• Le Costa Allegra remorqué vers la terre ferme

    le 28 février 2012 à 07h16 , mis à jour le 28 février 2012 à 14h29

    Privé de moteur à la suite d'un incendie, le navire de croisière a été pris en remorque tôt mardi matin par un thonier français. Il se dirige vers Mahé, principale île des Seychelles, où il n'est pas attendu avant jeudi.

     

    Le Costa Allegra ne devrait pas connaître le sort funeste du Costa Concordia, échoué au large de l'île du Giglio : après être resté plusieurs heures à la dérive, il a été pris en charge tôt mardi matin par un thonier français. Ce grand navire de pêche en haute mer a rejoint le Costa Allegra en cours de nuit, avant de le prendre en remorque. Direction : Mahé, la capitale des Seychelles. La destination initiale du remorquage, Desroches, a été abandonnée : un communiqué de Costa Crociere a invoqué les mauvaises conditions de sécurité et d'hébergement en cas de débarquement des centaines de passagers et membres d'équipage sur la petite île. Quand pourrait-il arriver ? Jeudi dans la matinée, alors que s'il avait été remorqué vers Desroches, le remorquage aurait été écourté d'un jour. En guise de consolation, la compagnie a remarqué dans son communiqué que les passagers arriveront de toute façon avant l'heure à laquelle doivent accoster les ferries qui font le trajet entre Desroches et Mahé...

    Parti samedi de Madagascar, le bateau de croisière de 188 mètres de long, avec à son bord 636 passagers - de 25 nationalités différentes, essentiellement des Italiens, des Français et des Autrichiens - et 413 membres d'équipage, se dirigeait vers les Seychelles, et devait se rendre ensuite à Oman puis en Egypte. Mais il avait été victime d'un incendie dans la matinée de lundi, qui l'avait privé d'une grande partie de son approvisionnement électrique. Si les pompiers ont pu rapidement venir à bout des flammes, celles-ci avaient déjà endommagé les générateurs. Dès lors, plus de moyen de propulsion pour le navire ; il restait à peine suffisamment de courant, grâce aux batteries de secours, pour faire fonctionner les lumières à bord. Mais pas la climatisation, ni les cuisines. Le directeur des opérations maritimes de la compagnie, le commandant Giorgio Moretti, indiquait lundi soir que les hélices du paquebot étaient immobilisées. Un petit-déjeuner froid a été servi aux passagers ce mardi.

    Incident réglé... mais il survient au mauvais moment

    La situation était toutefois sans commune mesure avec le drame du Costa Concordia. Car l'incendie n'avait fait aucun blessé. Le navire étant loin des côtes, tout risque de s'échouer semblait écarté dans l'immédiat. La météo n'était pas mauvaise. Les deux principales sources d'inquiétude étaient en fait l'approvisionnement des passagers... et le risque, toujours possible, d'un acte de piraterie. Alors que le commandant du navire avait déclenché l'alarme maximum, les passagers avaient été regroupés sur les ponts supérieurs du navire. Mais pas de panique à bord : "On leur fournit du pain, de l'eau. La situation est tranquille", affirmait alors le commandant, tout en annonçant la venue dans les prochaines heures d'un hélicoptère destiné à apporter des vivres frais aux passagers, ainsi que des moyens de communications, celles-ci étant bloquées, sauf une liaison satellitaire d'urgence avec le capitaine. Le commandant avait par ailleurs indiqué qu'un groupe de neuf militaires italiens se trouvait à bord, en mission anti-piraterie "en raison de la zone dans laquelle le paquebot opère", c'est-à-dire dans l'Océan indien où les attaques de pirates sont fréquentes. Les garde-côtes italiens avaient de leur côté alerté les autorités des Seychelles qui ont "la compétence territoriale pour les opérations de secours". Il ne restait dès lors plus qu'à attendre l'arrivée des premiers navires qui s'étaient détournés de leur route dès l'annonce des ennuis du Costa Allegra.

    Deux remorqueurs des autorités portuaires seychelloises doivent aussi rejoindre mardi après-midi le paquebot. Le bâtiment est actuellement aussi escorté, en alternance, par deux avions - l'un seychellois, l'autre indien. Les Seychelles accueillent plusieurs avions de surveillance étrangers, qui les aident à faire face depuis plusieurs années à des attaques de pirates somaliens. "Il n'y a pas de risque de piraterie, mais l'on n'est jamais sûr à 100%", avait déclaré lundi soir le commandant Moretti.

    Ce nouvel accident d'un navire de la compagnie Costa Croisières, filiale du géant américain Carnival, survient néanmoins au plus mauvais moment pour la compagnie alors que les plaintes fleurissent de toutes parts pour le naufrage du Concordia. Rien qu'aux Etats-Unis, 39 passagers du paquebot qui ont déposé une plainte à Miami contre le croisiériste américain Carnival, réclament plus de 520 millions de dollars de dommages et intérêts, a indiqué l'avocat des naufragés. De nombreuses autres plaintes ont été déposées aussi bien en France qu'en Italie ou en Allemagne, aussi bien au civil qu'au pénal, contre le commandant du navire, d'autres officiers du Concordia et trois responsables à terre de Costa Croisières. L'association internationale des croisiéristes a présenté lundi soir ses "regrets" aux personnes affectées par l'incendie qui s'est déclaré à bord du Costa Allegra. "L'avarie du Costa Allegra ne peut se comparer avec l'échouage du Costa Concordia. Ces deux événements sont de nature très différente", a estimé Costa Croisière.  Dans un communiqué, la présidente de l'association, Christine Duffy, s'est par ailleurs dite "satisfaite que l'équipage ait agi avec rapidité et professionnalisme et qu'aucun passager ou membre d'équipage ne soit blessé".

    le 28 février 2012 à 07:16

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  • Le feu à bord, l’avarie la plus redoutée de la marine

    Créé le 27-02-2012 à 17h41 - Mis à jour à 18h10      Réagir

    Cyril Delher, professeur à l'Ecole nationale supérieure maritime, revient sur le risque numéro un à bord des navires.

     
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    Le costa Allegra dans le port de Gênes. DEpuis le lundi 27 février, il est à la dérive dans les Seychelles. Tano Pecoraro/AP/SIPA

    Le costa Allegra dans le port de Gênes. DEpuis le lundi 27 février, il est à la dérive dans les Seychelles. Tano Pecoraro/AP/SIPA

    Les incendies sont une avarie fréquente à bord. En général, ils sont bien maîtrisés. Suffisamment en tout cas pour empêcher le bateau de sombrer. Mais pas toujours pour le laisser naviguer. C’est ce qui s’est passé lundi 27 février à bord du Costa Allegra, vieux navire de la compagnie Costa Crociere, victime d’un incendie dans la salle des générateurs.

    Ce porte-conteneur transformé en paquebot depuis une vingtaine d’années, n’avait jamais connu d’avarie importante. Mais il pourrait dériver un bout de temps dans l'attente des secours, estime Cyril Delher, professeur de Sécurité et Construction à l’ENSM (Ecole nationale supérieure maritime).

    Le navire Costa Allegra dérive actuellement sans propulsion, avec 1.000 passagers à bord, dans l’océan indien. Comment voyez-vous la suite ?

    - Il va y avoir assistance. Mais pas tout de suite. Il y a très peu de moyens de remorquage dans la région. Il faudra que le remorqueur vienne d’Afrique du Sud, ou de Dubaï, ce qui peut prendre quatre à cinq jours. Le bateau risque donc de rester un moment à la dérive !

    La mauvaise nouvelle, c’est que le bateau est en limite d'une zone où les pirates attaquent les tonneliers et les pêcheurs. La bonne, c’est que pour cette raison même, il y a beaucoup de moyens militaires dans le secteur : des navires pourront rapidement ravitailler et évacuer des passagers si nécessaire.

    Comment se fait-il qu’un incendie maîtrisé dans la salle des générateurs coupe court à toute propulsion ?

    - La salle des générateurs est un espace stratégique, où se fait la production électrique qui alimente tout le navire. Des moteurs diesel entraînent des alternateurs, pour produire la vapeur qui réchauffe le combustible, pour refroidir les moteurs, pour faire fonctionner la climatisation… Mais c’est aussi une zone à risque, où circule du fioul sous pression.

    Précisons que les systèmes de lutte contre les incendies ont fait d’importants progrès depuis une quinzaine d’années, avec des systèmes d’extinction fixes à très haute pression qui permettent d’éteindre le feu avec de fines gouttelettes, sans accumuler trop d’eau, pour éviter le risque de chavirement. Ces systèmes très performants sont obligatoires dans tous les aménagements passagers des navires depuis 2004.

    Ce type d’incendies arrive-t-il souvent ?

    - Les incendies sont l’avarie la plus redoutée car les conséquences sont très embêtantes : le bateau se retrouve sans propulsion et sans auxiliaire. Les générateurs de secours, eux, ne permettent d’alimenter que les auxiliaires indispensables pour la sécurité : lutte contre les incendies, évacuation…

    C’est arrivé il y a un an au Carnival Splendor, sistership du Costa Concordia. Après un incendie dans la salle des machines, le bateau a dérivé pendant trois jours et trois nuits au large du Mexique avec 4.400 personnes à bord. Il n’y avait plus d’électricité pour faire marcher les chambres froides, les toilettes… Un porte-avion américain a appareillé de San Diego pour le ravitailler en attendant le remorquage.

    De même en mer Méditerranée il y a trois ans. Dans le cas actuel, à moins que l'Allegra ne dérive sur une côte, le risque de perdre le bateau est très limité. Ce n’est pas un bateau d’une grande valeur, mais c’est un nouveau coup dur pour l’image de Costa Crociere.


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    Thomas Langmann, le nouveau nabab

    Portrait – De son père, Claude Berri, il a hérité l'appétit, le flair, le goût du risque ; de sa mère, Anne-Marie Rassam, l'âme et la flamme ; de son oncle, Jean-Pierre Rassam, l'inconscience. Le producteur de "The Artist" a conduit jusqu'aux Oscars le film muet dont personne ne voulait. Par Judith Perrignon/Photos Manuele Geromini et Laura Villa Baroncelli
     
    <figure> Thomas Langmann, à Paris, samedi 4 février </figure>

    Des messages dans les bulles vertes sur l'écran de son iPhone, des mots insistants qu'il envoyait tous les deux jours d'avril 2011, des mots pour dire que le film était incontournable, qu'il devait être dans la compétition pour la Palme. Et aussi qu'il voudrait tant que ses parents soient là pour voir ce dont il est capable. Thierry Frémaux, patron du Festival de Cannes, ne pouvait pas répondre, il n'en avait pas le droit, mais il finira par inscrire The Artist en compétition officielle. La suite, on la connaît. Thomas Langmann, presque un an plus tard, la veille d'un vol qui le conduira vers Los Angeles et les préparatifs de la course aux Oscars, vous laisse son téléphone sur la table, le temps de griller sa troisième cigarette dans le froid, sur la terrasse du Fouquet's, où Nicolas Sarkozy fêta sa victoire, en 2007 : " Regardez bien les dates ! Regardez, c'est ça qui est important ", insiste-t-il. Tous les deux jours en effet, il envoyait de longs SMS. Il aurait pu ne rien dévoiler des dessous de son jeu, laisser filer la légende d'un film sans son ni couleur qui a enchanté Cannes, puis tapé dans l'oeil d'une Amérique nostalgique d'elle-même, mais non, regardez sa détermination, son aplomb, son harcèlement assumé, son pedigree de fils de nabab à la hauteur du père, son profil de joueur de poker qui ne lâche rien. Il ne cherche pas à se faire une place entre le réalisateur et les acteurs qu'on acclame. C'est parmi ses fantasmes qu'il joue des coudes.

    Il y a moins de photos chez lui, dit-il. Trop de morts dans les cadres. Le père, Claude Berri, la mère Anne-Marie Rassam, le frère Julien Rassam, l'oncle Jean-Pierre Rassam... Il en a enlevé pour ne pas effrayer sa fille de 9 ans, qui s'installe une semaine sur deux dans son appartement parisien du 7e arrondissement. " Pour elle, ils sont abstraits. Pas pour moi ", dit-il. Ils formaient une tribu déjantée qui avait une idée fixe, faire des films, qui aimait le talent, le risque, l'argent, la provocation, qui marchait vers les sommets en longeant le précipice, et n'a jamais appris à ses enfants qu'il existe un espace entre le désir et la mort. La petite fille a compris l'essentiel : son père est un survivant. Elle a allumé une bougie à côté de l'Oscar de Claude Berri, posé dans la chambre de son père. Elle veut le même pour lui.

    Il y a quelques semaines, François Samuelson, agent des stars de l'écran et de la plume, ne lui a pas souhaité autre chose : " Je te souhaite de gagner quatre ou cinq Oscars, ce sera historique et ça t'évitera quinze ans de psychanalyse. " C'était lors de la première de La vérité si je mens ! 3, c'était sincère, malgré le coup de boule du producteur à l'agent qui a marqué les mémoires mondaines. Ça se passait en 2005, au rez-de-chaussée d'un immeuble cossu du 8e arrondissement parisien, Langmann petit format, mais genre habité tendance tyrannique, venait d'apprendre qu'après le renoncement de Vincent Cassel (qui, comme on le sait, reviendra), Benoît Magimel déclinait l'offre d'incarner Mesrine. Il pesta, cogna le messager, c'est-à-dire l'agent... Il y eut procès, dommages et intérêts. Samuelson fit passer quelques lignes relatant la condamnation dans Le Film français et renvoya le chèque à l'expéditeur. Il voulait juste lui infliger une correction. Comme tant d'autres dans le monde du cinéma, il avait vu grandir Thomas Langmann.

    A 8 ans, il assistait en famille à la toute première projection privée d'Apocalypse Now, à San Fransisco. Il s'endormit, ne gardant du chef-d'oeuvre qu'un souvenir sonore. A 10 ans, c'était un enfant vif, bavard, fonceur, adulé de ses parents, celui qui leur ressemblait, quand l'aîné, plus fragile, plus distant, semblait vouloir les faire douter. Il poussait la porte du bureau de son père avec assurance, sans demander s'il dérangeait, il avait tous les droits, ou aucun... Que faisait son père en lui glissant 500 francs, le mercredi, pour qu'il s'occupe, sinon se débarrasser de lui ? Il était seul, sans cadre, sans échelle de valeurs, il se fichait de l'école puisque la voie royale passait par la maison, il était bagarreur, écoles et boîtes privées le renvoyaient, l'argent permettait toujours d'en trouver une autre et les relations de réparer ses coups de sang. A 17 ans, il fit l'acteur. Comme si tout le ramenait à ça. C'est un casting de rue qui fit de lui le petit juif dans Les Années sandwiches, de Pierre Boutron. Le rôle lui valut nomination au César du meilleur espoir masculin, mais il restait incontrôlable sur un plateau, mélange d'arrogance et d'addiction, un sale gosse aux circonstances atténuantes.

    Longtemps, comme on glisse une brosse à dents dans sa valise, il a transporté une photo de sa mère, une assez grande photo, elle a pris aujourd'hui la forme d'un médaillon, c'est plus pratique, plus sacré aussi. Anne-Marie Rassam, née d'une grande famille bourgeoise chrétienne libanaise, a laissé derrière elle la trace d'une petite femme magnétique, aimante, généreuse, cultivée, intelligente, insomniaque. Elle improvisait des repas qui s'étiraient tard dans la nuit, dont les convives étaient des têtes d'affiche, elle sommait mari et frères de prendre la voiture sur-le-champ et d'aller à Prague, bientôt ceinturée par les Soviétiques, chercher le cinéaste Milos Forman et les siens. Elle était maniaco-dépressive aussi. La névrose glissa vers la psychose. Régulièrement, on l'enfermait à Sainte-Anne, elle entrait, puis ressortait, détestait les médicaments qui l'éteignaient, les oubliait. En 1997, elle a fini par sauter d'un neuvième étage, d'une fenêtre de l'appartement de la mère d'Isabelle Adjani. " Ma mère me disait qu'une de mes plus grandes forces, c'était mon inconscience ", se souvient-il. C'était lui dire qu'il ressemblait à son oncle, Jean-Pierre Rassam, producteur de Godard, Bresson, Ferreri, Polanski, Jean Yanne, conquérant boulimique qui montait sur les tables, ne lisait pas les scénarios de ses amis avant de dire oui, faisait confiance, finançait, vivait au Plazza Athénée, avenue Montaigne, au milieu d'une cour prestigieuse, alcoolisée et défoncée ; à son père aussi, fils de fourreurs juifs de la rue du Faubourg-Saint-Denis, devenu parrain du cinéma français, un glouton, un joueur, un tenace, un sans pudeur, " fils plus que père ", comme il l'avoua dans son autobiographie. Trop égocentrique pour être un père.

    Il porte son nom, ce Langmann, juif ashkénaze venu de Pologne, que son père s'en voulut d'avoir abandonné pour faire l'acteur. Mais c'est sa Rassam de mère qu'il porte en médaillon. " C'était elle l'âme, celle qui a donné la flamme, l'énergie, elle a tout fait, elle a fait en sorte que mon père devienne Claude Berri. Beaucoup se sont épris de mon père à travers ma mère ", dit-il. Il se voudrait autant sorti du ventre de sa mère que de l'ombre de son père, autant Rassam que Langmann. Mais, Rassam, c'est le nom qui mène à la mort, celui de l'oncle qui avala trois plaquettes de Binoctal, un dimanche de janvier 1985, celui que choisit son frère aîné, Julien, né Langmann comme lui, mais tout autre, écorché vif, sensible, inquiet, qui préoccupait la famille, ne voulait pas leur ressembler, ni profiter de leur argent, qui essaya de vivre avec le RMI, voulut faire l'acteur aussi, c'est à ce moment-là qu'il prit le nom de sa mère, dessinant comme une ligne de démarcation dans la famille, d'un côté, lui et sa mère, de l'autre Thomas et son père, les morts et les conquérants dont les chemins divergent. Il tomba par la fenêtre de l'Hôtel Raphael sous les yeux de l'actrice Marion Cotillard, alors sa petite amie, sans que l'on sache si la drogue ou l'envie de mourir l'avait poussé. Il en sortit tétraplégique et se suicida des années plus tard, en 2002. Il est des mimétismes, des lignes qui se tracent sans que l'on sache comment dans les familles. Thomas Langmann a l'appétit de son père. En 1994, il fonde sa maison de production, La Petite Reine, celle de Claude Berri s'appelle Renn productions. " Je ne me suis jamais senti en compétition avec mon père, c'est un fantasme de journaliste. J'avais le désir de l'épater, bien sûr ", reconnaît-il.

    Ses projets sont des livres qu'il dévorait, seul, enfant, et qu'il a traduits dans le langage du père, le cinéma. L'histoire de l'adaptation d'Astérix est connue : le fils suggère de mettre en scène la BD, rêvant d'un Langmann père et fils, comme le grand-père fourreur en son temps. Claude Berri n'avait jamais lu cette histoire de Gaulois, il s'en saisit, laissa son cadet sur la touche et fit de son livre d'enfants une machine à rire et à gros sous. Ce n'est qu'au troisième volet que Thomas se glissa dans la réalisation et la coproduction, le père, alors fatigué, n'était plus réellement aux commandes. Il ne s'est jamais fait tremplin pour son fils, c'était admettre qu'il était mortel, qu'il faut un jour passer le relais, c'était tout donner à l'un et pas à l'autre, Julien. Mort, l'aîné était devenu le fils dont il rêvait : les pages qu'il lui consacre dans son autobiographie semblent indiquer une préférence, ce ne sont que les remords d'un Cronos moderne ayant dévoré ses enfants. Ceux qui ont travaillé avec Berri se souviennent avec quelle fierté virile le père racontait les dernières conneries de Thomas, ils se rappellent les joutes au couteau dans la cuisine, les parties d'échec que Thomas gagnait. Le père savait combien Thomas lui ressemblait. C'est ce qui les rapprochait et les éloignait.

    C'est un autre livre d'enfance que Thomas Langmann ressort pour frapper son premier grand coup : Mesrine, l'autobiographie, lue à 11 ans, piochée dans la bibliothèque de sa mère, peut-être à cause de la tranche, du titre, L'Instinct de mort, histoire d'un voyou dont la traque hante les journaux télévisés de l'époque et dont sa tête de pré-adolescent prêt à s'enflammer fit alors un Robin des bois. Le père n'a pas aidé au montage du projet. Le dernier oncle, Paul Rassam, est là, qui veille encore. C'est un personnage important de la tribu, un producteur lié aux grands noms du cinéma américain, un homme sans femme ni enfants, un frère de la mère, un moins flambeur peut-être parce qu'il fut le premier à tutoyer la mort, il conduisait la voiture où périt son père, le grand-père Rassam. Il a aidé le neveu, l'a conseillé, accompagné dans sa quête d'hommages et de dédouanement à l'égard des siens.

    Chez Thomas Langmann, la généalogie commande la beauté du geste, de repousser sans cesse les limites budgétaires et artistiques. Elle aboutit à The Artist que tant d'autres ont refusé avant lui. Elle génère aussi un besoin de toute-puissance, un sentiment d'impunité, ce coup de poing dans la face de l'agent Samuelson, cet autre dans le visage de la mère de sa fille lorsqu'elle le quitte, d'où quatre mois de prison avec sursis. Elle est pouvoir de faire, y compris de nuire : lorsqu'il s'est lancé dans un remake de La Guerre des boutons, Langmann savait qu'un projet identique l'avait précédé, il fit alors tout pour son projet mais aussi pour empêcher l'autre. Elle a laissé le goût de l'argent, du train de vie, l'habitude des expédients : sur le tournage d'Astérix aux Jeux olympiques, 50 000 euros sont dépensés en coke et escort girls. Quand l'affaire s'ébruite, Langmann s'en tire d'un " consommation personnelle ". La généalogie du producteur commande aussi de protéger l'équipe.

    Il est aujourd'hui l'héritier au propre comme au figuré. Avec son demi-frère, Darius, troisième fils Langmann né d'une autre union, il a décidé de vendre la collection d'art contemporain de son père pourtant promise au Centre Georges-Pompidou. Les acheteurs étrangers offraient beaucoup plus. Il a aussi remporté son procès contre Jérôme Seydoux qui se sentait lié au père pas au fils, et n'avait pas versé leur part des gains du troisième film de Dany Boon aux héritiers de Claude Berri. Thomas Langmann avance sans états d'âme.

    Si on lui demande qui sont ses bons copains, il cite Vincent Cassel et Nicolas Bedos, deux " fils " comme lui. Si on lui demande pour qui il va voter, il dit avoir regardé François Hollande au Bourget (Seine-Saint-denis) depuis une chambre d'hôtel américaine. Il a vu l'acteur politique prendre possession de son rôle." Je l'ai trouvé bluffant ! ", s'exclame-t-il. Mais il a aimé Sarkozy la dernière fois et pourrait récidiver : " Plus on lui chie dessus, plus il m'intéresse, et plus je le trouve touchant. J'aime l'animal politique, c'est sain d'avoir envie et de l'assumer. " Il est toujours des reflets. Des mots miroirs. Peut-être des Oscars qui iront par deux. Il aura 40 ans cette année.

     
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  • Poussé par Mick Jagger, Barack Obama chante le blues

    LEMONDE.FR avec AFP | 22.02.12 | 11h03

     

    Barack Obama, le 21 février 2012, à la Maison Blanche, lors de la soirée In Performance At The White House.

    Barack Obama, le 21 février 2012, à la Maison Blanche, lors de la soirée In Performance At The White House.REUTERS/CHRIS KLEPONIS

    Il a fallu toute la force de persuasion de Mick Jagger pour convaincre, mardi soir, le président des Etats-Unis, Barack Obama, de reprendre le micro et de chanter un standard du blues, lors du traditionnel concert In Performance At The White House destiné à être diffusé sur PBS, la télévision publique américaine, organisé à l'occasion du Black History Month, mois au cours duquel les Etats-Unis se souviennent des contributions de la communauté noire à leur histoire et à leur culture.

    "Pas ce soir !" a protesté M. Obama, alors que le chanteur des Rolling Stones ainsi que les guitaristes B.B. King et Buddy Guy l'invitaient à les rejoindre sur scène pour chanter le refrain de la chanson Sweet Home Chicago, du bluesman Robert Johnson. "Vous pouvez le faire", s'est écrié l'un des musiciens.

    M. Obama a fini par céder et s'est emparé du micro qu'on lui tendait pour chanter en chœur "Come on, baby don't you want to go... Sweet home, Chicago", morceau qui célèbre son ancien fief politique de l'Illinois. Il s'est toutefois gardé de monter sur scène.

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    Il s'agit de la deuxième incursion musicale en un mois pour M. Obama, qui, le 19 janvier à New York, avait entonné le tube soul d'Al Green Let's Stay Together au Théâtre Apollo d'Harlem, où il participait à une réunion électorale en vue de la présidentielle du 6 novembre.

    M. Obama avait auparavant salué une "soirée extraordinaire". "Lorsqu'on est président, on ne peut pas sortir le soir pour marcher, s'éclaircir les idées, ou sauter dans une voiture. C'est frustrant. Mais il y a aussi les soirées lors desquelles B.B. King et Mick Jagger viennent chez vous !" a-t-il remarqué. Avant M. Obama, la grande vedette de la soirée avait été Mick Jagger qui, malgré ses 68 ans, a déployé toute sa panoplie de déhanchements et de gestes saccadés pour accompagner sa voix inimitable.

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    Veste noire à motifs reptiliens, chemise écarlate et baskets assorties, le chanteur des Rolling Stones est entré sous les vivats, avant d'entamer un I Can't Turn You Loose, que les spectateurs de la soirée spéciale Red, White and Blues, en premier lieu M. Obama et son épouse, Michelle, ont écouté debout en marquant le rythme.

    Enchaînant par le titre Commit a Crime, accompagné à la guitare par un de ses complices du "swinging London" des années 1960, Jeff Beck, le chanteur s'est souvenu de l'époque où son groupe avait débarqué pour la première fois, en 1964, dans les fameux studios Chess de Chicago. "Nous avons rencontré tous ceux qui étaient en train d'enregistrer là-bas, et je me souviens à quel point ils ont été généreux avec nous. Ils ont dû penser que nous arrivions de Mars !" a plaisanté Mick Jagger, évoquant notamment Willie Dixon. Il a ensuite entonné Miss You.


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  • Le faux directeur de l'aéroport de Limoges limogé et écroué

    Créé le 17-02-2012 à 16h55 - Mis à jour à 17h52      Réagir

    Armé de son seul CV falsifié, Philippe Gaillard a réussi à occuper ce poste durant trois mois sans être découvert. 

     

    Philippe Gaillard Centre France

    Philippe Gaillard Centre France
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    C’est une ancienne de ses victimes qui l’a reconnu sur le site internet de l’aéroport et l’a dénoncé. Selon le quotidien régional "Le Populaire du Centre", l’usurpateur était déjà connu des services de police pour s’être fait passer pour un gardien de la paix en 1995, pour falsification de papiers militaires en 1996, mais aussi pour tout une série de délits allant de la dégradation de biens par incendie en passant par vols, escroqueries, faux et usages de faux… Tout un programme !

    Fable et affable

    L’aéroport international de Limoges, qui lui avait donné le poste le plus éminent de la direction, a reconnu s’être fait avoir par un homme qui venait de s’inventer, pour l’occasion, un passé d’ancien pilote de chasse, ingénieur de l’aviation civile. Il aurait participé à "à peu près toutes les guerres", dans le Golfe, au Kosovo ou au Liban, dégainant une fausse Légion d’honneur ainsi qu'un faux diplôme d'ingénieur de l’aviation civile…

    "L'enquête concernant les documents produits par M. Gaillard à l'appui de son recrutement par la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de la Haute-Vienne et de Limoges, gestionnaire de l'aéroport de cette ville a démontré que les pièces présentées constituent des falsifications", précise le procureur de la République de Limoges, Michel Garrandaux. Interrogée par les enquêteurs, l’Ecole nationale de l’aviation civile n’a pas trouvé trace de son diplôme d’ingénieur, précise Jean-Louis Latieule, chef de cabinet de l’école. 

    Brouilleur et débrouille

    Armé de son seul CV falsifié et d’une capacité à répondre à toutes épreuves, ce père de famille de 44 ans a quand même réussi à occuper pendant trois mois le poste de directeur de l’aéroport de Limoges.  Mieux, son travail a même été salué. Jean-Pierre Limousin, directeur de la chambre de commerce et d’industrie a fait passer le dernier entretien à Philippe Gaillard et lui a ensuite fait signer son contrat d’embauche, à l’essai pour un an.

    Jean-Pierre Limousin a par la suite déclaré sur RTL avoir été "floué" par le personnage, qui "avait jusqu’à ce jour rempli sa mission de façon satisfaisante  jusqu’à ce que les faits soient portés à notre connaissance". Des compétences qui, pour le moment, lui évitent de faire l'objet d'une plainte, car  la CCI estime n'avoir subi aucun préjudice. Jean-Pierre Limousin explique avoir été seulement victime "d' une vraie mystification comme on en voit dans les romans ou au cinéma.

    Avec un passé de brouilleur de piste, plus que de vétéran, ce sont surtout les tribunaux que Philippe Gaillard va fréquenter. En attendant un film ? Christophe Rocancourt n’a qu’à bien se tenir.

    Robert Kassous

     

    Par Robert Kassous
    Chef de Rubrique Tourisme


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