• Justice des mineurs : ce que proposent les candidats

    Le Point.fr - Publié le 30/03/2012 à 15:45 - Modifié le 30/03/2012 à 16:18

    Faut-il aligner la justice des mineurs sur celle des adultes ou plutôt renforcer la prévention ? Analyse des programmes des candidats.

    Un mineur au centre éducatif fermé de Mulhouse

    Un mineur au centre éducatif fermé de Mulhouse © Sébastine Bozon / AFP


     

    "Notre droit des mineurs n'est plus en mesure de répondre à une délinquance de plus en plus précoce et à une violence souvent inouïe", affirme Nicolas Sarkozy. Le candidat-président propose notamment de scinder les fonctions d'éducation et de sanction actuellement assignées à un seul juge, le juge des enfants. Il souhaite également astreindre les très jeunes auteurs d'infractions "à des travaux de réparation des actes commis (...) avec l'autorisation des parents". Cette obligation de réparer le dommage doit selon lui être une "priorité de la politique pénale des mineurs". François Hollande met également l'accent sur l'importance de "développer les mesures qui apaisent la victime et permettent la prise de conscience du jeune délinquant comme la réparation pénale".

    Le candidat socialiste entend réaffirmer la spécificité de la justice des mineurs sur la base des principes de l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante, avec des "sanctions rapides et personnalisées". François Bayrou, également favorable à la préservation de la spécificité de la justice des mineurs, insiste sur l'importance d'apporter une réponse immédiate à l'acte répréhensible, tout en précisant que la sanction doit participer au rééquilibrage de la personnalité plutôt qu'à sa destruction. Nicolas Sarkozy souhaite pour sa part créer un code spécial sur la "justice pénale des mineurs" abrogeant le texte de 1945, rendu illisible par l'empilement des textes. "Si on réécrit un autre texte, il le sera nécessairement sous les auspices des textes internationaux et plus particulièrement de la Convention internationale des droits de l'enfant qui fixe la majorité pénale à 18 ans, prévoit que la détention doit rester l'exception et que la peine doit être proportionnée à l'acte, rappelle la juge pour enfants au TGI de Lille Laurence Bellon. L'ensemble de notre droit est fondé sur la différence majeur-mineur, car la minorité est une période durant laquelle on acquiert progressivement des responsabilités, et le droit à l'erreur fait partie de cet apprentissage."

    Pour connaître la situation actuelle de la justice des mineurs, cliquez ici

    Responsabilité pénale des jeunes mineurs

    Rappelons que la loi française ne fixe pas l'âge de la responsabilité pénale à partir duquel un mineur peut être déclaré coupable d'une infraction pénale. L'article 122-8 du Code pénal dit seulement que les mineurs "capables de discernement" (en fonction de l'appréciation au cas par cas des magistrats) sont responsables pénalement. Des jeunes de moins de 10 ans peuvent donc être déclarés coupables et faire l'objet d'une condamnation inscrite à leur casier judiciaire. "Environ 5 % des condamnations inscrites sur le casier judiciaire de Nantes concernent des mineurs de moins de 13 ans", note Laurence Bellon. François Hollande propose de fixer un âge minimal de responsabilité pénale, entre 12 et 14 ans.

    13 ans est l'âge minimum auquel un mineur peut être incarcéré (à la différence de l'Angleterre qui fixe ce seuil à 10 ans). Seules des mesures d'éducation (admonestation, réparation, placement...) peuvent être prononcées à l'encontre des moins de 13 ans. Aucun candidat ne remet en cause cette frontière. Concernant le régime pénal des mineurs âgés de 13 à 16 ans dont les peines ne peuvent pas dépasser la moitié de celles réservées aux majeurs, François Hollande souhaite supprimer les peines planchers et le tribunal correctionnel pour mineurs créé en 2011.

    Le statut hybride des 16-18 ans

    Le candidat-président n'entend pas modifier l'âge de la majorité pénale (âge auquel le mineur est soumis au droit pénal des majeurs), actuellement de 18 ans, alors que Marine le Pen propose de l'abaisser à 15 ans. Néanmoins, "les lois votées sous le quinquennat de monsieur Sarkozy ont fortement rapproché le sort pénal des mineurs de seize à dix-huit ans de celui des majeurs", observe Jacques-Henri Robert, professeur de droit pénal et membre du Club des juristes. Exemple : la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive et alignant le régime des mineurs récidivistes de 16 ans sur celui des majeurs, ou la loi du 10 août 2011 créant le tribunal correctionnel pour mineurs. "Le mineur hyperviolent de 16 ans n'est plus un enfant et ne doit pas être jugé par un juge pour mineurs", estime en effet Nicolas Sarkozy. Sortir les 16-18 ans de la justice des mineurs est aussi l'objectif de Nicolas Dupont-Aignan. "À chaque acte de délinquance doit correspondre une réponse pénale immédiate, proportionnée, y compris l'enfermement", préconise le représentant de Debout la République.

    "La politique de tolérance zéro (introduite par la gauche dans les années 90) n'avait pas mesuré ses effets pervers, notamment l'augmentation massive des procédures et le transfert sur la police et la justice de la responsabilité de la transmission des interdits et des valeurs, note Laurence Bellon. En outre, paradoxalement, elle est mise en oeuvre plus systématiquement pour les mineurs que pour les majeurs, ce qui fait que dans certaines situations, les mineurs sont poursuivis plus sévèrement que les majeurs", observe la magistrate, qui prévient : "La prison n'a pas d'effet miracle !" Le candidat du Modem, favorable aux travaux d'intérêt général et autres sanctions éducatives, souligne que la prison est "un pourrissoir".

    Doubler les CEF

    Estimant qu'il faut réserver la prison aux cas les plus graves et que "la sanction sans l'éducation est un non-sens", François Hollande propose de doubler le nombre de centres éducatifs fermés (CEF) quand pour sa part Nicolas Sarkozy propose une augmentation de 45 % de ces centres. Mais le candidat socialiste souhaite aussi renforcer l'action de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), notamment par la création de postes. "36 000 jeunes font l'objet de mesures pénales en milieu ouvert. C'est le rôle de la PJJ que de les suivre, de les accompagner, de les conduire vers une citoyenneté, de faire en sorte qu'ils ne puissent pas connaître de nouveau le risque de la récidive", a-t-il déclaré. "Quand on pense éducatif, on pense laxisme. Or l'éducation (du latin ex-ducere, guider, conduire hors) signifie accompagner quelqu'un d'un point A à un point B. Il s'agit ici d'accompagner le mineur délinquant jusqu'à sa majorité, décrypte Laurence Bellon. Accompagner, c'est aussi ne jamais perdre le lien avec le mineur dans les semaines qui précèdent et suivent la détention."

    Jean-Luc Mélenchon met lui aussi l'accent sur la prévention, préférable à une "répression désocialisante". Le candidat du Front de gauche souhaite déjudiciariser les premiers actes de délinquance, supprimer la détention provisoire en matière de délit pour les moins de 16 ans et développer le travail éducatif en milieu ouvert. Il promet également de garantir aux services éducatifs et à la PJJ les moyens de fonctionner. Eva Joly, quant à elle, propose de renforcer "l'ordonnance de 1945 ainsi que les missions et les moyens de la PJJ".

    Laurence Bellon regrette que l'argent ne soit pas mieux dispatché, d'autant qu'il n'y a pas que des solutions d'enfermement pour répondre à la délinquance des mineurs. "Le budget de la justice et celui de la PJJ sont asphyxiés, car on a mis l'accent sur ces mesures très coûteuses au détriment de solutions plus souples, comme les centres de jour ou de formation. Or, en matière de traitement de la délinquance des mineurs, c'est la diversité des réponses qui est essentielle : il n'y a pas de panacée universelle", assure Laurence Bellon.

    Agir en amont ?

    "C'est parce que la société est devenue plus violente et plus dure, y compris pour les adolescents, que la justice des mineurs doit plus que jamais rester spécifique et protectrice", estime François Hollande. Le candidat socialiste souhaite inscrire le traitement de la délinquance des mineurs dans une politique globale de l'enfance en lien avec les collectivités locales tout en renforçant le soutien aux familles. En revanche, aucun candidat n'évoque le contexte environnemental délétère dans lequel s'inscrit la délinquance. "Le plus difficile, pour les adolescents en grande difficulté, ce sont les réseaux et l'économie souterraine qui sont derrière, explique Laurence Bellon. Si on voulait être vraiment efficace, il faudrait prendre en compte cette autre dimension dans les affaires. Arrêter celui qui vend 3 grammes de cannabis ne suffit pas. Il faut arrêter le fournisseur, l'intermédiaire, etc."


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