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Sur la place Kim Il-sung, des dizaines de milliers de civils alignées au carrés, brandissaient des fleurs artificielles écarlates tandis que d’autres, en arrière-plan, représentaient les emblèmes du parti du travail (la faucille, le marteau et le pinceau, symbole des intellectuels) se détachant en jaune sur ce fond rouge. Près d’un quart de la population de la capitale (2,4 millions) avait été mobilisé pour l’événement, défilant ou ovationnant le jeune dirigeant Kim Jong Un en hurlant « Mansé ! Mansé ! » (Dix mille vies !). A sa gauche, sur le balcon du pavillon de style traditionnel dominant la place, se trouvait Liu Yunshan, membre du comité permanent du bureau politique du parti communiste chinois, l’une des figures les plus importantes à Pékin et la plus haute personnalité étrangère à assister à la parade. Aucun représentant russe ou cubain n’était présent.
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La célébration, le 10 octobre, du 70e anniversaire de la fondation du parti du travail a été l’une des plus spectaculaires manifestations de masse et de ferveur patriotique du régime. Retardée en raison des intempéries, la cérémonie a commencé en milieu de journée et se termina à la nuit tombée par une océanique marche au flambeau de quarante-cinq minutes réunissant cent mille lycéens en chemise blanche et cravate rouge sous une pluie battante.
Bataillons défilant au pas de l’oie, nuées de drapeaux rouges, pièces d’artillerie, blindés, missiles mobiles de moyenne et longue portée sur leur rampe de lancement et drones bleu ciel de fabrication locale se sont succédé dans une démonstration de force et de fierté nationale.
« Notre armée est devenue invincible »
La République populaire démocratique de Corée (RPDC) s’est autoproclamée puissance nucléaire en 2013, à la suite de son troisième essai atomique. Elle a annoncé en septembre son intention de développer « en quantité et en qualité » sa production nucléaire et d’envoyer dans l’espace un lanceur de satellite (de technologie analogue à celle d’un missile de longue portée) suscitant des mises en garde des Etats-Unis et de leurs alliés comme de la Chine.
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Dans son discours de la tribune — le second depuis son arrivée au pouvoir en 2011 —, Kim Jong Un a déclaré « notre armée est devenue invincible et peut défier n’importe quel ennemi », ajoutant, non sans bravade, « le monde doit se préparer à voir comment le peuple coréen construit sa puissance ».
Au cours de ses entretiens, le représentant chinois, M. Liu, aurait insisté auprès de ses interlocuteurs sur la nécessité d’une reprise des négociations à Six (Chine, deux Corées, États-Unis, Japon et Russie) au sujet de la dénucléarisation de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) qui sont suspendues depuis 2009.
Le 70e anniversaire de la fondation du parti-État a été l’occasion de souligner la continuité du pouvoir et, par conséquent, la légitimité de Kim Jong Un, descendant direct de la génération guérilla contre l’occupant japonais que commémore inlassablement le régime. Des monceaux de fleurs avaient été déposés devant les statues et portraits de Kim Il Sung et de Kim Jong Il, qui avait succédé à son père en 1994. La réplique des deux fameuses statues de bronze de l’esplanade Mansudae érigée sur un char a clôturé la parade, suivi de vagues humaines en liesse agitant fébrilement des fleurs artificielles et scandant le nom du dirigeant le visage tourné vers la tribune où celui-ci les saluait de la main.
Depuis des semaines, la population, des étudiants et les « brigades de chocs » des soldats-bâtisseurs, dont on apercevait par endroits les baraquements de fortune, avaient pomponné la ville, construisant, réparant, repeignant, astiquant tandis que les participants à la cérémonie se préparaient sans relâche, dormant parfois sur place dans des couvertures, pour tenir leur rôle dans cette grande mise en scène du régime par lui-même.