Un tribunal égyptien a abandonné samedi l’accusation de complicité de meurtre de centaines de manifestants contre l’ex-président Hosni Moubarak, chassé du pouvoir en 2011 par une révolte, provoquant la colère de ses détracteurs mais la joie de ses partisans.

En soirée, un millier de manifestants ont convergé vers la place Tahrir, scandant «Le peuple exige le renversement du régime», avant d’être dispersés par la police avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau. Une centaine de personnes ont été arrêtées, selon une source sécuritaire.

Un homme a alors été tué par balle ou par tir de grenaille, selon un responsable au ministère de la Santé, entraînant des échauffourées éparses dans le centre du Caire, où on entendait des coups de feu.

Hosni Moubarak, qui a par ailleurs été acquitté d’accusations de corruption dans une affaire séparée, restera néanmoins en détention dans un hôpital militaire où il purge une peine de prison de trois ans dans le cadre d’un autre jugement pour corruption.

Celui qui a dirigé pendant trois décennies l’Egypte d’une main de fer était jugé pour son rôle dans la répression des manifestations massives pendant le soulèvement de janvier-février 2011 au cours duquel 846 personnes ont été tuées.

Dans ce nouveau procès ouvert en mai 2013, au cours duquel des responsables de la sécurité en poste sous Moubarak ont livré des témoignages jugés favorables à l’accusé, le juge Mahmoud Kamel al-Rashidi a annoncé «l’abandon de l’accusation de complicité de meurtre».

Dans un résumé de ses attendus, la cour cite des témoins, des ex-responsables de la sécurité, qui assurent que la police n’a pas ouvert le feu durant le jour le plus meurtrier de la révolte. Le parquet peut faire appel du verdict.

Installé sur une civière, lunettes de soleil sur le nez, Hosni Moubarak, 86 ans, s’est contenté d’un sourire discret à l’annonce du verdict. Ses deux fils, Alaa et Gamal, eux aussi accusés de corruption et disculpés pour prescription, ont aussitôt embrassé leur père sur le front.

- Réactions partagées -

Au tribunal, des journalistes pro-Moubarak ont laissé éclater leur joie, scandant «Dis la vérité, soit audacieux, Hosni Moubarak est innocent».

Ses partisans se sont ensuite rassemblés en nombre limité devant l’hôpital où il est détenu. M. Moubarak est brièvement apparu au balcon de sa chambre pour les saluer.

«Il n’y a pas de preuves contre Moubarak. Il était un président honnête», a dit Mostafa Saïd, un fonctionnaire à la retraite.

En revanche, plus d’un millier de personnes ont manifesté près de l’emblématique place Tahrir, épicentre de la révolte de 2011, pour dénoncer le verdict et les autorités accusées de réhabiliter les politiques répressives de M. Moubarak.

«Le peuple exige la chute du régime», «ils ont innocenté l’assassin, le sang de nos frères n’a pas coulé en vain», ont scandé les manifestants avant d’être dispersés par les policiers, dont certains en civils.

Selon le ministère de l’Intérieur, la police a dispersé la foule après que des membres de la confrérie interdite des Frères musulmans sont arrivés et ont jeté des pierres.

- 'Je n’ai rien fait de mal' -

Pour l’avocat de M. Moubarak, Farid al-Deeb, le verdict «prouve l’intégrité» de son régime.

«Je n’ai rien fait de mal», a affirmé l’ex-président dans un bref entretien téléphonique avec la chaîne privée Sada al-Balad.

«Quand j’ai entendu le premier verdict (en 2012), j’ai ri», a ajouté M. Moubarak, condamné à perpétuité lors d’un premier procès, annulé pour raisons techniques.

Sept autres accusés, des hauts responsables de la sécurité dont l’ex-ministre de l’Intérieur Habib al-Adly, ont été acquittés samedi.

Le régime de M. Moubarak, honni il y a quatre ans, a été réhabilité dans l’opinion publique depuis que l’ex-chef de l’armée et actuel président Abdel Fattah al-Sissi a destitué le président islamiste Mohamed Morsi en juillet 2013.

Des défenseurs des droits de l’Homme accusent régulièrement M. Sissi de vouloir refermer la parenthèse démocratique ouverte en 2011 alors que des figures du régime Moubarak effectuent leur grand retour sur la scène politique.

L’actuel Premier ministre Ibrahim Mahlab était un cadre du parti de M. Moubarak, et M. Sissi était le chef des renseignements militaires sous son régime.

Très médiatisés au départ, les procès de M. Moubarak sont un peu éclipsés par ceux de son successeur, M. Morsi, qui avec la quasi-totalité des dirigeants de sa confrérie des Frères musulmans sont en prison et encourent la peine de mort. Ils sont accusés par la presse d’être derrière les violences qui secouent le pays depuis 2011.

Après la destitution de M. Morsi, plus de 1.400 manifestants islamistes ont été tués, plus de 15.000 Frères musulmans ou sympathisants emprisonnés et des centaines condamnés à mort dans des procès de masse expéditifs.

AFP