• L'armée égyptienne a-t-elle laissé faire les violences à Port-Saïd ?

    L'armée égyptienne a-t-elle laissé faire les violences à Port-Saïd ?

    Créé le 02-02-2012 à 13h10 - Mis à jour à 15h44      Réagir

    Interview de Pascal Boniface, directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et secrétaire général de la Fondation du football.

     
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    En marge du match de football opposant Al-Ahly et Al-Masry à Port-Saïd, des violences ont éclaté entre supporters faisant au moins 74 morts. (Sipa)

    En marge du match de football opposant Al-Ahly et Al-Masry à Port-Saïd, des violences ont éclaté entre supporters faisant au moins 74 morts. (Sipa)

     

    Les violences dans les stades égyptiens ne sont pas rares. Mais l'ampleur qu'elles ont prises mercredi 1er février à Port-Saïd entre les supporters d'Al-Masry et Al-Ahly (club du Caire le plus titré du pays) pose la question de l'inaction des forces de sécurité, dans un contexte politique toujours très tendu. Au moins 74 personnes sont décédées et prés de 200 autres sont gravement blessées. Interview de Pascal Boniface, directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et secrétaire général de la Fondation du football.

    Voyez-vous une relation de cause à effet entre la levée de l'état d'urgence il y a peu et les violences survenues en marge du match de football entre Al-Ahly et Al-Masry à Port-Saïd ?

    - Sans parler de complot, on peut quand même mettre en avant la très grande carence en matière de sécurité. La question est de savoir si cette carence était volontaire ou non. Malheureusement, on peut craindre qu'elle ne soit pas tout à fait involontaire. Et que la stratégie du choc et de la tension soit ici en œuvre pour démontrer qu'en l'absence d'un pouvoir militaire fort le risque de voir l'anarchie s'installer est grand. C'est un scénario qui est largement connu. Il n'est pas besoin de tomber dans la théorie du complot pour y souscrire, ou en tout cas penser qu'il s'agit du scénario le plus probable.

    Le rôle majeur des "ultras" pendant la révolution renforce-t-il les soupçons ?

    - Les supporters des clubs du Caire (Al-Ahly et le Zamalek) ont été très mobilisés contre Hosni Moubarak. Beaucoup plus que ceux de Port-Saïd d'ailleurs. Est-ce que le pouvoir a voulu prendre une revanche sur eux ? Quoi qu'il en soit, il est assez curieux que des violences démarrent après une victoire. Il est également curieux que des gens viennent au stade avec des barres de fer et des couteaux. Encore plus étonnant qu'ils puissent pénétrer sur la pelouse sans que les forces de sécurité ne s'interposent. L'absence de réactivité des forces de sécurité dans un pays où généralement elles n'hésitent pas à intervenir (on l'avait vu par exemple en novembre 2009 lors du match entre l'Egypte et l'Algérie) pose de graves questions pour ne pas dire des soupçons très forts.

    La solidarité des "ultras" du Zamalek avec de ceux d'Al-Ahly pourtant ennemis de toujours est une preuve de plus, selon vous ?

    - En tout cas, cela montre que les supporters ne sont pas forcement tentés par la violence. Qu'il y a certainement chez eux le sentiment que le football a été instrumentalisé au service de causes politiques pas très claires. Encore une fois, ces évènements posent plus de questions sur l'attitude des forces de sécurité égyptiennes que sur le football lui-même.

    Mais n'y a-t-il pas une culture de la violence chez les "ultras" égyptiens ?

    - Les stades égyptiens ne sont pas les plus violents du monde, mais il est vrai qu'il y a eu des épisodes violents dans le passé. C'est pour cela d'ailleurs que les matches sont en règle générale surveillés. A fortiori dans la période actuelle, on ne peut que s'étonner qu'aucun dispositif de sécurité réel n'ait été mis en place.

    Quelle peuvent être les conséquences de ces violences alors que la situation politique demeure instable ?

    - Soit les forces de sécurité en profitent pour instaurer leur loi en disant "voyez dès que les militaires lâchent un peu de lest, l'insécurité règne". Les pouvoirs répressifs se sont toujours présentés comme des remparts à l'anarchie. La véritable question à laquelle je suis pour l'heure incapable de répondre est : de ces violences va-t-il naître une mobilisation encore plus forte contre les forces de sécurité ou est-ce que celles-ci vont prendre l'avantage pour imposer leur loi. Bref, qui sortira vainqueur de ce bras de fer ?

     

    Benjamin Harroch

     

    Par Benjamin Harroch

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