• Famille Peugeot : qui tient le volant ?

    Famille Peugeot : qui tient le
    volant ?

    Créé le 20-07-2012 à 10h53 - Mis à jour à 16h37

    A côté de Philippe Varin, qui pilote le groupe, les descendants d'Armand Peugeot gardent le pied sur le frein. Ils rencontreront Arnaud Montebourg le 26 juillet.

     

    Thierry Peugeot, président du conseil de surveillance de PSA, et Philippe Varin, président du directoire. (MEIGNEUX/SIPA)

    Thierry Peugeot, président du conseil de surveillance de PSA, et Philippe Varin, président du directoire. (MEIGNEUX/SIPA)
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    PSA, c'est comme une auto-école, lâche un cadre du groupe : "Il y a deux personnes aux commandes. L'une conduit, l'autre est prête à appuyer sur le frein le cas échéant." Au volant, le président du directoire. Aujourd'hui, Philippe Varin, hier, Christian Streiff, Jean-Martin Folz ou encore Jacques Calvet. La famille Peugeot, elle, occupe le fauteuil d'à-côté, le nez sur le pare-brise à l'affût du moindre écart. Au siège du groupe, avenue de la Grande-Armée à Paris, le bureau de Thierry Peugeot, président du conseil de surveillance, jouxte celui de Philippe Varin. On ne peut être plus près !

    "Quel est le rôle de l'actionnaire, notamment la famille Peugeot ?", interrogeait le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, après la déflagration sociale provoquée par l'annonce de la suppression de 8.000 emplois et, plus encore, par celle de l'abandon du site d'Aulnay. Une question fondée : les Peugeot sont tout sauf des actionnaires dormants. Rien ne se fait sans leur aval. Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, rencontrera d'ailleurs Thierry Peugeot le 26 juillet.

    Ultime recours

    Il y a dix ans, la famille a refusé la fermeture d'Aulnay à Jean-Martin Folz. Aujourd'hui, elle fait bloc derrière le pilote Varin. Pas question pour autant de se mettre en avant. Pour l'heure, elle le laisse seul au front, se préparant à sortir des coulisses en ultime recours... De fait, depuis les années 1970, il n'y a plus de Peugeot à la tête de PSA. Pourtant les héritiers d'Armand, premier de la lignée à avoir fabriqué des automobiles, sont bien là.

    Thierry Peugeot, président du conseil de surveillance de PSAIls occupent différentes fonctions dans le groupe. Certains sont opérationnels, comme Xavier, directeur du produit Peugeot, ou Frédéric Banzet, directeur général de Citroën. D'autres y tiennent des positions d'actionnaires actifs. C'est l'un ou l'autre, jamais les deux. La règle familiale impose de choisir. Thierry Peugeot, 56 ans, diplômé de l'Essec, est donc président du conseil de surveillance, qui compte quatre autres Peugeot, représentants des deux autres branches. Son cousin, le centralien, Robert, préside aux destinées de FFP, la holding qui gère les participations de la famille, dont ses 25,4% dans PSA (38,1% des droits de vote).

    Thierry et Robert, comme chien et chat

    Robert Peugeot, PDG de FFP, holding familial premier actionnaire de PSAThierry et Robert sont comme chien et chat. Leurs caractères très différents les opposent souvent. "Le beau Robert" est aussi surnommé "Bobby", comme dans "Dallas". "De tous les membres de la famille, c'est celui dont le train de vie est le plus conforme à la fortune des Peugeot", remarque un observateur. Collectionneur d'art, il est devenu "l'homme des lingots" depuis qu'il a été cambriolé, un week-end de 2010. Il était alors en Turquie en train de s'adonner à son hobby : la chasse.

    Thierry est infiniment plus discret et plus fidèle en cela à la tradition familiale : austère et protestante. En interne, on le surnomme "le Menhir". Un "Menhir" très franc-comtois, les pieds ancrés dans la terre familiale. Il "descend" régulièrement près de Sochaux voir sa mère qui y vit encore, dans l'une de ces maisons bourgeoises, dénommées "château Peugeot". Le président du conseil de surveillance en profite pour faire une plongée dans les archives du groupe à Hérimoncourt.

    Des crinolines et des vélos

    L'histoire, c'est son péché mignon, et en ces temps de turbulences sévères, il y trouve matière à réconfort. Pour lui et pour les retraités du groupe dont il préside l'association comme son père avant lui. En décembre 2011, il leur a ainsi conté la manière dont l'entreprise s'est sortie de sa première crise. C'était aux alentours de 1870. A l'époque, les Peugeot régnaient sur les jupons des dames dont ils fabriquaient les cerceaux en acier, quand tout à coup la mode a changé. Exit les crinolines. Les couturiers du fer survécurent grâce au vélocipède, avant d'embrayer quelques années plus tard dans la voiture.

    D'autres crises surviendront. Et avec elles nombre de superstitions familiales. "C'est toujours un modèle de la gamme des 200 qui les a tirés d'affaire", note un proche. La 201 après la crise de 1929 ; la 203 après la Seconde Guerre mondiale; la 205, en 1982, lorsque le groupe a frôlé le dépôt de bilan. Pourvu que la 208, dont le lancement est tout récent, ne déçoive pas ! "C'est un modèle qui représente énormément pour la marque", dit-on en interne. Le groupe perd chaque mois 200 millions d'euros de trésorerie. Un échec serait catastrophique. Les espoirs résident aussi dans la ligne DS, symbole de la montée en gamme engagée par Christian Streiff et confortée par son successeur.

    De ce point de vue, François Hollande, qui roule en DS5, a plutôt marqué un point aux yeux de la famille, pas vraiment socialiste. "Il est vrai qu'ils n'aimaient guère Sarkozy", sourit un observateur. Autre passerelle avec l'actuelle majorité, Frédéric Saint-Geours, le directeur des marques du groupe, très proche de la famille, fut directeur de cabinet d'Henri Emmanuelli, ministre du Budget de François Mitterrand.

    Moscovici connaît bien les Peugeot

    Le deuxième "passeur", c'est Pierre Moscovici. Le ministre de l'Economie connaît bien les Peugeot. Son fief électoral, c'est précisément leur terre : Montbéliard-Sochaux, où l'usine Peugeot va fêter ses cent ans, et Valentigney, où quelques membres de la famille ont encore leur maison. Tout ce petit monde se retrouve au stade Bonal pour y soutenir le FC Sochaux. "Mosco" et Thierry se connaissent bien et s'apprécient, dit-on. Moscovici tutoie Christian Peugeot, directeur des affaires publiques du groupe. Ce dernier, heureux hasard, fit HEC en même temps que François Hollande. La famille Peugeot ? "Ce sont des gens discrets mais on les connaît", a reconnu Pierre Moscovici. Avant d'ajouter : "Je préfère qu'il y ait un actionnariat français et familial." Ce propos leur serait allé droit au cœur.

    Car s'il est une chose qui nourrit la fierté des héritiers d'Armand, c'est d'avoir réussi à conserver, contre vents et marées, et depuis plus de cent ans, le contrôle du groupe. Même au risque de le fragiliser... Avec une production de 3,4 millions de véhicules par an, PSA est un nain parmi les géants. Et l'automobile est de plus en plus vorace en capitaux. Les dirigeants successifs se sont maintes fois heurtés à l'indépendance farouche de la famille. Longtemps, on a entendu les Peugeot dire : "Nous, on est plutôt des fiancés."

    Un mariage malheureux

    Autrement dit, à l'heure où Renault épousait Nissan, PSA s'accrochait au célibat, préférant nouer des partenariats plus ponctuels, ici pour le développement d'un moteur, là pour la conception d'une voiture électrique... Un mariage malheureux avec trois filiales de Chrysler à la fin des années 1970 explique aussi cette posture de défiance. Il avait plongé le groupe dans l'une des plus importantes crises de son existence, raconte l'historien Jean-Louis Loubet : "Il fut à deux doigts du dépôt de bilan et la famille fut contrainte de voir sa part passer en deçà des 30%." Mitsubishi, qui voulait s'allier à PSA, a fait les frais de ce passé, en 2010. Il est vrai que le japonais valait beaucoup plus cher en Bourse que le français. Et Philippe Varin a dû longuement argumenter avant de convaincre la famille de faire alliance avec General Motors en février.

    Mais aujourd'hui, les Peugeot n'ont plus le choix. Ils ont concédé 7% du capital à l'américain. Sans avoir les moyens de prendre la même participation en retour... Le cours de PSA - autour de 6 euros - ne leur laisse guère de marges de manœuvre. Cette alliance tardive sera-t-elle suffisamment porteuse d'économies d'échelle (achats, recherche, développement de véhicules communs), comme l'espère Philippe Varin, pour tirer le groupe vers le haut ? Ses effets ne se feront pas sentir avant quelques années.

    Dissensions familiales

    "C'est une solution de moyen terme pour des problèmes qui se posent à court terme", commente Bertrand Gay, responsable de "AutoStrat International", une lettre qui dissèque l'actualité du secteur. Le double commandement imposé par la famille rend tous les virages plus difficiles à négocier. Celui de l'international, comme celui du développement des nouveaux produits. "Tout est trop lent dans cette maison", regrette cet observateur. Les dissensions familiales nées sous l'ère Streiff ont encore rendu les décisions plus difficiles.

    A l'heure de la tempête, on dit la famille de nouveau unie. Et prête à faire valoir son "patriotisme". Non, les Peugeot ne sont pas partis en Suisse (seul Eric a franchi le lac Léman). 41% des voitures PSA sont toujours fabriquées sur le territoire national, contre 22% pour Renault. En ces temps de reconquête industrielle, "on ne peut quand même pas nous le reprocher", fait-on valoir en interne. A coup sûr, ce sera l'argument majeur des Peugeot face aux pouvoirs publics. Mais, vis-à-vis des syndicats qui dénoncent la politique de distribution de dividende du groupe - "50% du résultat entre 2002 et 2010 contre 20% chez Volkswagen sur la même période", selon la CFDT -, il leur faudra sans doute se montrer plus convaincants.

    Marjorie Cessac et Nicole Pénicaut


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