Dominique de Villepin était entendu le 9 janvier dernier par les juges Renaud Van Ruymbeck et Roger Leloire dans le cadre de l’instruction du volet financier de l’attentat de Karachi. D'après nos informations, l'ex-Premier ministre a déclaré aux magistrats qu’il n’était pas au courant qu'une transaction secrète avait eu lieu après 1995 entre Ziad Takieddine et le pouvoir chiraquien. Une transaction prévue pour que l’intermédiaire libanais accepte le blocage des commissions du dossier Agosta et renonce à ses droits.
Selon les juges, un accord aurait été conclu le 4 mars 1997 entre la Société française d'exportation de systèmes d'armes (Sofresa), société d’Etat, donc aux ordres du président, et les sociétés Estar et Rabor, où devaient être recueillies les commissions sur le contrat pakistanais.
Il nie avoir été au courant
Ce protocole transactionnel prévoyait le versement de 130 millions de dollars, payés par l’homme d'affaire et ami de Jacques Chirac Rafic Hariri, en trois fois : 75 millions le 4 avril, 25 millions le 31 décembre et 30 millions le 30 mai 1998. Selon les magistrats, "la Banque méditerranéenne, à Beyrouth, a bien informé Ziad Takieddine qu’elle avait donné des instructions irrévocables d’affecter 75 millions de dollars, le 4 avril 1997, sur un compte secret, '3585 Verdun Branch', ouvert au nom de Takieddine."
Les magistrats se sont étonnés que cette transaction n’ait pas été connue au sommet de l’Etat. Quel était par ailleurs l’intérêt pour Hariri de payer une telle somme ? Dominique de Villepin, considéré comme l’homme qui supervisait l’opération de blocage des commissions, a nié être au courant de ces transactions.
Ziad Takieddine le présente pourtant comme l'un des bénéficiaires, dans les années qui ont suivi, de commissions saoudiennes sur de nouveaux contrats, par l’intermédiaire de deux hommes : l’homme d’affaire saoudien Ali Bugshan et le français Alexandre Djouhri, aujourd’hui proche de Claude Guéant.
Ce sont des déclarations fantaisistes"
Interrogé sur ces accusations, l’ancien Premier ministre a répondu : "Je connais Djouhri depuis le milieu des années 1990, dans un cadre amical, sans aucun lien avec les affaires d’Etat. J’ignore si Djouhri connaissait à l’époque Bugshan, mais ils se connaissent aujourd’hui. Pour ma part, j’ai fait la connaissance de Bugshan dans mes fonctions d’avocat, début 2008. Le groupe Bugshan est un grand groupe industriel saoudien."
Dominique de Villepin n’a pas précisé s’il travaillait aujourd’hui, en tant qu’avocat, pour l’homme d’affaires saoudien, ni quel dossier il suivait pour Bugshan, présenté comme un intermédiaire dans des contrats d’armement signés par la France entre 2002 et 2004. Selon les graves accusations, non prouvées, de Ziad Takieddine, et selon les magistrats, Dominique de Villepin aurait bénéficié de commissions par le biais de sociétés créées par Alexandre Djouri.
Réponse de l’intéressé : "Ce sont des déclarations fantaisistes." Pourtant, d'après les magistrats, l’ancien directeur général de la Sofresa, Jacques-Yves Gourcuff, a reconnu que le "réseau Bugshan a remplacé le réseau K (Takieddine) pour tous les contrats dans lesquels était intervenu le réseau K. Il aurait été imposé par Michel Mazens, numéro un de la Sofresa, qui aurait reçu des ordres supérieurs". Ce témoignage clé du fonctionnaire, aujourd’hui à la retraite, donne du crédit aux accusations portées par Ziad Takieddine contre le pouvoir chiraquien.