• L?Italie adopte une loi contre le féminicide

    L’Italie adopte une loi contre le féminicide

    Le terme  féminicide  est désormais couramment employé en Italie pour désigner toute forme extrême  de violence contre les femmes, la plupart en milieu familial. Le crime de féminicide vient d’entrer dans le droit italien.

     

    Fin 2012 à Milan, ces chaussures de femmes de couleur rouge ont été déposées afin de protester co...

    MAULE/Fotogramma/ROPI-REA 

    Fin 2012 à Milan, ces chaussures de femmes de couleur rouge ont été déposées afin de protester contre la violence faite aux femmes.

    Avec cet article

    Depuis janvier 2013, l’Italie enregistre un meurtre de femme, commis par un homme, toutes les soixante heures. Dans huit cas sur dix le criminel est un proche de la victime. Dernier en date – le 16 août – celui d’une Italienne de 38 ans morte sous les coups de son compagnon de 35 ans, chauffeur routier au chômage. 

    Le couple, qui vivait dans le Piémont, se disputait souvent. Trois jours avant, à Trente, dans le Haut-Adige, un avocat de 45 ans tuait de quatre coups de couteau, son ex-compagne, âgée de 31 ans. Il ne supportait pas qu’elle vive avec un nouveau compagnon.

    La violence des hommes contre les femmes en Italie touche toutes les zones géographiques de la péninsule, toutes les couches sociales. Les 93 victimes recensées depuis janvier 2013, étaient âgées de 25 à 65 ans. En 2012, selon le ministère de l’intérieur,  124 femmes étaient tuées par un proche (mari, conjoint ou ex) et 47 grièvement blessées, dans 63 % des cas à leur domicile.

    « désir fou de possession extrême »

    Jalousie et vendetta sont indiquées comme les déclencheurs des meurtres de femmes. Mais d’après certains experts, il serait plus juste de dire que ce qui arme la main d’un violent « c’est un désir fou de possession extrême ». Gabriella Moscatelli, présidente de l’association Telefono Rosa, fondée en 1998 pour venir en aide aux femmes victimes de violences, insiste sur les raisons culturelles des féminicides

     « Notre société se caractérise encore par un patriarcat avec des formes dominantes dans la mentalité collective. On le constate tous les jours, que ce soit en termes de responsabilités institutionnelles, politiques ou entrepreneuriales. »

    Pour mieux expliquer certaines spécificités italiennes, elle rappelle que jusqu’en 1981, si un mari tuait une épouse infidèle « le crime était justifié, comme délit d’honneur, et le meurtrier s’en sortait avec une peine très légère ». Autre exemple : la loi sur la violence sexuelle qui punit le viol comme un crime contre la personne, et non plus contre la morale, n’a été adoptée qu’en 1996.

    un lien entre la montée des féminicides et l’émancipation des femmes

     « La conception de la femme – épouse, fiancée, mère ou fille – est encore souvent celle d’un objet de possession et de contrôle ». Et Gabriella Moscatelli de poursuivre. « Je ne sais pas à quel point le taux de féminicides a augmenté dans notre pays, depuis les siècles derniers, car on ne parle ouvertement de ce phénomène que depuis le début des années 2000. Mais il existe un lien certain entre l’émancipation des femmes et le refus de leur autonomie de la part d’Italiens qui sentent vaciller leur pouvoir machiste. »

    À la mi-juin, l’Italie a été le 5e  État à ratifier la Convention d’Istanbul. C’est-à-dire la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique qui, elle, touche 1 femme sur 3 dans la péninsule.

    Et un décret-loi adopté par le gouvernement pour mieux protéger les femmes des violences vient d’être présenté au Parlement. Il prévoit des peines plus dures et des circonstances aggravantes, notamment en cas de violences commises devant un enfant ou sur une femme enceinte. Il prévoit aussi que toute plainte présentée ne pourra plus être retirée et rend les poursuites obligatoires. 

    la prévention doit encore être améliorée

    L’arrestation d’agresseurs surpris en flagrant délit de harcèlement ou de mauvais traitements devient également obligatoire. Autre point clé, les maris ou compagnons violents seront éloignés du domicile familial. En outre, les victimes de violences, indépendamment de leur nationalité, bénéficieront du soutien gratuit d’avocats.

     « Ce décret qui introduit le crime de féminicide dans le droit italien représente un pas important, reconnaît la présidente de Telefono Rosa. Mais pour combattre efficacement la violence contre les femmes, il faut aller plus loin et très vite. Des campagnes de prévention d’éducation sont nécessaires dès l’école maternelle. Il faut aussi augmenter le nombre de centres d’accueil. »

    Elle déplore aussi l’absence, dans le décret-loi, de mesures pour la prise en charge des hommes violents. « La répression n’a aucun sens si elle n’est pas accompagnée d’un suivi spécifique », rappelle Gabriella Moscatelli.

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    Les violences faites aux femmes en France

    Dans l’Hexagone, 400 000 femmes ont été victimes de violences conjugales en deux ans, commises par le conjoint ou l’ex-conjoint. Les victimes se rendent très rarement au commissariat. Le taux de plainte varie de 2 % pour les violences sexuelles à l’intérieur du ménage à près de 20 % pour les violences ayant entraîné des blessures.

    Les femmes jeunes et de milieu modeste sont les premières victimes. 3,8 % des femmes vivant en zone urbaine sensible déclarent des violences physiques au sein de leur ménage, contre 2,4 % dans les quartiers voisins.

    En 2011, 122 femmes sont mortes sous les coups de leur compagnon ou ex-compagnon. Le passage à l’acte est souvent causé par une séparation mal vécue (40 % des cas).

    Le coût des violences conjugales est estimé à 2,5 milliards d’euros par an, soit près de 40 € par habitant. Cette somme se répartit notamment entre les coûts médicaux, les frais de justice et de police et la perte de production liée au décès ou à l’incarcération.

    Anne Le Nir, à ROME


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