Alors que les entretiens engagés dans la matinée de ce mardi 2 juillet entre Mohamed Morsi et le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Sissi se poursuivaient encore en début de soirée, le président islamiste
a fait à nouveau preuve d'extrême fermeté.
Mohamed Morsi a réaffirmé sa "légitimité constitutionnelle", avant d'appeler l'armée à retirer son ultimatum, qu'il a par ailleurs rejeté mardi matin.
"Le président Mohamed Morsi réaffirme sa légitimité constitutionnelle, refuse toute tentative de passer outre, appelle les forces armées à retirer leur avertissement et refuse tout diktat" qu'il vienne d'Egypte ou de l'étranger, a-t-il écrit sur son compte Twitter officiel.
La demande du commandement militaire est assimilée par ses partisans à un coup de force pour le faire partir, et Mohamed Morsi a affirmé que l'Egypte ne permettrait "absolument aucun retour en arrière".
Par ailleurs, à la veille de l'expiration de l'ultimatum de l'armée appelant le président à "satisfaire les demandes du peuple", les manifestations ne faiblissent pas. Sept personnes ont péri dans des heurts mardi dans le quartier de Guizeh, dans le sud du Caire, entre partisans et opposants de Mohamed Morsi, ont annoncé des sources médicales, qui ont également fait état de dizaines de blessés, dont plusieurs grièvement touchés par des tirs.
Des affrontements ont également éclaté dans d'autres quartiers de la périphérie du Caire et dans la province de Beheira, au Nord.
L'armée dément vouloir préparer un "coup" d'Etat
L'opposition a désigné Mohammed El Baradei, ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), pour être sa "voix" et son négociateur vue d'une "transition politique", et a salué l'ultimatum de l'armée, y voyant un appui de poids dans sa volonté de pousser vers la sortie Mohamed Morsi, accusé de vouloir instaurer un régime autoritaire au profit des Frères musulmans, le mouvement dont il est issu.
Les partisans du chef de l'Etat insistent quant à eux sur la "légitimité" du premier président démocratiquement élu de l'histoire du pays..
L'armée, qui avait assuré un intérim controversé entre la chute de Hosni Moubarak et l'élection de Mohamed Morsi en juin 2012, a démenti vouloir préparer un "coup".
Mardi soir, les opposants occupaient en masse l'emblématique place Tahrir du Caire.
Un manifestant, Mostafa Gharib, a dit craindre que les islamistes "ne se battent jusqu'à la fin avant de tomber".
Pour Mona Elghazawy, une comptable également descendue dans la rue pour réclamer le départ du président, "la bataille se joue maintenant" face aux islamistes.
Des policiers supplémentaires étaient déployés dans la capitale, où les rues quasi-désertes offraient un contraste saisissant avec l'habituelle activité de la mégalopole égyptienne.
La ville, où de nombreux commerces et bureaux sont restés fermés par crainte de nouvelles violences, était également survolée par des hélicoptères de l'armée.
Un responsable des Frères musulmans a appelé à empêcher un coup d'Etat, au besoin par le "martyre", en rappelant le sang déjà versé pour obtenir la chute de l'ancien président Hosni Moubarak en 2011.
Les partisans de Morsi prêts à une révolution islamique
Des dizaines de milliers de partisans du président étaient rassemblés dans le faubourg de Nasr City ainsi que devant l'université du Caire, sur l'autre rive du Nil.
"La position de l'armée est inquiétante et dérangeante. S'ils prennent le pays, nous ferons une révolution islamique", a prévenu Mohamed Abdel Salem, un manifestant pro-Morsi.
"Réveille-toi Sissi, Morsi est mon président", scandait la foule à l'adresse du ministre de la Défense.
Alia Youssef, ingénieure voilée de 24 ans, s'est dite "prête à mourir ici pour défendre la légitimité (du président) et dire "non" à un coup d'Etat militaire".
Mohamed Morsi est cependant de plus en plus isolé après la défection de cinq ministres, dont celui des Affaires étrangères Mohamed Kamel Amr, et de son propre porte-parole, Ehab Fahmy.
Obama invite à la "retenue"
Infligeant un revers supplémentaire au président, la justice, engagée dans un bras de fer avec Mohamed Morsi, a ordonné la réintégration du procureur général, Abdel Méguid Mahmoud, nommé sous Moubarak et limogé en novembre par décret présidentiel.
Le président américain Barack Obama a invité à la "retenue", et a appelé Mohamed Morsi pour lui faire part de son inquiétude, tandis que son secrétaire d'Etat John Kerry a estimé que la démocratie n'impliquait "pas seulement des élections" mais signifiaient aussi "s'assurer que les voix des Egyptiens sont entendues".
Dimanche, jour anniversaire de l'élection de Mohamed Morsi, la foule avait déferlé à travers le pays aux cris de : "Le peuple veut la chute du régime", le slogan déjà scandé contre le pouvoir autoritaire de Hosni Moubarak.
Au moins 16 personnes avaient été tuées en marge des manifestations. La semaine dernière, des affrontements entre pro et anti Morsi avaient fait huit morts, dont un Américain.