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Christian Delporte est historien spécialiste de l'histoire des médias et de la communication politique.
Il est l'auteur de «Come-back, ou l'art de revenir en politique» (Paris, Éditions Flammarion, 2014).
Au lendemain de la débâcle des européennes, François Bayrou, invité de BFM-TV, a lâché «François Hollande n'ira pas au bout de son mandat. Il va y avoir un coup de foudre d'ici là. On ne peut pas durer trois ans dans la situation où on se trouve.». Selon une étude OpinionWay réalisée en exclusivité pour Le Figaro Magazine, les Français ne sont plus que 3% à préférer François Hollande comme candidat du PS à la prochaine présidentielle de 2017. En dépit de la force des institutions, l'hypothèse de voir François Hollande démissionner est-elle désormais crédible?
La démission du leader qui n'a plus la confiance du peuple est une vieille question, théorisée par…les bolcheviks! Sur le plan institutionnel, rien n'oblige François Hollande à partir. L'impopularité mesurée par les sondages (même si l'actuel Président bat des records, sur ce plan) ou l'échec aux élections intermédiaires ne suffiront pas, sauf s'il en décidait lui-même ainsi, à le pousser à la démission. A cet égard, ses prédécesseurs ont eu la même attitude. Seule une situation exceptionnelle de chaos (manifestations et grèves massives, pays bloqué, violences…) pourrait l'y conduire. Nous n'en sommes pas là. Quand on est à la tête de l'Etat, on croit toujours, même si on s'illusionne parfois, qu'on finira par rebondir et reconquérir l'opinion. La démission, pour un homme politique, a fortiori exerçant les plus hautes fonctions, est une extrémité inadmissible. Seuls l'épuisement ou la contrainte sous une forte pression l'y mènent éventuellement. En attendant, les leaders de l'opposition peuvent bien poser la question du départ de Hollande, c'est bon pour mobiliser leur électorat qui attend un tel discours. Mais, en leur for intérieur, ils savent, par expérience, que cela ne se produira pas.
<aside></aside>De Gaulle est parti en 1969, désavoué par le peuple lors d'un référendum où il avait mis son mandat en jeu.
Cette situation serait-elle inédite dans l'histoire politique?
Le Président Mac Mahon a démissionné en 1877, après avoir dissout la Chambre, finalement poussé dehors par la nouvelle majorité républicaine qui refusait de gouverner avec lui. Alexandre Millerand fut dans la même situation en 1924. D'autres chefs de l'Etat ont démissionné sous la IIIe République: Jules Grévy, en 1887, emporté par un scandale, Jean Casimir-Périer, en 1895 (après 6 mois et 6 jours, par dépit), Paul Deschanel, en 1922 (pour des raisons de santé bien connues): mais, à l'époque, comme disait De Gaulle, les présidents «inauguraient les chrysanthèmes». Le Général, justement, est parti en 1969, désavoué par le peuple lors d'un référendum où il avait mis son mandat en jeu. Dans ces deux cas, le départ résulte de l'expression du suffrage universel. Mais, malgré lui, Mitterrand, à deux reprises (1986, 1993) et Chirac (1997) ont préféré la cohabitation à la démission. On se rappelle aussi qu'en 1968, De Gaulle avait écarté l'hypothèse de sa démission, préférant dissoudre l'Assemblée nationale, provoquer des législatives anticipées et, ainsi, poser la «question de confiance» au peuple français.
<aside></aside>Répétée, reprise, l'idée du départ fait son chemin.
L'Express titre en une cette semaine, «Encore trois ans», tandis que Valeurs actuelles pose la question «doit-il partir?» Ces unes sont-elles le reflet d'une fragilité réelle du pouvoir ou contribue-t-elle à le déstabiliser?
Valeurs actuelles s'adresse à une clientèle de droite, tandis que L'Express vise un public plus large, mais les deux se rejoignent, simplement parce qu'ils traduisent l'air du temps. Je ne me lancerai pas dans la théorie de la poule et de l'œuf. La presse évoque le départ de Hollande, parce que son impopularité bat des records et que, pour vendre, il ne faut jamais trop s'éloigner de ce que pensent ses lecteurs…Mais, du coup, répétée, reprise, l'idée du départ fait son chemin. La presse est généralement opportuniste et panurgienne. Souvenons-nous de l'époque de Nicolas Sarkozy, d'abord porté aux nues, ensuite jeté aux orties. La mode est au Hollande-bashing, pratiqué jusqu'à l'intérieur du PS (au moins dans les couloirs). Si Hollande remonte, même timidement, dans les sondages, il n'est pas exclu que quelques magazines le trouvent soudain formidable et s'interrogent sur sa réélection, avec des titres, du genre: «Et s'il réussissait son pari?»… Ainsi va la presse.
<aside></aside>Son seul atout, c'est le temps, ces trois ans qui nous séparent de l'échéance présidentielle. C'est là-dessus qu'il mise.
François Hollande bat des records d'impopularité et ne dispose plus d'une majorité solide. Dans ses conditions, comment peut-il tenir? De quelles options politiques dispose-t-il encore?
Il n'a pas beaucoup d'options. Je ne crois guère à la dissolution. Elle pourrait être contrainte, si le désaveu des «rebelles» du PS se traduisait par un vote de défiance à l'Assemblée. Mais les députés du PS se feront-ils hara-kiri? Combien reviendraient au Palais-Bourbon? Les Verts, dont la plupart des députés le sont grâce au PS qui leur a laissé des circonscriptions, y perdraient toutes leurs plumes. Pour le sport, imaginons la dissolution surprise. Elle se fonderait sur un pari risqué: l'échec aux législatives, la cohabitation avec l'UMP, l'usure de la nouvelle majorité et une nouvelle virginité politique dans l'opinion (à l'instar de Mitterrand et de Chirac) lui ouvrant les portes de la réélection en 2017. Franchement peu vraisemblable. Le plus évident pour Hollande, c'est de miser sur le retour de la croissance, dont les signes sont présents dans plusieurs pays d'Europe. Son seul atout, c'est le temps, ces trois ans qui nous séparent de l'échéance présidentielle. C'est là-dessus qu'il mise.
François Hollande, s'il ne démissionne pas, a -t-il encore une chance d'être candidat à sa propre succession en 2017?
Tout président élu pour un premier mandat rêve d'en accomplir un second, tout en se gardant de le dire. Difficile pour le PS de lui contester une deuxième candidature, sans provoquer une crise qui ferait resurgir brusquement le spectre de 2002. Cependant, le contexte jouera également. En cas d'impopularité forte, la presse testera d'autres noms, ceux de Valls, Aubry, Montebourg ou d'autres. Si les sondages le donnent perdant à coup sûr, alors qu'un socialiste pourrait l'emporter, une incroyable pression s'exercera sur lui, à laquelle il lui sera rude de résister