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Fusillade à Nairobi : la vengeance des Shebab
Dernière modification : 22/09/2013lien
Fusillade à Nairobi : la vengeance des Shebab
© AFP ( Capture AFP-TV)Malgré son caractère spectaculaire, l’attaque de Nairobi n’est pas une surprise pour les spécialistes. Il s’agit pour les islamistes shebab de prendre leur revanche sur le Kenya, allié du pouvoir central qu’ils combattent en Somalie.
Avec la fusillade et la prise d’otages dans un centre commercial de Nairobi, qui a commencé samedi 21 septembre, le Kenya est en train de vivre la pire attaque terroriste depuis l’attentat contre l’ambassade américaine à Nairobi, en 1998, qui avait tué plus de 200 personnes.
Si le mode opératoire est long et particulièrement sanglant – au moins 68 morts - les spécialistes de la région ne sont pas surpris par cet assaut. "Ce n’est malheureusement pas une surprise", a ainsi affirmé Lydie Boka, directrice de StrategiCo et spécialiste de l’Afrique, interviewée dimanche sur FRANCE 24. "C’est la revanche du groupe des islamistes shebab, qui a annoncé depuis plusieurs années, qu’il était engagé contre les alliés du gouvernement central somalien."
Le Kenya a en effet engagé 4 000 de ses soldats dans la force Amisom de l’Union africaine pour lutter contre les shebab somaliens. Or ces islamistes proches d’Al-Qaïda luttent par tous les moyens "contre l’État central en Somalie et pour l’instauration d’un État islamiste avec la charia", explique Lydie Boka.
"Les autorités étaient au courant que des choses se préparaient"
Non seulement les Shebab avaient prévenu, mais les autorités kenyanes avaient identifié des risques au sein de la capitale Nairobi, où certains quartiers comme celui d’Islii contiennent une forte population – Kenyans ou réfugiés - d’origine somali (le peuple en grande majorité musulman qui vit de part et d’autre de la frontière entre le Kenya et la Somalie). "En 2010, deux imams radicaux avaient été identifiés dans ce quartier", rappelle Lydie Boka. "Les autorités étaient au courant depuis longtemps que des choses se préparaient", ajoute-t-elle.
Ce qui est surprenant, en revanche, c’est l’envergure de l’attaque, au moment où les Shebab n’ont jamais été aussi affaiblis en Somalie. Francis Soler, rédacteur en chef de "La lettre de l’Océan Indien" joint au téléphone par FRANCE 24, rappelle que l’intervention militaire kenyane en Somalie a notamment permis de repousser les Shebab du port stratégique de Kismayo, au sud de Mogadiscio, qu’ils occupaient depuis des mois. "Ce qu’ont fait les Kenyans, c’est non pas anéantir les Shebab mais les éparpiller", précise le journaliste spécialisé.
"Une opération militaire pensée et structurée"
Ces dernières années, les Shebab avaient déjà attaqué le Kenya, mais il s’agissait de "quelques jets de grenade sur des postes de police ou dans des lieux publics", rappelle le rédacteur en chef. "On avait l’impression, jusque là, que ces actions étaient menées par des Kenyans ou des Somaliens plutôt sympathisants, mais pas par le noyau dur militaire actif et aguerri des Shebab. Là, on a affaire à une opération militaire pensée, structurée, avec un objectif clair : faire le maximum de morts, et avoir le maximum de retentissement international." Au moment où ils ont essuyé certains revers militaires, il s’agit donc pour les Shebab de "montrer qu’ils ont une capacité de nuisance importante", juge Francis Soler.
Au-delà des décès et du traumatisme pour le Kenya, l’enjeu est double pour le pays. Il est d’abord économique, puisque le tourisme représente "la deuxième source de revenus de l’État kenyan", selon Roland Marchal, chargé de recherche au CNRS interviewé sur France 24 samedi soir.
Il est aussi et surtout politique : "l’enjeu, ce sont les relations entre l’islam kenyan, notamment l’islam côtier, et un pouvoir kenyan qui est fondamentalement chrétien", analyse le chercheur. Aujourd’hui, ce pouvoir doit "à la fois définir une politique vis-à-vis de cette communauté-là [musulmane somali, NDLR], et la mettre en œuvre de façon à l’intégrer davantage […], et d’un autre côté aider au règlement de la crise somalienne." Une analyse partagée par Francis Soler, pour qui, après cet attentat, le Kenya devra "éviter de stigmatiser les musulmans kenyans d’origine somali", pour éviter un engrenage encore plus meurtrier.
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