Mais à quoi joue Jean-Marc Ayrault ? Le Premier ministre s'est engagé mardi 9 juillet, quelques heures avant de présenter les détails de son plan d'investissement sur les dix prochaines années, à ce que "la moitié" des investissements d'avenir soit consacrée à la "transition écologique" :
S'agissant des investissements d'avenir, la moitié sera consacrée à des investissements directs ou indirects pour la transition écologique, dont un plan sans précédent d'économies d'énergie et d'efficacité énergétique et de rénovation thermique", a-t-il déclaré devant l'Assemblée nationale, en réponse au député socialiste Frédérique Massat.
Après le limogeage de Delphine Batho et ses attaques virulentes contre la "rigueur qui ne dit pas son nom", Jean-Marc Ayrault a donné ainsi l'impression de réaffirmer ses ambitions en matière environnementale. Ecologistes et socialistes à la fibre verte, pourtant, sont loin d'être convaincus. Pourquoi ?
L'addition brute n'y est pas
La moitié de 12 milliards, c'est 6 milliards d'euros. Or, à bien regarder, le compte n'y est pas. Loin de là. L'ex-ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, a été la première à sortir la calculette. Dans un communiqué, celle qui a été évincée du gouvernement pour avoir qualifié le budget 2014 de "mauvais", compte que 2,3 milliards d'euros seulement iront à la "transition énergétique". Un programme d'investissements qui "ne permet malheureusement pas de doter la transition énergétique des moyens nécessaires à sa concrétisation". Ne pas se fier aux discours, donc : "Si l'affichage reprend ma demande que la moitié des investissements soient consacrés à la transition énergétique, la réalité des faits est donc différente".
De son côté, la Fondation Nicolas-Hulot fait l'effort d'ajouter à ces 2,3 milliards d'euros la somme d'1,7 milliard, destinés à "innover pour une industrie durable". Mais la conclusion est la même : "Il manque des choses, si on comprend bien les chiffres", estime son porte-parole Matthieu Orphelin. "Nous demandions 6 milliards. (...) Nous avions identifié des priorités sur la rénovation des bâtiments tertiaires, notamment publics et sur de nouvelles aides pour les PME via la Banque publique d'investissements, des sujets sur lesquels le Premier ministre n'a pas annoncé de moyens supplémentaires".
Lueur d'espoir ?
A l'Assemblée, le chef du gouvernement a toutefois précisé que "tous les projets dans les appels d'offres" de ce plan "auront tous des règles d'éco-conditionnalité", ce qui constitue selon lui "une rupture". De quoi arriver à 6 milliards d'euros ?
La ministre du Logement, Cécile Duflot, a choisi pour sa part d'y croire. Dans un communiqué, elle souligne ainsi "l'avancée majeure que constitue le fléchage, vers la transition écologique, de plus de la moitié de l'enveloppe de 12 milliards d'euros du nouveau programme d'investissements d'avenir. Ainsi, plus de 6 milliards d'euros seront 'éco-conditionnés', c'est-à-dire qu'ils seront exclusivement dédiés au financement de projets innovants qui contribuent à la transition écologique : recherche en matière d'énergies renouvelables, réseaux intelligents pour l'efficacité énergétique, programmes de santé, développement de transports propres, projets d'aménagement urbain durable ('éco-cités'), production de biens de consommation courantes peu gourmands en énergie, etc."
La Fondation Nicolas-Hulot, elle, n'a rien à perdre. Et s'autorise à douter du dispositif : "Il nous faut absolument plus de précisions sur ce point", réagi Matthieu Orphelin. Selon lui, tout dépendra du niveau d'exigence retenu. "Est-ce qu'on ira jusqu'à des critères très ambitieux par exemple sur les aspects énergétiques de la rénovation des campus ? Si c'est très volontariste, c'est un point positif, mais il faut plus de détails là-dessus".
M.B. - Le Nouvel Observateur