"Il n'y a qu'une politique au gouvernement." Ce rappel à l'ordre du premier ministre Jean-Marc Ayrault visait, jeudi 11 juillet, les propos du ministre du redressement productif Arnaud Montebourg, qui a avancé l'idée d'une exploitation "écologique" du gaz de schiste en France. Une proposition qui a fait des remous dans les rangs du gouvernement et des écologistes. Et qui a permis au premier ministre de réaffirmer qu'il était "exclu d'exploiter des gaz de schiste en France", et que "cette position sera[it] évidemment maintenue".
C'est au cours d'une audition par la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale sur la réforme du code minier, mardi, qu'Arnaud Montebourg a proposé la création d'une "compagnie publique et nationale" qui exploiterait les gaz de schiste et "assurerait le financement de la transition énergétique", d'après l'agence AEF Développement durable. Elle permettrait aussi de réduire les importations françaises de gaz et de pétrole. Et d'éviter la question de la "captation de la rente que représenterait cette exploitation".
Le ministre a pris quelques précautions. Il a précisé d'abord développer une idée "personnelle" et ajoute qu'"il faudra régler le problème de la pollution du sous-sol, qui est un pur scandale". Il se dit toutefois certain "qu'on arrivera, avec la technique, dans très peu de temps, au gaz de schiste écologique". Ajoutant : "Nous pouvons convaincre les écologistes raisonnables... Ils sont tous raisonnables."
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CONCERT DE CRITIQUES
Après le recadrage du nouveau ministre de l'écologie, Philippe Martin, mercredi, qui a répliqué que "la question d'une exploitation 'écologique' des gaz de schiste ne se pose pas", c'est le ministre de l'agriculture, Stéphane Le Foll, qui a critiqué la position de M. Montebourg, soulignant sur RMC qu'elle divergeait de l'option gouvernementale.
"Ce n'est pas cohérent avec le choix qui a été fait lors de la conférence environnementale. Au problème qui est posé : est ce qu'on peut imaginer faire des forages avec de la fracturation hydraulique dans la Drôme à côté du Vercors aujourd'hui ?" la réponse est "non".
L'ex-ministre de l'écologie Delphine Batho a demandé sur France Inter au premier ministre, Jean-Marc Ayrault, de lever "l'ambiguïté permanente" sur les gaz de schiste en évoquant "un désaccord de fond, net et total" sur cette question avec son ancien collègue du gouvernement.
Le chef de file des députés PS, Bruno Le Roux, a jugé qu'Arnaud Montebourg était allé "trop vite", tout en excluant son départ du gouvernement. Il a jugé sur Europe 1 que le ministre, non sans une certaine "provocation", avait dit "simplement (...) qu'il ne doit pas y avoir a priori de mise au ban de ce que sont les gaz de schiste".
Jean-Vincent Placé, président du groupe écologiste Europe Ecologie-Les Verts au Sénat, n'a pas hésité à qualifier le ministre de "nuisible" pour l'écologie et le gouvernement.
"M. Montebourg, il ne lui reste plus que le verbe, parce qu'il vole d'échec en échec, de faillite en faillite, de Florange à Pétroplus, à Goodyear, à Peugeot. Partout où il passe, les emplois disparaissent et il représente un peu quelque part une faillite du verbe [C'est] un citoyen bourguignon qui siège au conseil des ministres et qui raconte ce qu'il pense".
La bagarre est loin d'être finie. D'ici quelques jours, il est fort probable que le Conseil d'Etat transmette au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur la loi du 13 juillet 2011 interdisant la fracturation hydraulique. Un feuilleton juridique lancé en janvier par la compagnie américaine Schupebach dont deux permis miniers ont été recalés. La possible abrogation du texte mobilise le Medef et les industriels qui font le siège de Matignon et de l'Elysée pour obtenir un assouplissement de la loi.
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