Harlem Désir, rue de Solférino, le 5 octobre 2012 (J.MARS/SIPA)
PARTI SOCIALISTE. 72% des voix. Pour un homme qui représentait au minimum 90% de l’appareil, on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un plébiscite. Mais le vote est clair et sans appel. Même si n’importe quel autre candidat ou candidate aurait fait plus ou moins le même score face à un unique adversaire minoritaire.
Harlem Désir a une part de responsabilité dans ce mauvais score qu’on aurait espérer plus proche d’un résultat soviétique. Sa première phase de campagne avait, dans un premier temps, les allures d’un combat de coqs. Une sorte de primaires sans idées, où Cambadélis et lui se renvoyaient de gentilles petites piques entre camarades.
Pas de quoi motiver un militant qui sortait de plus de 15 mois de campagne (primaires, présidentielles, législatives), gavé de propagande et de succès.
Un Harlem Désir fade et peu audacieux
Harlem Désir a multiplié les impairs, nerveux sans doute à l’idée de savoir qu’Aubry et Ayrault lui préféraient son rival. Mais il a été sauvé par un quatuor de ministres ambitieux et un président de la République qui avait sans doute un peu de rancune vis-à-vis de l’ancien lieutenant de DSK.
Car, à comparer, la tribune dans "Le Monde" de Cambadélis est supérieure idéologiquement et intellectuellement à celle que Désir a publié quelques jours après dans le même journal. Son texte était d’une fadeur effroyable.
De contradictions en manque de conviction, peinant à vouloir retrouver son charisme des années 1980, Harlem désir a semblé du début à la fin être un choix par défaut, pas dangereux, mais aucunement audacieux.
Bien sûr, tout n’est pas de sa faute. Le mode de nomination (plus proche du mode de sélection naturelle) l’a considérablement désavantagé. Il l’a souligné. En fait, ce congrès de transition n’avait aucune portée majeure d’un point de vue politique. Ses objectifs électoraux (municipales, européennes, régionales) ne seront pas jugés avant 18 mois à 3 ans.
Il a souffert indéniablement de cette apathie politique. Le vote sur les motions a même montré une certaine dépolitisation puisque la motion "people" conduite par Stéphane Hessel ("Indignez-vous qu’ils disaient") est arrivé 3e.
Un poste qui n'a pas beaucoup d'intérêt
Mais quand le PS est à tous les niveaux de pouvoir, Solférino n’a que peu d’intérêt, hormis préparer les échéances électorales et "gérer" la boutique et ses militants. De là à dire qu’il s’agit d’un Premier secrétaire fantoche, il ne faut pas abuser : de tous temps, les premiers secrétaires ont fait le lien entre la base et les élus/gouvernants. Ce n’est pas un rôle secondaire.
L’essentiel de la bataille est ailleurs que sur ce poste de premier secrétaire. La composition du bureau national et des instances fédérales, les chefs de section sont autant d’enjeux locaux qui dessineront la future carte du PS pour les élections à venir. Les futurs candidats aux élections territoriales seront souvent décidés à ce niveau. Les ambitions des Moscovici, Peillon, Valls, Montebourg et autres Hamon vont s’évaluer au nombre de postes. Le congrès de Toulouse n’a pas encore été joué.
D’ores et déjà, on sait que Benoît Hamon, avec son double jeu (toléré et même validé par un Hollande étonnamment conciliant), est le vrai vainqueur de ce congrès. A la manière de Cécile Duflot, il a ouvertement été solidaire du gouvernement (traité européen) et du parti (motion Aubry-Ayrault). Le tout en poussant ses pions contre le gouvernement (beaucoup de ses amis sont les 17 députés socialistes qui ont voté contre le traité européen) et contre la motion principale (jusqu’à présenter un opposant à Désir et consolider 30 postes au Bureau national).
Reste que ce subterfuge ne durera qu’un temps. Hamon devra obtenir des résultats à son ministère et avaler des couleuvres politiques qui risquent de le mettre rapidement en porte-à-faux avec l’obédience sociale-démocrate du Parti.
Indifférence des militants
Il ne faut donc pas s’étonner que cela n’intéresse ni les Français ni même les militants socialistes. La participation a été faible pour les deux votes internes (motions et premier secrétaire). Une poignée de militants s’est mobilisée.
De cette indifférence, on peut tirer une leçon pour l’avenir : Harlem Désir doit continuer le travail de rénovation du PS. Il a compris qu’il fallait davantage transformer le parti, plutôt que continuer simplement le "job" d’Aubry. Il veut modifier le mode de désignation, faire du PS un élément participatif et contributif aux débats… Et après ?
Sans une diversité sociologique des militants, sans casser le système archaïque de l’organisation pyramidale du parti, sans la possibilité de s’ouvrir au monde de l’entreprise, de s’ancrer dans les territoires délaissés, de conquérir des milliers de militants à qui on ne demande pas simplement d’écouter la parole dogmatique de chefs de courants ou de distribuer des tracts le samedi matin, le PS continuera à rester un gros club d’initiés où chacun se bouscule pour grimper d’un échelon. Est-ce que Désir sera capable de changer ça ?
Une désignation transparente
Heureusement, tout n’est pas noir dans cette molle désignation : au moins, le vote a été effectué démocratiquement, sans triche apparente et, en l’absence d’enjeux, sans couacs majeurs. Bref, circulez, y a rien à voir.
On comprend alors que les médias, qui n’aiment que le spectacle, préfèrent s’intéresser aux bugs gouvernementaux et à la campagne interne de l’UMP. C’est vrai que le match Fillon/Copé est bien plus drôle : petites phrases cultes, alliances entre carpes et lapins, propositions dignes d’un vide-grenier, course au label "plus sarkozyste que mois tu meurs" (et donc dénégation de sa propre identité et de sa propre idéologie).
Sans compter tous les mystères qui entoureront un vote soi-disant transparent dans un parti qui ne l’a jamais été. Pour la droite, la route est étroite, en pente et glissante.