C’est la clé d’un mea culpa aussi tardif qu’inédit. «Je suis sensible bien sûr à ce que pensent mes compatriotes», a livré Manuel Valls jeudi avant d’expliquer, à la surprise générale, qu’il allait rembourser une partie de la facture de son aller-retour à Berlin pour assister à la finale de la Ligue des champions samedi soir. Plus précisément la part concernant deux de ses fils, qui ont voyagé avec lui dans le Falcon officiel, ce qui avait achevé de transformer un voyage pas vraiment officiel en escapade personnelle. Et fait une nouvelle tache sur la République exemplaire que François Hollande s’échine à défendre depuis trois ans. «Je me dois d’incarner un comportement parfaitement rigoureux, a reconnu le Premier ministre à son arrivée à La Réunion où il est en déplacement jusqu’à samedi. Que les choses soient claires, si c’était à refaire, je ne le referais pas.»

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Mercredi, les vallsistes semblaient résignés à une baisse dans les sondages après ce premier accroc de taille dans le costume du «Premier ministre qui ne fait jamais d’erreur et ne cède jamais à la pression». «On va lâcher quelques points mais c’est pas si mal cet emballement, philosophait un proche du chef du gouvernement. Il faut resserrer la com mais surtout on a compris à quel point tout le monde voulait le voir trébucher. C’est comme un concours de saut d’obstacles : quand le mec qui survole toutes les compétitions frôle la barre, tout le monde en fait des caisses.» L’homme de l’opinion lâché par l’opinion? Valls ne pouvait pas prendre le risque plus longtemps et dit aux Français qu’il a entendu leur réprobation. Prendre ses compatriotes à témoin lui permet aussi de démontrer qu’il ne cède ni aux injonctions de la droite ni à la pression de son camp.

«No comment»

S’il reconnaît son erreur de jugement après cinq jours de polémique qui est allée aussi crescendo que son agacement, le Premier ministre n’enclenche la marche arrière qu’à moitié et sa nuit dans l’avion en direction de l’océan Indien a accouché d’une déclaration bancale. Il insiste à nouveau sur le fait que la présence de ses enfants dans un avion officiel «n’a pas coûté un euro» mais «pour lever toute ambiguïté, tout doute», il annonce quand même qu’il remboursera 2500 euros sur ce voyage estimé entre 15000 et 18000 euros. Cela permet de circonscrire l’incendie sur son versant familial mais toujours pas de justifier de façon convaincante sa présence à Berlin, en pur supporter du Barça. Sur ce point, il ne présente aucune excuse et reprend son explication officielle: il fallait discuter de l’Euro2016 avec le président de l’UEFA, Michel Platini.

Depuis dimanche, Elysée et membres du gouvernement s’en tiennent à un «no comment» embarrassé devant les caméras. Le sujet n’a pas été évoqué au petit-déjeuner de la majorité mardi matin ni au dîner à l’Elysée mardi soir.

Mais en privé, ils sont nombreux à accabler le Premier ministre, ce «meilleur d’entre nous» de gauche. Conscient du pouvoir dévastateur des images alors que les Français se débattent avec la crise, un ministre confie lui avoir recommandé ne pas faire «le Barça et Roland-Garros le même week-end». «La technique de Valls, quand il y a un problème, c’est une com au carré et vite. Là, il a ajouté des pièces au puzzle de jour en jour, ce n’est pas son genre et ça a amplifié la faute», estime un dirigeant de la majorité. Présent au congrès de Poitiers samedi, ce ténor a alerté en personne Matignon sur le buzz qui commençait à monter autour du Paris-Berlin de Manuel Valls. Entre les derniers arbitrages sur les mesures TPE, son discours devant les militants et la finale de son équipe de foot fétiche qui se profilait, «il avait beaucoup de choses extrêmement différentes dans la tête», sourit un dirigeant socialiste. Pour un de ses proches, «Manuel a peut-être répondu dans le désordre mais il a répondu sincèrement».