Avec notre correspondante à Rome, Anne Treca
L’Etat italien va désormais produire du cannabis à usage médical. Le gouvernement a suivi le raisonnement suivant : le cannabis est efficace contre les douleurs chroniques et déjà utilisé dans le traitement de maladies graves comme la sclérose en plaques ou pour soulager les nausées dans les chimiothérapies. Il est déjà prescrit dans les hopitaux italiens à des milliers de patients et en toute légalité… mais comme sa culture est interdite, c’est un produit de luxe. Le cannabis est importé à 15 euros le gramme en moyenne et les procédures administratives pour son importation sont compliquées.
Le résultat est que les anti-douleurs à base de cannabis coûtent trop cher au patient et à la sécurité sociale puisqu’ils sont partiellement remboursés, comme les autres médicaments. Si le cannabis est cultivé en Italie, le produit final coûtera moitié moins cher à l’utilisateur final, selon les calculs du ministère de la Santé. Près d’un million de personnes pourraient alors en bénéficier contre quelques dizaines de milliers actuellement.
Un calcul déjà été fait dans d’autres pays
Les Etats Unis ou les Pays-Bas se sont lancés dans la même démarche mais l'originalité de l'Italie tient aussi dans le choix du ministère de la Défense pour encadrer la production de cannabis.
L’idée amuse les Italiens et les plaisanteries fleurissent, sur la fumette du colonel, le potager des bidasses ou encore les pétards de la caserne. En fait, il s’agira d’une production de principe actif et pas d’herbe à rouler en cigarette.
A Florence, l’armée dispose dans une caserne d’un institut pharmaceutique, un petit laboratoire qui fournit des médicaments aux militaires, et dans une moindre mesure au public. C’est là que seront installées les serres, que l’on imagine bien gardées, et que sera réalisé le conditionnement du principe actif .Celui-ci sera distribué ensuite aux pharmacies hospitalières pour être transformé en médicaments.
Pas question de dépénaliser la consommation
La production de la drogue, son commerce, en Italie sont des activité traditionnelles très rentables pour la criminalité organisée. D'ailleurs l'Italie, après avoir dépénalisé le cannabis, a rétabli des lois prohibitionistes. Mais Rome, cette fois n'a pas voulu ouvrir le débat sur la dépénalisation de la consommation. La loi continue d’interdire aux consommateurs de faire leur production maison sur le balcon, même sur avis médical. Ils doivent toujours passer par la filière officielle des pharmacies.
C’est sans doute pour cette raison que la loi est passée si facilement au Parlement sous les applaudissements de la communauté scientifique. Pour certains, comme le Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo, évidemment c’est trop peu. Les malades auront accès à des produits de bonne qualité mais le reste du marché continue d’enrichir les mafias. Sur ce point rien n’a changé. La «marijuana récréative» reste hors-la-loi dans toute l’Italie.