• L'armée à Marseille ? "A chacun son boulot"

    L'armée à Marseille ? "A chacun son boulot"

    Créé le 30-08-2012 à 18h58 - Mis à jour à 20h04  lien

     

    Les policiers, défavorables à la proposition de la sénatrice PS Samia Ghali, rappellent surtout la nécessité de renforcer les effectifs.

     

    Après un règlement de compte dans les quartiers nord de Marseille en mai dernier. (Cyril Sollier/ Max PPP)

    Après un règlement de compte dans les quartiers nord de Marseille en mai dernier. (Cyril Sollier/ Max PPP)

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    Partant du principe que "les autorités ne mesurent pas la gravité de la situation", et après un 14e mort dans un règlement de comptes mercredi soir, la sénatrice et maire PS des 15e et 16e arrondissement de Marseille, Samia Ghali, a réitéré une proposition qu'elle avait déjà formulé : avoir recours à l'armée pour lutter contre le trafic de drogues dans les quartiers nord. Tollé. "Hors de question" selon le ministre de l'Intérieur Manuel Valls. Idem selon François Hollande. Sans grande surprise, les policiers n'y sont pas non plus favorables.

    "Le Nouvel Observateur" a questionné le délégué départemental du syndicat Unité SGP Police FO Alphonse Giovannini et le secrétaire zonal adjoint d'Alliance police David-Olivier Reverdy.

    Comment avez-vous acceuilli la proposition de Samia Ghali ?

    -A. Giovannini : "Nous travaillons déjà avec les militaires lors de certaines missions spécifiques de patrouilles dans des zones sensibles (gares, aéroports,...) dans le cadre du plan Vigipirate. Cela fonctionne très bien. Dans le cadre de missions liées à la criminalité, au trafic de drogue, ou à l'économie parallèle, on pense en revanche qu'il vaut mieux mettre des policiers que des militaires, qui n'ont pas la même connaissance de ces domaines. Ne pratiquons pas le mélange des genres. Cela risquerait, en outre, d'envenimer la situation. Il n'y a qu'à voir ce qu'il s'est passé hier soir. La jeune femme, au volant, s'en est miraculeusement sortie. Face à de tels voyous utilisant ce type d'armes, les risques de dommages collatéraux sont importants. Il faut être habitué à ce type de terrain. Nous le sommes. Et nous avons déjà nous-mêmes des difficultés à entrer dans certains secteurs."

    -D-O. Reverdy : "La France n'est pas en guerre. Chacun son boulot. Les militaires en ont un, nous en avons un autre. Ils ne sont en effet pas aguerris au trafic de drogue et à l'économie souterraine. Nous ne comprenons pas cette proposition : nous souhaitons disposer du même statut d'utilisation des armes que les gendarmes et on nous le refuse. Et après on propose de mettre des militaires, qui plus est dans un secteur retenu comme zone de sécurité prioritaire (ZSP) -nous aurions d'ailleurs préféré que toute la ville soit concernée, car la criminalité est partout à Marseille- et alors que nous ne savons pas encore ce que cela va donner. Cela ne nous paraît pas logique. Nous constatons en revanche une réelle prise de conscience de la criminalité à Marseille."

    Quelle sont, selon vous, les priorités ?

    -A. Giovannini : "Notre vrai problème est toujours le manque d'effectifs. Depuis les deux quinquennats précédents, la baisse est régulière. Deux écoles ont fermé à Marseille et à Fos-sur-Mer, et le manque de policiers sur le terrain est toujours fort. Peut-être le gouvernement pourrait-il, pour renforcer les effectifs à Marseille, revoir le système de mutation et diminuer les délais avant lesquels les policiers ne peuvent pas bouger ? L'autre gros problème que nous rencontrons est celui des services d'investigation : police judiciaire et sûreté départementale. Nous avons en ce moment deux règlements de compte par mois. La PJ est régulièrement saisie, mais n'a pas le temps d'enquêter qu'elle doit déjà repartir sur une autre affaire. Les fonctionnaires sont coincés dans les bureaux, et vont de moins en moins sur le terrain. Ils sont plus dans la réaction que dans l'action.

    Il faudrait gonfler l'UPU (Unité de prévention urbaine) qui va dans les cités, et renforcer le renseignement. Le préfet de police de Marseille devrait aussi avoir les mêmes prérogatives que celui de Paris et pouvoir saisir toutes les directions. Une meilleure coordination entre les services permettrait une plus grande efficacité et une action plus ciblée. On devrait également avoir un service spécialisé dans le trafic d'armes, ce qui n'a jamais été fait. On pourrait aussi remettre des commissariats dans les cités, ce qui éviterait que toute la cité soit au courant quand on souhaite y pénétrer.

    -D-O. Reverdy : "Il faut, c'est vrai, renforcer le renseignement pour obtenir des informations en amont et endiguer de manière plus efficace encore les phénomènes criminels. Et renforcer les services d'investigation qui font un travail de fourmi pour remonter et démanteler les réseaux. Nous devons aussi multiplier les patrouilles, comme lors de l'opération Brennus, il y a deux ans, avec les CRS. Il faut mettre des effectifs à l'intérieur et aux abords des cités pour gêner les acheteurs et les dealers, et sécuriser la population."

    Que pensez-vous de la réaction du ministre de l'Intérieur et du prochain comité interministériel ?

    -A. Giovannini : "Samia Ghali, coutumière du fait, est dans son rôle. Elle est des quartiers nord, et a voulu interpeller son gouvernement pour qu'il fasse bouger les choses. Nous allons voir ce qui va être fait, mais nous regrettons que Manuel Valls, qui s'est déjà déplacé à Marseille, ne nous ait toujours pas rencontrés au niveau local. Ce comité interministériel n'est pour l'instant qu'une annonce. Voyons ses modalités et si le gouvernement est réellement prêt à discuter."

    -D-O. Reverdy : "Il faut réunir tous les acteurs : bailleurs sociaux, éducation nationale, police et gendarmerie, justice,... pour travailler, ensemble, dans la même direction."


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