Après une trentaine d’heures de garde à vue, cinq salariés d’Air France ont été déférés mardi devant le parquet et seront jugés le 2 décembre pour les violences contre des dirigeants de la compagnie, dont les images ont fait le tour du monde.

Les cinq hommes, en garde à vue depuis lundi matin dans les locaux de la Police aux frontières de Roissy, ont été déférés mardi après-midi devant un magistrat du parquet de Bobigny.  Ils seront jugés le 2 décembre devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour des «faits de violences en réunion ayant entraîné une ITT [incapacité temporaire de travail] n’excédant pas huit jours», a précisé le parquet. Âgés de 35 à 48 ans, quatre sont employés de la branche cargo Air France et un d’Air France Industries. Certains ont un mandat syndical à la CGT, selon une source proche du dossier. 

Ils sont soupçonnés d’avoir eu un rôle actif dans les incidents du 5 octobre intervenus en marge du Comité central d’entreprise (CCE) consacré à l’annonce d’un plan de restructuration impliquant une possible suppression de 2 900 postes, où deux dirigeants d’Air France avaient été molestés et obligés de s’enfuir, chemises arrachées, en escaladant des grilles de l’aéroport.

Selon le parquet, quatorze plaintes ont été déposées après ces violences : neuf émanant de vigiles et cinq de cadres de l’entreprise. Une enquête interne à la compagnie a par ailleurs permis d’identifier une dizaine de salariés comme impliqués dans ces violences. Les premières notifications de sanctions, qui pourraient aller jusqu’au licenciement, devaient être envoyées à des salariés en ce début de semaine, selon une source proche du dossier.

A Roissy, plusieurs militants syndicaux et salariés de la compagnie continuaient d’occuper la zone de fret, en soutien aux cinq salariés déférés. Les interpellations, lundi au petit matin, ont continué de susciter l’indignation dans les rangs de la gauche et des syndicats.  «Ce qui se passe est proprement scandaleux», a tonné le numéro un de la CGT, Philippe Martinez, exprimant sa «colère».

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«Une honte !», s’est emporté Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche) sur BFMTV, tandis que Pierre Laurent (PCF) a jugé sur iTÉLÉ que «ces salariés n’ont rien à faire en garde à vue». «Les traiter comme des criminels, c’est vouloir les humilier et humilier à travers eux tous les salariés qui se sont mobilisés», a-t-il estimé.  «Il ne s’agit pas de réprimer les libertés syndicales ou l’expression syndicale. Il s’agit de réagir à des actes qui portent préjudice à l’action syndicale» , leur a répondu le ministre des Finances Michel Sapin.

«Il ne peut pas y avoir d’excuse à la violence. Ne pas chercher d’excuse à la violence en lui opposant la violence sociale liée à la situation d’Air France», a commenté le Premier ministre Manuel Valls, en marge d’un déplacement à Ryad. Le gouvernement s’attache désormais à apaiser les tensions autour de la compagnie.

«Sans doute y a-t-il eu des erreurs de tous côtés» , a déclaré la ministre de l’Écologie Ségolène Royal, qui a également la tutelle sur les transports. «Ce qui est très important, aujourd’hui, c’est que le dialogue social soit renoué», a-t-elle insisté devant l’Assemblée nationale, en évoquant la possibilité de nommer un médiateur.

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Trois salariés d’Air France, reçus mardi après-midi au Palais-Bourbon par le député de Seine-Saint-Denis et frondeur socialiste Daniel Goldberg, ont, eux, plaidé pour les salariés.

Érika Nguyen Van Vai, vue dans une vidéo au bord des larmes, en train d’interpeller en vain la direction d’Air France, a expliqué s’être «sentie humiliée par l’attitude» de certains dirigeants, lors du CCE.

Abdelahafed Errouihi, élu CGT qui a aidé le DRH Xavier Broseta à s’extraire de la foule, a rappelé les «quatre ans d’efforts» des salariés: «On a tout donné et il y a encore des suppressions d’emplois. Imaginez-vous l’exaspération !».

 
AFP