• Tawakul Karman, le Nobel du "printemps arabe"

    Portrait | LEMONDE | 08.10.11 | 14h05   •  Mis à jour le 08.10.11 | 18h

    Féministe et islamiste, cette jeune Yéménite de 32 ans est une icône de la lutte contre le régime du président Saleh.

    Féministe et islamiste, cette jeune Yéménite de 32 ans est une icône de la lutte contre le régime du président Saleh.AP/Hani Mohammed

    Sanaa Envoyé spécial - La colauréate du prix Nobel de la paix a 32 ans et vit sous une tente, entourée de dizaines de milliers de révolutionnaires. Il était midi ce vendredi 7 octobre. Alors qu'elle goûtait un moment de repos en compagnie de son mari, Tawakul Karman a appris par un appel téléphonique qu'elle était la lauréate du prestigieux prix décerné par le comité suédois. "Mais je ne savais pas même que j'étais candidate !", s'étonne la militante féministe, alors qu'une meute de caméras et d'appareils photographiques tente de capturer le visage de la figure de proue du mouvement révolutionnaire qui agite le Yémen depuis huit mois.

     

    C'est Abdallah Ghorab, son ami, le correspondant de la BBC maintes fois menacé et pris à partie par des fidèles du régime, qui lui a transmis la nouvelle. "Elle a d'abord cru recevoir un prix attribué par un journal américain", précise le journaliste. Il était midi, et les protestataires, comme chaque vendredi, se préparaient à célébrer la grande prière sur la Siteen, l'artère qui jouxte le foyer de la révolution, à Sanaa. D'un coup, la nouvelle s'est propagée à l'ensemble de la place du Changement.

    "AIDER LA RÉVOLUTION"

    ,"Tu le mérites !", répètent des dizaines de manifestants qui tentent d'approcher au plus près la lauréate. Pour Muhib, âgé de 20 ans, "ce prix peut aider la révolution", "une révolution dont elle est le coeur même", complète Mizar.

    Au propre comme au figuré. Place du Changement, sa tente, élégamment agencée et connectée high tech, fait office de lieu de repos et de travail. Son mari, posté dans le vestibule, filtre les demandes d'entretien et les multiples sollicitations. Tawakul répond en même temps à deux entretiens téléphoniques, elle alterne avec fluidité les réponses en langue arabe et anglaise, cherchant, de temps à autre, un mot : "Comment dit-on déjà victoire en anglais ?" Son message est simple. "C'est une victoire pour la femme yéménite, pour la révolution et son pacifisme. Ce prix nous rend tous plus forts ", avant de dédier son Nobel à "tous les révolutionnaires du monde arabe et à toutes les femmes du monde arabe". "Mais ce prix a aussi valeur d'avertissement à tous les dictateurs", complète-t-elle. "Ils devront maintenant réfléchir à deux fois avant de tuer."

    Depuis plusieurs années déjà, l'activiste, membre du parti islamiste Al-Islah, l'une des principales forces de l'opposition, dénonce les injustices qui frappent son pays. Bien avant la naissance du mouvement révolutionnaire au Yémen, en février, elle en appelait à de profonds changements, politiques et sociaux. Ses prises de position en ont fait une opposante déclarée au président Ali Abdallah Saleh. Le rôle central qu'elle tient dans cette agitation qui a gagné tout le pays en a fait une cible. Tawakul Karman est régulièrement insultée par les médias officiels et l'objet de menaces, mais elle est convaincue que les affiliés du pouvoir ne tarderont plus à "rejoindre la révolution, car ils savent que notre combat est honnête". Face aux difficultés, la féministe a tenu bon, persuadée de l'impossibilité d'un retour en arrière et de l'imminence de la victoire.

    Mais son activisme sans limite ne lui a pas attiré que des sympathies dans le camp même du changement. Partisane des manifestations à travers tout le territoire, plus que du dialogue avec le régime, beaucoup ont pu lui reprocher d'envoyer aveuglément les manifestants essuyer les dangers bien réels de la répression. D'autres, tout en saluant son courage, ont pu considérer sa démarche comme trop personnelle, portée par des ambitions incompatibles avec une action collective. Mais au final, place du Changement, ce vendredi, c'est l'unanimité qui prime.

    A l'occasion d'un entretien accordé au Monde, en avril, elle insistait sur la place des femmes dans ce mouvement. "Au tout début des mobilisations, nous étions trois ou quatre femmes, maintenant nous sommes des milliers. Sans les femmes cette révolution n'aurait pas de sens, elles sont devenues un réel partenaire pour libérer ce pays de l'injustice. Le régime a consacré l'image d'une femme figée dans la tradition, nous dépoussiérons tout cela."

    Icône de la mobilisation féminine au Yémen, pays réputé conservateur et traditionnel, Tawakul, comme l'appellent avec respect les révolutionnaires, a intégré le Conseil national de la révolution au mois d'août. La militante reste entièrement mobilisée par le succès d'une révolution pacifique qu'elle veut avant tout civile et sociale. Au monde arabe, aujourd'hui, elle dit "gardez vos rêves et poursuivez vos combats pour la dignité ! " ; à l'Occident, "cette révolution vous montre la réalité des musulmans et des peuples". Tout à la réflexion d'une nouvelle Constitution, qu'elle promet d'un très haut standard concernant l'égalité et les droits de l'homme, Tawakul Karman est réticente à entrer dans les détails d'une réforme religieuse qu'elle appellera de ses voeux, mais une fois le régime tombé.

    Place du Changement, l'annonce du prix Nobel de la paix a transformé un vendredi de plus contre le régime en une journée d'exception.

    François-Xavier Trégan Article paru dans l'édition du 09.10.11
     

    Entretien Yémen : "le président Saleh prépare la guerre"


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  • Leymah Gbowee : C'est un Nobel pour les femmes africaines


    NEW YORK - La Libérienne Leymah Gbowee a estimé vendredi que le prix Nobel de la paix qu'elle partage avec deux autres lauréates était pour les femmes africaines, et s'est réjouie de ce qu'il reconnaisse le rôle crucial des femmes pour promouvoir la paix dans le monde.

    Dans un entretien téléphonique avec l'AFP alors qu'elle arrivait à New York pour y présenter un livre, Mme Gbowee, 39 ans, a estimé que c'était un un Nobel pour les femmes africaines. C'est pour les femmes en général, mais particulièrement pour les femmes en Afrique, a-t-elle expliqué, ravie de ce Nobel qu'elle partage avec sa concitoyenne la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf et la journaliste yéménite Tawakkol Karman.

    A 39 ans, cette mère de six enfants a jugé que le prix était une reconnaissance que les femmes ont maintenant leur mot à dire. Plus personne ne pourra plus minimiser notre rôle désormais. Je pense que le monde a reconnu le rôle, l'intelligence et la contribution des femmes, a ajouté celle qui a été surnommée la guerrière de la paix pour avoir été à l'origine d'un mouvement pacifique féminin qui a contribué à mettre fin à la deuxième guerre civile au Liberia en 2003.

    Ce Nobel renforce notre message selon lequel le rôle des femmes pour promouvoir la paix et la sécurité dans le monde est crucial, a-t-elle ajouté un peu plus tard dans la journée, dans une église de Harlem, à New York, où elle a été chaleureusement applaudie.

    Elle y a parlé de sa foi, de son parcours, et estimé qu'elle n'avait rien fait d'extraordinaire.

    Jamais la violence n'a réglé quoi que ce soit, a-t-elle insisté.

    Elle a souligné que le Nobel récompensait trois femmes qui avaient utilisé des moyens non violents en vue de résoudre un conflit.

    Plus tôt dans la journée, Mme Gbowee s'était adressée à des étudiants de l'université de Columbia, leur racontant son parcours, ses années de guerre, sa colère et comment elle avait toujours été déterminée à raconter sa vérité.

    Interrogée sur le mouvement Occupons Wall Street , elle a recommandé à ceux qui l'ont lancé de se donner des objectifs et de s'y tenir.

    L'accession au pouvoir de la présidente Ellen Johnson Sirleaf qui brigue un nouveau mandat la semaine prochaine, a été favorisée par le travail sur le terrain de Leymah Gbowee, et celle-ci a affirmé vendredi qu'elle avait beaucoup de respect pour Mme Sirleaf.

    Lors d'une journée new-yorkaise où elle a enchaîné les interventions, Mme Gbowee a également invité chacun à être facteur de paix dans sa communauté. N'attendez pas un Mandela, n'attendez pas un Gandhi, n'attendez pas un Martin Luther King, mais soyez votre propre Mandela, votre propre Gandhi, votre propre Martin Luther King.

    Vous connaissez vos problèmes, vos motifs d'inquiétudes, vos priorités et vous êtes les mieux placés pour travailler à votre propre paix parce que personne ne le fera mieux que vous, a-t-elle ajouté.

    Pour la lauréate, son prix est aussi un hommage à Wangari Maathai, la première femme Africaine couronnée en 2004. Cette militante écologiste kényane, décédée fin septembre, menait un combat contre la déforestation.

    Leymah Gbowee a mobilisé et organisé les femmes au-delà des lignes de division ethniques et religieuses pour mettre fin à une longue guerre au Liberia et assurer la participation des femmes aux élections, a noté le président du comité Nobel norvégien, Thorbjoern Jagland.

    Lancée en 2002, l'initiative originale de cette travailleuse sociale voit les femmes se refuser aux hommes tant que les hostilités se poursuivent, ce qui oblige le président Charles Taylor (1997-2003) à les associer aux négociations de paix peu avant sa chute.


    (©AFP / 08 octobre 2011 01h23)


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  • Jeudi, 06 Octobre 2011 14:40

    Le Nobel de littérature va au suédois Tomas Transtromer

    Écrit par  Hélène
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    Jeudi 6 octobre. C'est au suédois, Tomas Tranströmer, 80 ans, qu'a été décerné le prix Nobel de littérature. Il est le poète contemporain suédois le plus renommé et le plus traduit. Dans son oeuvre, il explore la relation entre notre intimité et le monde qui nous entoure.
    L'académie suédoise a récompensé le poète suédois Tomas Tranströmer "car, par des images denses, limpides, il nous donne un nouvel accès au réel." Elle ajoute que "la plupart des recueils de poésie de Tranströmer sont empreints d'économie, d'une qualité concrète et de métaphores expressives...Dans ses derniers recueils....Tranströmer tend à un format encore moindre et à un degré encore plus grand de concentration."

    Ses poèmes sont riches en métaphores et en images. Ils illustrent des scènes simples tirées de la vie de tous les jours et de la nature, le magazine Publishers Weekly décrit son style introspectif comme "mystique, versatile et triste." Il publie, à l'âge de 23 ans, alors qu'il est toujours étudiant en psychologie, son premier recueil intitulé "17 poèmes", chez le plus grand éditeur suédois, Bonniers, avec lequel il restera lié tout au long de sa carrière. En cinquante ans d'écriture, il a rédigé une quinzaine de recueils.

    Tomas Tranströmer a reçu de nombreux prix à travers le monde. En 1966, il reçoit le prestigieux prix Bellman, le prix Pétrarque (Allemagne) en 1981 et le Neustadt International Prize (Etats-Unis) en 1990.

    Sa première oeuvre publiée six ans après son attaque d'apoplexie, qui le laisse partiellement paralysé et aphasique, est un recueil intitulé "La Gondole chagrin", qui s'est écoulé à 30.000 exemplaires, chiffre très honorable en matière de poésie.

    Sa dernière publication remonte à 2004 avec la parution d'un recueil de 45 haïkus: "La grande énigme", publiée en France par le Castor Astral.

    Il vit aujourd'hui sur une île, à l'écart du monde et des médias, avec sa femme Monica et ses deux filles. Il succède au péruvien Mario Vargas Llosa.

    La semaine des Nobels a décerné la médecine le lundi 3 octobre, la physique mardi 4 octobre, la chimie mercredi 5. Le Nobel de la paix sera connu vendredi 7. Le prix d'économie sera révélé le lundi 10 octobre.


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  • Elisabeth Badinter, une féministe à contre-courant

    Chloé Demoulin - Marianne | Lundi 1 Août 2011 à 12:01

    Le 6 juillet dernier sur France Inter, Elisabeth Badinter dénonçait la façon dont certaines féministes avaient piétiné la présomption d’innocence et s’étaient servi sans scrupule de l’affaire DSK. Le magazine américain The New Yorker a dressé le portrait de celle qu’un sondage - publié par Marianne il y a un an - avait désigné comme « l’intellectuelle la plus influente » auprès des français.



    Ce ne sont pas moins de dix pages que le New Yorker a consacré à Elisabeth Badinter dans son édition daté du 25 juillet. Dix pages pour élucider le mystère Badinter : sa vie, son œuvre, ses combats. Non pas pour parler de « la fille de » son père qui était Marcel Bleustein-Blanchet, le publicitaire connu pour avoir créé Publicis. Non plus pour parler de « la femme de » Robert Badinter, ancien Garde des Sceaux de François Mitterrand qui a abolit la peine de mort. Mais bien essayer de comprendre comment cette intellectuelle férue du XVIIIe siècle – plongée en permanence dans des archives poussiéreuses - parvient à imposer des points de vue féministes qui font autorité (interdiction de la burqa), polémique (refus de la Parité) et captent l’attention des médias (défense de la crèche baby loup, soutien à Charlie Hebdo dans le « procès des caricatures »). Et tous cela, depuis le salon cossu de son appartement situé près du jardin du Luxembourg.

    (The New Yorker - 25/07/11)

    (The New Yorker - 25/07/11)
    Dans un sondage CSA paru dans Marianne en aout 2010, 24% des Français confiaient avoir modifié leur façon de penser après avoir pris connaissance des positions de la philosophe. Ce qui faisait d’elle l’intellectuelle la plus influente du pays devant Jacques Attali et Luc Ferry.

    C'est peut-être parce qu'Elisabeth Badinter cultive irrémédiablement sa propre voix. Comme le 6 juillet dernier sur France Inter, quand après avoir gardé le silence sur l’arrestation de DSK, elle s’emporte contre la manière « obscène » dont « des féministes » se sont servi « d’une possible injustice pour faire avancer » leur propre cause. Elle en profite même pour tacler au passage les féministes américaines qui n’ont aucune « leçon de morale » à donner aux françaises.

    Une féministe qui « n'a pas souffert »

    Ce qui la différencie des autres féministes ? A cette question, Elisabeth Badinter répond que c’est le fait qu’elle n’éprouve pas de ressentiment envers les hommes et sans doute qu’elle n’a « pas souffert », qu’elle est une privilégiée. Pour autant, elle ne pense pas que ce soit un handicap pour mener le combat du féminisme. Bien au contraire, elle prétend que « les classes privilégiées sont souvent les moins tolérantes vis-à-vis des inégalités ».

    Ce qui est sûr, c’est que pour chacun de ses livres (« L’amour en Plus », « Fausse route » et « Le Conflit »), Elisabeth Badinter, connu pour s'être opposée de façon virulente à la Parité - qu'elle considère comme une discrimination inversée, bénéficie d’une bonne couverture dans la presse. Mais « il n’y a pas vraiment d’interlocuteur de poids pour lui répondre », avoue au New Yorker Sylvie Kauffmann - directrice de la rédaction du Monde. Elle suscite certes la polémique dans les milieux féministes mais sa parole fait autorité.

    Tenante d'un féminisme républicain et laïque, elle lutte contre les fondamentalistes qui croient à une « Nature » féminine innée ou pensent qu’on est « passé à côté de l’expérience de la maternité si on a pas souffert ». Elle est persuadée que les jeunes femmes françaises sont entrain de « saper les combats féministes durement gagnés par leurs aînées ». Alors elle pointe du doigt les pro-allaitement comme Edwige Antier, les écolos qui sont contre les couches-culottes jetables   et les autorités médicales ou religieuses qui véhiculent un discours ambiant de culpabilité envers les femmes. Des prises de position qui ne font souvent que renforcer sa posture d'esprit libre, et assoir sa popularité auprès des Français.   

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  • Jerry Leiber est décédé

    L’auteur de Stand By Me nous a quittés
     
     
     

     

    A l’âge de 78 ans, l’auteur de Jerry Leiber est décédé. Il laisse derrière lui quelques uns des plus grands titres interprétés notamment par Elvis.

    Un dernier rock’n’roll pour la route. Cette musique, Jerry Leiber l’aura façonnée, composée et offerte aux plus grands. Lundi 22 août, l’auteur de génie s’est éteint au Cedars-Sinai de Los Angeles sur une dernière note de musique. A 78 ans et après des années de lutte contre la maladie, il aura finalement succombé à une déficience cardio-pulmonaire.


    Son nom n’est pas forcément connu du grand public mais ses œuvres sont, elles, entrées dans l’histoire. Pour Jerry Leiber, tout a commencé par une rencontre, avec Mike Stoller. Les deux jeunes hommes alors âgés de 17 ans font connaissance autour du comptoir d’un magasin de disques. A l’époque, Jerry travaille dans la boutique et Mike vient y jouer du piano. Ayant l’un et l’autre les mêmes goûts musicaux, ils décident de s’unir pour former un couple d’auteur-compositeur. Depuis cette période ils ne se sont jamais quittés.


    Grâce au King ils deviennent rois. Alors à peine majeurs, Jerry Leiber et son acolyte font la rencontre d’Elvis Presley pour qui ils se mettent tout de suite à écrire. Les titres Hound Dog, Jailhouse Rock ou encore Loving You sortiront de cette collaboration. L’auteur et le compositeur deviennent alors des références pour tous les artistes anglo-saxons. Les stars de la chanson s’arrachent leurs créations. En 1961, nouveau hit qui se passera ensuite de générations en générations, ils composent Stand By Me pour Ben E. King.


    Inséparables jusque sur le pavé.


    Jerry Leiber et Mike Stoller se partagent également leur étoile sur Hollywood Boulevard. Dans un milieu réputé pour être infesté de requins et d’ennemis à chaque coin de studio, les deux compères se seront restés fidèles, jusqu’à ce que la mort les séparent.


     


    Laure Costey

    Mardi 23 août 2011


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