• Les funérailles des dessinateurs de Charlie Hebdo

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      • Mis à jour <time datetime="2015-01-15T19:11:48+01:00" itemprop="dateModified">le 15/01/2015 à 19:11</time>
      • Publié <time datetime="2015-01-15T12:23:20+01:00" itemprop="datePublished"> le 15/01/2015 à 12:23   lien </time>

    EN IMAGES - Wolinski et Tignous, deux des dessinateurs du journal satirique ont été inhumés aujourd'hui au cimétière du Père Lachaise à Paris, tandis que les discrets obsèques de Cabu se sont déroulés mercredi en Champagne-Ardenne. Ceux de Charb et Honoré auront lieu vendredi.

     

    Huit jours après l'attaque qui a décimé sa rédaction, Charlie Hebdo, toujours très demandé en kiosques, a enterré jeudi ses dessinateurs Wolinski et Tignous, figures du journal, et trois autres victimes, tandis que François Hollande prononçait des paroles d'apaisement à l'adresse des musulmans de France.

    De nombreuses personnalités du monde culturel et politique, ainsi que des dizaines d'anonymes se sont rassemblés jeudi au cimetière du Père-Lachaise pour l'inhumation de Georges Wolinski, au lendemain des funérailles de son ami Cabu, le père du «beauf».

    Dessinateur mythique pour toute une génération, père du célèbre «Roi des cons», Wolinski avait été le pilier du journal «bête et méchant» Hara-Kiri dans les années 60, puis de Charlie Hebdo.

    L'un des derniers dessins de Wolinski, resté sur son plan de travail, était exposé dans la salle attenante au crématorium où son cercueil a été apporté au son du jazzman Miles Davis.

    La foule était aussi venue nombreuse à la cérémonie pour le dessinateur Tignous à la mairie de Montreuil, où ses amis ont recouvert de dessins son cercueil de bois clair, ainsi qu'aux obsèques de Franck Brinsolaro, le policier qui assurait la protection du dessinateur Charb, et de la psychiatre Elsa Cayat, chroniqueuse à Charlie Hebdo. L'économiste Bernard Maris devait également être inhumé dans la journée.

    «Un vide sidéral»

    Cabu, le père du «beauf», a été enterré mercredi à Châlons-en-Champagne, la ville où il naissait il y a bientôt 77 ans. Les funérailles du dessinateur se sont déroulées dans l'intimité, puisque «seulement» une soixantaine de proches se sont réunis pour lui dire adieu.

    Rapide, la cérémonie s'est déroulée en une demi-heure, rythmée par des airs de jazz, genre musical que Cabu affectionnait tant. Selon l'AFP, Philippe Val, l'ancien rédacteur en chef de Charlie Hebdo, mais aussi Jean-Luc Hees, l'ex-président de Radio France, ainsi que le dessinateur Luz se sont rendus un peu avant midi au cimetière de l'Ouest de Châlons-en-Champagne. Convoyés dans un bus escorté par des motards de la police, les proches avaient été précédés de quelques minutes par un fourgon funéraire.

    Une tente noire montée à l'entrée mettait à l'abri des regards la cérémonie discrète. Autour du caveau familial, une tente blanche avait été dressée pour accueillir les proches de ce véritable «pilier» de Charlie Hebdo et du Canard Enchaîné, dont une délégation était d'ailleurs également présente à l'enterrement.

    «Toutes les semaines depuis 30 ans, Cabu venait le mardi matin à l'atelier de composition. Il dessinait pour coller aux articles de l'édition. Hier, quand nous étions à l'atelier, personne n'a osé s'asseoir sur la chaise de Cabu. Sa mort représente pour le Canard un vide sidéral», a déclaré à l'AFP quelques heures avant la cérémonie, Louis-Marie Horeau, l'un des deux rédacteurs en chef du journal.

    À 76 ans, Jean Cabut, de son vrai nom, laisse derrière lui, après 60 ans de carrière, plus de 35.000 dessins, qui font de lui l'un des plus grands caricaturistes français. Ses caricatures de Mahomet, publiées en 2006, furent parmi les plus caustiques de celles qui avaient valu à l'équipe de Charlie des menaces de morts.

    Autre dessinateur de Charlie, les funerailles de Honoré se dérouleront vendredi au Père-Lachaise à 13h. Quant à l'ancien patron du journal, Charb, il sera inhumé vendredi à Bernay (Eure), indique l'AFP.


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  • "Charlie Hebdo" : quand auront lieu les obsèques de Charb, Cabu, Wolinski et des autres ?

    News publiée le 15/01/2015 à 08h45  lien

    Plus d'une semaine après l'attentat qui a coûté la vie à 12 personnes à Charlie Hebdo, la plupart des victimes seront, ou ont été, inhumées cette semaine.

    Un seul mot d'ordre : tourner la page. Après l'attentat meurtrier de la semaine dernière contre Charlie Hebdo, qui a fait 12 morts, dont de nombreux journalistes et caricaturistes, le journal "irresponsable", comme il se nomme lui-même, a fait son retour en kiosque hier. Un véritable raz-de-marée puisque l'hebdomadaire, tiré pour l'occasion à trois millions d'exemplaires, était déjà épuisé quelques heures seulement après sa mise en kiosque.

    Parallèlement, les obsèques de la plupart des victimes qui ont perdu la vie dans cet attentat se déroulent également cette semaine. Selon Le Parisien, Charb, dessinateur et directeur de la publication de Charlie Hebdo, sera enterré demain à Pontoise, dans le Val-d'Oise, en toute intimité. Autre figure emblématique de Charlie, le caricaturiste Cabu, a été inhumé hier en présence de ses proches dans sa ville natale de Châlons-en-Champagne, tandis que son collègue Tignous sera enterré aujourd'hui au cimetière de Père-Lachaise, à Paris, après un hommage qui se tiendra ce midi à l'hôtel de ville de Montreuil, en Seine-Saint-Denis. C'est aussi aujourd'hui que le dessinateur Wolinski sera inhumé au cimetière du Montparnasse après une cérémonie qui se déroulera peu avant midi au crématorium du Père-Lachaise. C'est également au Père-Lachaise que reposera le dessinateur Honoré, qui sera enterra demain à 13 heures.

    De son côté, Frédéric Boisseau, la première victime des frères Kouachi lorsqu'ils ont envahi le siège de Charlie Hebdo, sera enterrée mardi prochain au cimetière de Villiers-sous-Grez, Seine-et-Marne. Quant à Franck Brinsolaro, le garde du corps de Charb, il est inhumé aujourd'hui en fin de matinée à Bernay, dans l'Eure. Le correcteur de Charlie Hebdo Mustapha Ourrad doit, lui aussi, être enterré aujourd'hui, dans son village natal d'Ath Larva, en Algérie, tout comme Elsa Cayat, la psychiatre chroniqueuse du journal, qui sera enterrée dans le carré juif du cimetière de Montparnasse ce midi.


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  • L'écrivain et journaliste Jacques Chancel est mort

    Le Monde.fr | <time datetime="2014-12-23T10:05:16+01:00" itemprop="datePublished">23.12.2014 à 10h05</time> • Mis à jour le <time datetime="2014-12-23T11:05:28+01:00" itemprop="dateModified">23.12.2014 à 11h05</time> | Par

     

     

    <figure class="illustration_haut " style="width: 534px"> Jacques Chancel, en octobre 2011. </figure>

     

     

    Journaliste et écrivain, grande figure de l'audiovisuel, Jacques Chancel – de son vrai nom Joseph Crampes – est mort le 23 décembre, à Paris, à l'âge de 86 ans. Porté par une insatiable curiosité et doté d'un sens de l'écoute peu commun, il était devenu, au fil de ses deux émissions phares – « Radioscopie » sur France Inter et « Le Grand Echiquier » sur Antenne 2 –, le confident le plus célèbre de la radio et de la télévision, où il accueillit des milliers de personnalités des arts et de la politique pour des entretiens dont la somme constitue un pan de notre mémoire collective.

    Jacques Chancel « coachait » encore, à 80 ans passés, les jeunes présentateurs d'i-Télé, auxquels il enseignait l'art et la manière de « savoir raconter une histoire ». La sienne avait débuté à Ayzac-Ost (Hautes-Pyrénées), où il naquit le 2 juillet 1928. Tout au moins selon ses papiers d'identité, sur lesquels il aurait obtenu, grâce à son instituteur, d'être vieilli de trois ans alors qu'il était adolescent afin de partir en Indochine. Un exil de huit années qui ne lui avait pas fait oublier sa Bigorre natale, à laquelle il resta fidèle jusqu'à la fin de sa vie.

    Ses parents étaient issus de deux de ses vallées : son père, artisan escaliériste, et sa mère, qui l'a tant choyé et couvé ; « trop », jugeait-il a posteriori. Enfant, la lecture lui donna « le goût de l'errance ». Il y ajouta une envie : celle de « ne pas arriver ». « Si on achève quelque chose, c'est qu'on prétend être au bout de la course. L'achevé, c'est la mort », confiait-il en 2010 à l'écrivain Florian Zeller dans un documentaire de la collection « Empreintes » (France 5) retraçant son parcours.

    LES ANNÉES INDOCHINOISES

    Parce que l'un de ses oncles vivait en Indochine, c'est là-bas, dans un pays en guerre, que débarqua le jeune Joseph Crampes, 17 ans, au terme d'un voyage de cinquante-deux jours en bateau qui le conduisit de Sète à Saïgon. Pour travailler à Radio France Asie (et Paris Match) comme correspondant de guerre, il prit le pseudonyme de « Jacques Chancel ». Le jeune homme fit la connaissance du Tout-Saïgon, des salons mondains aux coupe-gorge, des fumeries d'opium aux cercles sportifs, cette société coloniale à la fois huppée et interlope dont il fit très tardivement la peinture dans La nuit attendra, un livre de souvenirs sur cette période paru en 2013 chez Flammarion.

    Pendant plusieurs années, il anima deux émissions quotidiennes, ainsi qu'un autre programme, pour lequel il recevait des vedettes de l'étranger dans un grand cinéma de Saïgon, sorte de préfiguration – bien avant l'heure – du « Grand Echiquier ». A la même époque il se lia avec ses confrères correspondants, comme le célèbre Lucien Bodard, ainsi qu'avec Pierre Schoendœrffer, alors cinéaste aux armées et qu'il ne parvint pas à dissuader de se faire parachuter sur Diên Biên Phu alors que la bataille, de même que la guerre, était déjà perdue.

    Gardant pour lui la violence de ces années de conflit dans le Sud-Est asiatique, Jacques Chancel en revint, à la fin des années 1950, avec l'impression d'avoir déjà tout appris. Dans son journal qu'il tint quotidiennement depuis l'âge de 15 ans – et qu'il publia beaucoup plus tard –, il écrivait : « J'ai tout connu, tout vécu, tout souffert. Aujourd'hui, avec un peu de suffisance, je me dis que mon existence est finie : j'ai 24 ans. »

    L'épisode le plus marquant de ces années indochinoises, survenu en 1952, il ne le révéla que soixante et un ans plus tard, dans La nuit attendra, ainsi intitulé parce qu'il avait cru définitivement perdre la vue. Accompagnant comme correspondant de guerre des troupes de la Légion étrangère, le jeune journaliste se trouvait avec des officiers à bord d'une Jeep qui franchissait un pont lorsque le véhicule sauta sur une mine. Grièvement blessé, il se réveilla à l'hôpital après plusieurs jours de coma. Aveugle. Il lui fallut près d'un an pour, très lentement, sortir de cette « nuit » et recouvrer la vue. Les soldats qui étaient avec lui sont tous morts. « J'ai toujours été handicapé par cette mémoire, j'avais comme une honte et je ne pouvais pas en parler, c'est pour cela que j'ai attendu si longtemps pour le faire », expliqua-t-il en 2013 lors de la parution de son livre.

    « RADIOSCOPIE » ET « LE GRAND ÉCHIQUIER »

    S'il conserva sa vie durant le sentiment d'avoir été « vieux trop tôt », sa passion pour le journalisme et la radio, sa volonté farouche d'être une « courroie de transmission » étaient pourtant intactes lorsqu'il revint en métropole. Tourné vers l'action comme le lui conseillait son père – « tu seras ce que tu fais », lui disait-il –, il entame une nouvelle vie.

    Après quelques années passées dans la presse écrite, notamment à Paris jour et à Télé magazine, il retrouva Radio France, où il entra grâce à Roland Dhordain. L'aventure de « Radioscopie » démarra en octobre 1968. Sur France Inter du lundi au vendredi, de 17 heures à 18 heures, Jacques Chancel recevait des invités. Des anonymes au tout début, puis, très vite, des personnalités. Un indicatif (La Grande Valse, de Georges Delerue), suivi d'un mot, « Radioscopie », prononcé d'une voix chaude, s'installent dans les foyers. En vingt ans et quelque 6 826 émissions, ce sont plusieurs générations d'auditeurs qui ont ainsi été bercées au son d'une écoute attentive, curieuse et bienveillante.

    Aux côtés de Marcel Jullian, il participa à la création d'Antenne 2, en 1975. Il y poursuivit une autre aventure, télévisuelle celle-là, lancée trois ans plus tôt sur la deuxième chaîne de l'ORTF. « Le Grand Echiquier », à l'instar d'« Apostrophes », ou des « Dossiers de l'écran », allait devenir l'une des émissions phares d'Antenne 2. Trois heures d'antenne, des décors soignés et personnalisés dans le studio 15 des buttes Chaumont, des invités prestigieux (Brel, Brassens, Montand, Ferrat, Ventura, etc.) installèrent ce rendez-vous hebdomadaire jusqu'au dernier numéro du 7 décembre 1989, organisé autour du chanteur d'opéra Ruggero Raimondi.

    DIRECTEUR DE FRANCE 3

    Connu du grand public pour sa présence sur les ondes et les antennes, Jacques Chancel affermit également son influence sur le versant institutionnel de l'audiovisuel. En 1989, il arrêta ainsi ses émissions pour devenir 6 France Télévision, puis de l'antenne, de France 3. Lorsqu'il quitta France Télévisions à la fin des années 1990, après avoir effectué toute sa carrière sur le service public, ce proche de Nicolas Sarkozy était encore « rattrapé » – selon son mot – par le président de Canal+, Bertrand Méheut, qui le nomma conseiller. C'est dans ce cadre qu'il enseignait encore le métier, il y a peu, aux jeunes recrues d'i-Télé.

    Avec Jacques Chancel disparaît une mémoire de l'audiovisuel et de la culture dite « populaire ». « Aimer et faire aimer » – si possible au plus grand nombre – était son credo. Par tous les moyens et médias existants, radio, télévision et livres (il est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages), Jacques Chancel a toujours voulu transmettre le fruit de ses rencontres. « Ma chance, disait-il à Florian Zeller, aura été d'avoir une bonne relation avec l'autre. Ça me paraît plus important que d'avoir une bonne relation avec soi-même. »


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  • Mort de Maurice Duverger, le « pape »

    de la science politique française

    LE MONDE | <time datetime="2014-12-22T14:05:34+01:00" itemprop="datePublished">22.12.2014 à 14h05</time> • Mis à jour le <time datetime="2014-12-22T16:09:57+01:00" itemprop="dateModified">22.12.2014 à 16h09</time> | Par

    <figure class="illustration_haut " style="width: 534px">  </figure>

    Pour toute une génération de lecteurs du Monde et d’étudiants en droit ou à Sciences Po, Maurice Duverger fut une référence, une « signature » qui les poussait à la réflexion et les éveilla à la politique. Maurice Duverger est mort le dans la nuit du mardi 16 au mercredi 17 décembre, à l’âge de 97 ans. Chroniqueur durant un demi-siècle au journal fondé par Hubert Beuve-Méry, il fut surtout le « pape » de la science politique française à laquelle il donna, dans les années 1950, ses lettres de noblesse.

    Il devait ce magistère à une grande clarté d’esprit, alliée à une curiosité intellectuelle qui le poussait à aborder tous les sujets ou presque. Son influence était grande et suscitait une légitime curiosité.

    Périodiquement, Maurice Duverger était sommé de s’expliquer sur ses engagements politiques d’avant-guerre et ses écrits de jeunesse sous l’Occupation. L’article qui lui a été le plus reproché figure dans les numéros de juin et décembre 1941 de la Revue de droit public et de la science politique. Intitulée « La situation des fonctionnaires depuis la révolution de 1940 », cette étude en deux parties porte sur les lois de Vichy qui excluent les juifs et les femmes mariées de la fonction publique. Cet article, répétait Maurice Duverger lorsqu’on lui en faisait grief, se voulait purement scientifique, c’est-à-dire descriptif et neutre. Selon l’usage, l’auteur n’avait pas à juger du bien-fondé de ces mesures.

    Lire aussi : Duverger, un jeune juriste sous l’Occupation

    Il était né le 5 juin 1917 à Angoulême dans une famille bourgeoise par sa mère, modeste par son père, qui fut représentant en papeterie. Les Duverger vivent à Bordeaux. Maurice est élève au collège catholique Grand-Lebrun, où l’a précédé François Mauriac. La politique l’attire déjà. Fin 1933, il adhère à l’Union populaire républicaine, dont la figure de proue est un jeune professeur de l’enseignement libre en Gironde, Philippe Henriot, le futur ministre de la propagande de Vichy.

    En décembre 1936, Maurice Duverger rompt avec Henriot dont l’art oratoire, dira-t-il plus tard, le fascinait, pour rejoindre le Parti populaire français de Jacques Doriot. Le Parti populaire français (PPF) n’est pas encore le mouvement fasciste qu’il deviendra. Mais c’est déjà une formation populiste, antiparlementaire, où les antisémites donnent de la voix. Maurice Duverger est promu secrétaire de la Fédération du Sud-Ouest des jeunes doriotistes, l’Union populaire de la jeunesse française. « Tout cela, écrira-t-il dans un livre de souvenirs, était idéaliste et irréaliste. J’avais vingt ans » (L’Autre côté des choses, Albin Michel, 1977).

    A partir de 1938, ayant quitté le PPF parce « qu’il a dévié vers la droite », Maurice Duverger se consacre à sa formation de juriste. Il a choisi cette voie un peu par hasard : « Quand on ne sait pas [où aller] en sortant du bac, on finit à la faculté de droit. » En 1942, il est reçu à l’agrégation de droit public après avoir soutenu sa thèse sur L’Affectation des immeubles domaniaux aux services publics. Professeur de droit à Poitiers (1942-1943), puis à Bordeaux (1943-1955), il est nommé dans la capitale en 1955 où il enseignera jusqu’à l’âge de la retraite, en 1985, à la faculté de droit puis à l’université Paris-I, en même temps qu’à l’Institut d’études politiques (IEP) de la rue Saint-Guillaume.

    Aux côtés de Beuve-Méry

    En 1946, alors qu’il vient de créer l’IEP de Bordeaux, il publie ses premiers « papiers » dans Le Monde. Il a été recommandé à Hubert Beuve-Méry par un proche de celui-ci, le Père dominicain Jean Maydieu. Le fondateur du Monde et Maurice Duverger nouent des relations étroites. Elles conduisent le second à s’engager fermement aux côtés du premier lors de la crise que traverse le journal en 1951.

    Hubert Beuve-Méry a donné sa démission de patron du Monde le 27 juillet de cette année-là, fatigué qu’il est des pressions exercées sur la ligne éditoriale du journal par les deux autres membres du comité de direction, René Courtin et Christian Funck-Brentano. Ceux-ci reprochent au directeur et gérant du Monde l’orientation « neutraliste et démoralisante » du quotidien. En un mot de n’être ni assez atlantiste – on est en pleine guerre froide – ni suffisamment souple à l’égard du pouvoir et de l’argent.

    Maurice Duverger organise la contre-offensive juridique et sollicite la médiation de Jean Monnet, l’un des « pères » de l’Europe. Finalement, fort du soutien des journalistes et des lecteurs du Monde, « Beuve » est rétabli dans ses fonctions, son autorité renforcée. Une nouvelle entité voit le jour, la Société des rédacteurs, qui détient 28 % de la SARL Le Monde.
    Maurice Duverger, même s’il collabore aussi à Sud-Ouest, à L’Express et au Nouvel Observateur, est l’une des grandes signatures du Monde. Huit cents articles entre 1946 et 1994, souvent publiés à la « une » du quotidien, sur les sujets les plus variés : les institutions de la Ve République, l’évolution des régimes communistes, les relations transatlantiques, l’avenir de l’
    enseignement supérieur… Il n’y a guère que l’univers de l’entreprise pour échapper à la sagacité du « professeur au journal Le Monde », le titre qui résume le mieux le ton et la portée de ses « papiers ».

    Au centre gauche

    Ses prises de position marquées au centre gauche, d’un socialisme critique, suscitent les répliques d’innombrables contradicteurs, surtout parmi les gaullistes et les communistes. Il ne dédaigne pas non plus croiser le fer avec ses collègues de l’université, tel Georges Vedel, l’autre grand constitutionnaliste du moment. Ou avec le philosophe Raymond Aron. Celui-ci lui reproche la cécité dont il fait preuve, à l’occasion, à l’égard de l’URSS. Maurice Duverger : « Le parti unique russe apparaît comme un organisme vivant, dont les cellules se renouvellent perpétuellement. La crainte de purges maintient les militants en haleine, réveille constamment leur zèle. »

    Le « professeur au journal Le Monde » est un journaliste écouté. C’est d’abord un universitaire éminent qui a promu la science politique au rang de discipline à part entière en lui donnant son autonomie par rapport à sa matrice, le droit public.

    Dès le début de sa carrière universitaire, Maurice Duverger s’est intéressé aux partis politiques et aux systèmes électoraux sous un angle comparatif, une démarche originale pour l’époque. En 1951, il publie chez Armand Colin son œuvre majeure, Les Partis politiques, qui sera rééditée neuf fois et traduite en neuf langues.

    Tirées de cet ouvrage, les «Lois de Duverger» deviennent fameuses. Aucun étudiant en science politique, en France et à l’étranger, n’est censé les ignorer : « Le scrutin majoritaire à un seul tour tend au dualisme des partis. » Ainsi en Grande-Bretagne. « Le scrutin majoritaire à deux tours ou la représentation proportionnelle tendent au multipartisme. » Ainsi en France et en Italie. Facilement mémorisables, d’où leur popularité, ces thèses ont été réfutées depuis. Les réalités sociales auraient davantage d’influence sur l’éventail des partis politiques que le mode de scrutin, disent aujourd’hui les politologues.

    On doit aussi à Maurice Duverger le concept de « régime semi-présidentiel », celui de la VRépublique, autre pont aux ânes de la science politique contemporaine. Il donnait corps à ces lois et concepts dans d’innombrables manuels (il en a signé une dizaine), publiés dans la collection «Thémis» qu’il avait fondée et longtemps dirigée aux Presses universitaires de France. Destinée aux étudiants en droit et en science politique, «Thémis» compte parmi ses best-sellers l’ouvrage probablement le plus lu de Maurice Duverger, Institutions politiques et droit constitutionnel.

    Un mandarin atypique

    Pédagogue aux PUF, Maurice Duverger se voulait aussi essayiste. Il est l’auteur de nombreux livres de réflexion parmi lesquels : Introduction à la politique (Gallimard, 1964), La Démocratie sans le peuple (Le Seuil, 1967), Janus : les deux faces de l’Occident (Fayard, 1972), La Monarchie républicaine (Fayard, 1974), Les Orangers du lac Balaton (Seuil, 1980), Le Lièvre libéral et la tortue européenne (Albin Michel, 1990)…

    La polyvalence de Maurice Duverger, plutôt rare à son époque – universitaire, journaliste, éditeur –, en faisait un mandarin atypique. En juin 1989, à la veille de la chute du mur de Berlin, il avait ajouté une nouvelle corde à son arc : l’action politique. Il s’était fait élire député européen sur une liste du Parti communiste italien et s’en était justifié en ces termes : «Parce que l’orientation [de ce parti] conduit à son intégration pleine et entière dans la démocratie, les cyprès dont il entoure les tombeaux de la place Rouge pourraient devenir aussi vivaces que ceux de la voie Appienne auprès des mausolées qui la bordent. »


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  • Belgique : décès de l'ancienne reine Fabiola

    à l'âge de 86 ans

    L'ancienne reine des Belges Fabiola, veuve du roi Baudouin,

    est décédée à Bruxelles à l'âge de 86 ans.lien

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    La reine Fabiola
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    Crédit : ERIC LALMAND / BELGA / AFP
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    L'ancienne reine des Belges Fabiola, veuve du roi Baudouin, est décédée vendredi 5 décembre à Bruxelles à l'âge de 86 ans,  a annoncé le Palais royal.

    "Leurs Majestés le Roi et la Reine et les Membres de la Famille Royale annoncent avec une très grande tristesse le décès de Sa Majesté la Reine Fabiola, survenu ce soir au Château du Stuyvenberg à Bruxelles", a indiqué le Palais dans un communiqué.

    Née Dona Fabiola de Mora y Aragon le 11 juin 1928 à Madrid, dans une famille de la noblesse espagnole, elle avait épousé Baudouin en décembre 1960. La cinquième reine des Belges s'était faite discrète depuis le décès brutal du souverain Baudouin en 1993, restant dans l'ombre du roi Albert et de son épouse, la reine Paola.

    En juillet 2013, elle avait assisté à la passation de pouvoir entre son beau-frère, le roi Albert II, qui avait succédé à Baudouin, et son neveu Philippe, dont elle était proche.


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