• Homs : "Ce que l’on voit dans les médias est bien en dessous de la réalité"

    Un Observateur de Homs à Paris : "Ce que l’on voit dans les médias est bien en dessous de la réalité"

    Capture d'écran de l'interview que nous avons enregistrée à Paris avec notre Observateur.
     
    Khaled (pseudonyme) est un des Observateurs de FRANCE 24 grâce auxquels nous pouvons suivre ce qui se passe en Syrie depuis plus d’un an. Il y a un mois et demi, il a dû fuir Homs, sa ville natale. De passage par Paris, il nous a rendu visite pour nous parler de la situation sur place et des solutions de résolution qu’il imagine pour ce conflit.
     
    Après avoir recueilli son témoignage maintes fois via Skype, nous avons finalement eu l’occasion de rencontrer Khaled. Ce quadragénaire a quitté Homs au début de février pour l’Arabie saoudite, où il avait l’habitude de voyager dans le cadre de son travail d’ingénieur du son. Sa femme, engagée depuis le mois de février aux côtés des équipes du Croissant-Rouge syrien (l’équivalent de la Croix-Rouge dans le monde arabe) a, quant à elle, refusé de quitter le pays.
     
    Khaled se décrit comme indépendant et affirme qu’il ne fait partie d’aucun "comité révolutionnaire", ces réseaux locaux qui coordonnent les militants sur le terrain. Il dit en revanche être en contact avec certains membres du Conseil national syrien (CNS), dont certains sont de sa famille, sans pour autant s’aligner sur leurs positions.
     
    Le dernier bilan fourni par l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) fait état de 8 500 tués en Syrie.
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    "Mon premier souci aujourd’hui est de réunir des aides humanitaires"

    Avant de partir, je filmais moi-même des vidéos que je publiais sur YouTube et je peux vous assurer que les images qui parviennent aux médias ne montrent qu’une infime partie de ce qui s’y passe en réalité, que ce soit du point de vue du nombre de morts que de la brutalité de la répression.
     
    J’ai quitté Homs la veille de l’attaque intensive qui a visé le quartier de Baba Amr, le 4 février. Je suis parti car les conditions matérielles se sont beaucoup détériorées ces derniers mois, l’activité économique et administrative de la ville étant complètement paralysée. Il fallait donc que j’aille gagner de l’argent ailleurs pour pouvoir subvenir aux besoins de ma famille. Mon départ s’est fait de manière légale.
     
    Quelques jours après, le 6 février, les communications internationales avec la ville ont été complètement coupées. Pendant plusieurs jours, je ne pouvais plus contacter ma femme et mes enfants qui sont toujours sur place. J’étais très inquiet car le bombardement se faisait de plus en plus intense. Mais nous avons fini par trouver une solution : j’appelle ma belle-sœur qui se trouve à Damas et elle appelle à son tour ma femme à Homs et nous met en contact par vidéo-conférence. Ça ne marche pas à tous les coups mais c’est mieux que rien.
     
    En quittant Homs, j’étais déterminé à trouver le moyen d’aider matériellement ma famille mais également tous les habitants de la ville. Du coup, mon premier souci aujourd’hui est de réunir des aides humanitaires, qu’il s’agisse de couvertures, de médicaments de longue conservation (car il faut prendre en compte le temps du transport) ou de nourriture (riz, farine, etc.). Avec d’autres compatriotes, nous nous organisons pour faire parvenir ces aides depuis les pays du Golfe jusqu’en Syrie. Ces aides sont acheminées par des bus via la frontière jordano-syrienne. Les gardes-frontières dans cette zone sont habitués à recevoir fermé les yeux sur les marchandises contre des pots-de-vin, ce n’est donc pas une pratique nouvelle mais je pense qu’ils se doutent que nous acheminons des aides pour les habitants au vue des les quantités transportées ces derniers temps. Les autorités jordaniennes sont en revanche intransigeantes sur la question des armes mais les gardes-frontières savent qu’ils n’ont pas grand-chose à craindre puisque celles-ci passent principalement par le Liban.
     
    "Des alaouites ont été enlevés de manière arbitraire, alors qu’ils n’avaient rien à voir avec le pouvoir en place"
     
    Dès les premiers jours de la contestation, le régime a voulu jouer sur la question du confessionnalisme. À Homs, il y a trois communautés : les musulmans sunnites [70% de la population en Syrie], les musulmans alaouites [principale branche chiite qui constitue 10 % de la population syrienne] et les chrétiens. Globalement, il n’y a pas de tensions entre sunnites et chrétiens à Homs. Et certaines familles sont à moitié musulmane et à moitié chrétienne. Après le bombardement de la ville, il y a même des familles musulmanes qui sont allées se réfugier dans les églises. Mais la situation est malheureusement plus tendue avec les alaouites. Le fait qu’un certain nombre d’entre eux se soit laissé enrôlé comme "chabbihas" [milices du régime] aux côtés des forces de l’ordre envenime les relations entre alaouites et sunnites. Du coup, il arrive que des sunnites fassent malheureusement l’amalgame, surtout quand ils veulent venger l'un des leurs. Des alaouites ont de ce fait été enlevés de manière arbitraire, alors qu’ils n’avaient rien à voir avec le pouvoir en place. Mais cela reste à mon sens des cas isolés [le rapport de l'organisation Human Rights Watch a fait état d'abus commis par l'Armée libre syrienne].
     
    "Je suis favorable à toute décision qui puisse arrêter le bain de sang actuel"

     Le Conseil national syrien est la seule vitrine politique crédible qui représente l’opposition syrienne aujourd’hui. Pour ma part, je regrette que ses membres ne se soucient pas davantage de ce qui se passe sur le terrain et de l’arrêt du bain de sang. Au lieu de cela, ils se perdent dans des calculs politiques et chacun veut imposer sa vision des choses, ce qui provoque des divisions au sein de l’organisation. Ils doivent comprendre que les Syriens de l’intérieur sont fatigués de l’enlisement de la situation. L’intérêt général doit primer sur les ambitions politiques personnelles.
     
    Concernant la question de l’armement de l’Armée syrienne libre (ASL), je suis favorable à toute décision qui puisse arrêter le bain de sang dont sont victimes actuellement victimes les civils syriens. Mais si j’avais à choisir, j’opterais plutôt pour l’intervention des forces de protection des Nations unies dans le cadre d’une mission spéciale comme cela fut le cas en 1992 en Bosnie-Herzégovine. À mes yeux, ces forces, de par leur neutralité et leur mission de pacification, sont les plus à même d’arrêter le massacre. Ce serait bien mieux qu’une intervention militaire étrangère comme celle qui a eu lieu en Libye. Et si cette solution est impossible, il faut au moins que l’armement de l’ASL se fasse sous la surveillance étroite de la communauté internationale afin que les armes ne tombent pas entre de mauvaises mains. Nous ne voulons pas d’un Irak en Syrie.
     

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