sur le revenu en 2015, devrait soutenir un peu le pouvoir d'achat des 9 millions de foyers qui en profiteront. « Si l'on ajoute à cela la baisse de l'euro et du pétrole, il y a de quoi s'autoriser un peu d'optimisme » estime M. Timbeau. Toujours ça de pris…