La Belgique est devenu jeudi 13 février le premier pays au monde à légaliser, sans fixer de condition d'âge, l'euthanasie pour les enfants et adolescents atteints de maladie incurable et affrontant « des souffrances insupportables ». Le texte, déjà adopté en décembre par les sénateurs, a été approuvé sans difficulté par les députés.
Le pays dispose depuis 2002 d'une loi sur l'euthanasie qui concerne des personnes majeures et conscientes formulant une demande « volontaire, réfléchie et répétée » examinée par trois médecins. Les auteurs du texte soumis au vote parlementaire estiment eux que la décision de fin de vie, « acte d'humanité posé en dernier recours », doit être aussi accessible aux mineurs, à condition qu'ils jouissent d'une capacité de discernement, évaluée par un psychologue ou un pédopsychiatre.
« APPRÉCIER TOUTES LES CONSÉQUENCES » DE SA DÉCISION
Les enfants gravement malades, en phase terminale, affrontant « des souffrances physiques et insupportables » – la notion de souffrance psychique a été écartée – pourront demander l'euthanasie, à condition que leurs deux parents soient d'accord. Le texte ne fixe pas de limite minimale d'âge, divers spécialistes auditionnés ayant estimé que le discernement ne peut être déduit simplement de l'âge d'un enfant.
Les Pays-Bas, qui disposent d'une loi depuis 2002 – et n'ont officiellement recensé que cinq cas depuis lors – n'autorisent, eux, l'euthanasie que pour les jeunes de plus de 12 ans. Les parlementaires belges ont jugé qu'il faut plutôt déterminer si la demande d'un patient est éclairée et s'il est « en capacité d'en apprécier toutes les conséquences ». Ce discernement du mineur sera estimé au cas par cas par l'équipe médicale et par un psychiatre ou un psychologue indépendant, tenu d'établir un rapport écrit.
Pour tenter de rassurer les opposants, les élus soulignent qu'aucun médecin ne sera contraint de pratiquer l'acte d'euthanasie et que le vote de la loi ne limitera ou n'empêchera en rien le recours à un traitement palliatif. Ils indiquent également que d'autres conditions, en vigueur pour les majeurs, restent d'application. Il conviendra ainsi qu'un deuxième médecin soit consulté et que toute demande fasse l'objet d'une discussion avec l'équipe soignante.
DES PARTIS DIVISÉS
Les partis politiques sont divisés sur ce vote, mais lors de l'examen du texte au Sénat et en commission de justice de la Chambre, une majorité alternative s'est dégagée : si les deux partis chrétiens démocrates – le CD&V néerlandophone et le CDH francophone – ont rejeté l'initiative, les voix du parti indépendantiste Alliance néo-flamande (NVA) se sont alliées à celles des écologistes, des socialistes et des libéraux flamands pour approuver le texte. Le sixième parti de la coalition gouvernementale, le Mouvement réformateur (libéral francophone), compte quelques voix dissidentes mais soutient largement l'extension aux mineurs de la loi sur la fin de vie.
Quelque 160 pédiatres – soit 10 % de la profession environ – ont tenté, mardi, un ultime baroud en s'adressant au président de la Chambre pour lui demander de différer le vote. Les partis démocrates chrétiens ont formulé une exigence semblable en s'interrogeant sur le « flou » de la loi à venir concernant l'évaluation de la capacité de discernement d'un enfant. Ils se demandaient aussi comment sera réglé le sort d'un jeune malade dont les parents seraient en désaccord. Dans des séances de prière plus symboliques que massives, l'Eglise catholique a, elle aussi, témoigné de son hostilité à cette loi.