Le verdict est tombé pour Audrey Chabot. La mère de 34 ans qui a noyé deux bébés puis les a entreposés dans son congélateur en 2013 a été condamnée jeudi à 23 ans de réclusion criminelle. Cette mère de famille, jugée par la cour d'assises de l'Ain, était en état de récidive après un premier infanticide en 2002. Cette même cour lui avait infligé 15 ans de réclusion en 2005. Elle avait été libérée à mi-peine en décembre 2010, les psychiatres estimant qu'elle «ne présentait pas de risques de récidive».
Jeudi, la cour a également ordonné cinq ans de suivi socio-judiciaire avec injonction de soins, effective dans l'immédiat. L'avocat général, Denis Mondon, avait requis une peine de 27 ans de réclusion, assortie d'une période de sûreté des deux tiers. «Je n'évacuerai pas la responsabilité de l'institution, car il y a eu aussi dysfonctionnement», avait déclaré l'avocat général dans son réquisitoire, pointant le fait que l'on «n'avait pas vérifié» que Audrey Chabot se soumettait bien au «suivi psychologique» ordonné par la justice dans le cadre de sa libération conditionnelle.
Enceinte quelques semaines après sa sortie de prison
Le 24 mars 2013, le petit ami de cette serveuse découvrait un petit corps dans le congélateur du modeste appartement où elle vivait à Ambérieu (Ain). Il alertait les gendarmes, qui retrouvaient sur place un deuxième corps congelé. «J'avais conscience d'être enceinte, mais comme personne n'avait rien remarqué, j'ai vécu comme s'il n'y avait rien», reconnaissait la mère à l'époque. Audrey Chabot avait dissimulé ses deux grossesses à son entourage en 2011 et 2012.
«Intimement convaincue» que son amant, qui lui faisait «peur» mais qu'elle «aimait», «ne voulait pas d'enfants», cette serveuse de brasserie avouait, sans parvenir à l'expliquer, avoir tué ses deux bébés en les noyant dans le bac à douche de son modeste logement. Le premier, au bout de «trois à dix jours».
Enfermée dans le mensonge
«Il faut se souvenir qu'un procès pénal n'est pas la vengeance de la victime. L'intérêt général, ce n'est pas la peine maximale», a souligné Denis Mondon, l'avocat général. Il a estimé, suivant les experts psychiatres, qu'elle avait une «altération du discernement» lorsqu'elle avait noyé ses deux nouveau-nés. «Il s'agit d'une personnalité complexe avec des failles sérieuses», a-t-il ajouté à propos de l'accusée, décrite au fil des débats comme dynamique, enjouée et très travailleuse, mais aussi immature et menteuse. «Je lui reproche d'avoir escroqué le juge d'application des peines et l'administration pénitentiaire», a ajouté l'avocat général.
«Avant de juger l'horreur du crime, vous essaierez de comprendre pourquoi elle est devenue pour la deuxième et troisième fois une criminelle», a plaidé son avocat, Me Jean-François Canis, en demandant aux jurés de «ne pas faire présider l'indignation dans leur décision». «Elle n'a pas de haine. Elle s'est enfermée dans le mensonge et la dissimulation car elle se sent indigne d'être mère» et «se perçoit comme un objet», a poursuivi l'avocat, appelant la cour à «l'empathie» face à cette «détresse abyssale». «Au-delà des faits et de la colère, il peut y avoir de la pitié», a conclu Me Canis, soulignant que le risque de récidive «n'existera pas» cette fois, sa cliente ayant décidé «de se faire ligaturer les trompes».