La réunion des ministres des Finances de la zone euro sur un éventuel sauvetage financier de la Grèce se déroulait dans un climat de défiance vis-à-vis d’Athènes, augurant de longues négociations et compromettant les espoirs d’une percée qui éloignerait le spectre d’un «Grexit».

Les discussions «sont bloquées sur le manque de confiance», a affirmé à l’AFP une source proche des discussions, plus de deux heures après le début de la réunion de l’Eurogroupe.

«On parle de rebâtir la confiance», a confié une autre source.

L’Eurogroupe doit théoriquement avancer dans les discussions sur un éventuel troisième plan de sauvetage financier de la Grèce avant un sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union prévu dimanche soir, qui a pour objet, dans le meilleur des cas, de donner la première impulsion vers un accord.

 

- Les faucons en formation serrée -

 

A leur arrivée, les faucons de l’Eurogroupe ont fondu toutes serres dehors sur la Grèce, dénonçant des propositions grecques insuffisantes et mettant en doute la sincérité du gouvernement de gauche de Syriza à appliquer effectivement les réformes qu’ils proposent en échange de l’aide européenne.

«Il y a un gros problème de confiance», a déclaré le patron de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem.

«Est-ce qu’on peut faire confiance au gouvernement grec pour qu’il fasse ce qu’ils promettent dans les prochaines semaines, (les prochains) mois ou (les prochaines) années ?», s’est interrogé M. Dijsselbloem.

Le leader du camp des durs, le grand argentier allemand Wolfgang Schäuble, a prédit des négociations «extrêmement difficiles». «Nous ne pouvons pas avoir confiance dans des promesses», a-t-il ajouté, enfonçant le clou de la défiance vis-à-vis du gouvernement en place à Athènes.

Les espoirs de règlement nés à la fin de l’année dernière «ont été réduits à néant de manière incroyable ces derniers mois», a martelé le ministre conservateur allemand, en référence aux six mois de gouvernement de Syriza et autant de négociations infructueuses entre Athènes et ses créanciers.

«Plusieurs gouvernements, dont le mien, ont de sérieux doutes sur l’engagement du gouvernement grec et sur sa capacité à mettre en oeuvre (les réformes)» a estimé le secrétaire d’Etat aux Finances néerlandais Eric Wiebes.

En face, même les colombes de l’Eurogroupe, favorables à Athènes, attendaient le ministre grec des Finances Euclide Tsakalotos de pied ferme.

«Il faut des réformes mises en oeuvre rapidement (en Grèce, ndlr), c’est la clé de tout (...) pour débloquer un programme, pour traiter la question de la dette», a souligné le Commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici.

Ce programme, incluant une hausse de la TVA, des coupes dans les retraites et des privatisations, avait été accueilli plutôt favorablement par les créanciers, l’Union européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international.

Les pays les plus accommodants avec Athènes avaient aussi bien accueilli les propositions hellènes.

Les faucons, qui avaient eux gardé le silence ces trois derniers jours, ont descendu en flammes samedi les propositions.

Elles «sont loin d’être suffisantes», a ainsi jugé Wolfgang Schäuble.

«Les propositions auraient été bonnes dans le cadre du deuxième programme d’aide, mais j’ai peur qu’il soit insuffisant pour lancer un troisième programme», a argué le slovaque Peter Kazimir.

 

- 74 à 82 milliards d’euros -

 

Selon les calculs des créanciers (UE-FMI-BCE), si le troisième plan d’aide demandé par Athènes voit le jour, la Grèce pourrait recevoir entre 74 et 82 milliards d’euros sur trois ans, dont 16 milliards déjà prévus dans un programme du FMI devant expirer en mars 2016.

L’Eurogroupe pourrait aussi étudier une solution transitoire, «un pont» financier qui permettrait à la Grèce de rembourser le 20 juillet la Banque centrale européenne. Cette solution transitoire mobiliserait notamment quelque 3,3 milliards d’euros promis dans le passé à la Grèce et détenus par les banque centrales de la Zone euro.

Mais cette aide massive ne pourrait se concrétiser qu’au prix de réformes, difficiles et impopulaires. Ce sont peu ou prou ces mesures qui ont été rejetées par les électeurs lors du référendum du 5 juillet.

Les Grecs avaient alors rejeté, par 61% des voix, des mesures d’austérité exigées par les créanciers, très semblables au dernier plan présenté par le gouvernement Tsipras et finalement voté dans la nuit de samedi par le Parlement à Athènes.

De plus, Alexis Tsipras doit maintenant faire face au mécontentement de son aile dure, hostile aux créanciers. Sept à huit mille personnes ont manifesté vendredi soir à Athènes pour exprimer leur mécontentement contre ce qu’ils considèrent comme une trahison.

En Grèce, soumise à des contrôles de capitaux depuis le 29 juin, l’économie tourne toujours au ralenti.

«Quand je vais au supermarché, il n’y a pas beaucoup de nourriture, il n’y a même plus de lait pour mon bébé dans les pharmacies», confiait Marilena Mouzaki, 35 ans, en promenant son bébé de 11 mois.

«Nous ne savons toujours pas ce qui va se passer. Peut-on s’attendre à du mieux, ou bien est-ce que ça sera l’Apocalypse ?», s’inquiétait Vassilis Papoutsoglou, 52 ans, faisant la queue pour retirer de l’argent à un distributeur.