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Débordé par les réseaux sociaux et empêtré dans un scandale politique qui a mis au jour des luttes intestines, le gouvernement chinois a fini par réagir en interdisant pendant trois jours, jusqu'au mardi 3 avril, les commentaires sur les deux principaux sites de microblogs, suscitant une avalanche de réactions négatives.
Cette décision a été annoncée le 31 mars dans des messages aux centaines de millions d'usagers de Sina weibo et Tencent weibo. Six personnes ont également été arrêtées pour "création et propagation de rumeurs" et 16 sites Internet fermés. Officiellement, il s'agit de "nettoyer" la "fabrique à rumeurs", qui s'est emballée ces dernières semaines avec l'affaire Bo Xilai, ancien numéro un de la mégapole de Chongqing et étoile montante de la politique chinoise destitué après la tentative de défection d'un proche dans un consulat américain.
La fausse nouvelle la plus remarquée a été l'annonce d'un coup d'Etat à Pékin avec déploiement de chars. Dans un éditorial, le quotidien Global Times, connu pour sa ligne "nationaliste éclairée", avait mis en garde le 26 mars contre l'avènement d'une "république des rumeurs". Elles sont un "poison" qui nuit à la stabilité et à l'unité du pays, même si, avait ajouté le journal, les dirigeants ont une part de responsabilité en raison de leur manque d'ouverture.
Les usagers, qui peuvent cependant toujours publier des messages, ont vivement réagi. Un professeur de droit de Shanghaï a lancé un appel pour porter plainte. Le promoteur immobilier de Pékin Pan Shiyi, suivi par plus de 9,5 millions d'abonnés, use, lui, de l'ironie: "Un journaliste d'une télévision vient de me demander: "Avez-vous un commentaire sur la décision de Sina et de Tencent de fermer les commentaires?" Réponse: "Je n'ai pas de commentaire.""
INGÉNIOSITÉ
En trois ans, les weibo (microblogs), versions chinoises de Twitter, se sont imposés comme un contre-pouvoir et une plate-forme de mobilisation sociale avec plus de 300 millions de comptes. Si, lors du premier printemps de Pékin en 1979, les Chinois utilisaient les "dazibaos" (affiches en grands caractères) pour exprimer leurs griefs au "mur de la démocratie", ils ont désormais recours aux messages en 140 caractères.
Ce renforcement de la censure est aussi une sanction envers Sina et Tencent. Le régime communiste leur a sous-traité la censure et ils sont chargés de faire respecter les règles en matière de "liberté d'expression". Mais, ces dernières semaines, un flottement était apparu. La parole se libérait, trop aux yeux d'un régime qui se prépare à une transition au 18e congrès du Parti communiste à l'automne et redoute toute instabilité.
Malgré le renforcement du contrôle des internautes et de la censure, le Parti, habitué au secret et à l'opacité, est dépassé par la multitude et surtout l'ingéniosité des internautes. Quand "Bo Xilai" est censuré, s'y substituent "BXL" ou bien "buhou" ("pas épais" en chinois), qui fait référence au caractère utilisé pour le nom de famille de l'ancien dirigeant de Chongqing (Bo, qui signifie mince).