• La gauche va-t-elle s’attaquer à l’emploi à domicile ?

    La gauche va-t-elle s’attaquer à l’emploi à domicile ?

    Créé le 04-07-2012 à 12h05 - Mis à jour à 17h51  lien

    Bruxelles a sommé la France de revoir les avantages fiscaux offerts aux nounous et autres services à domicile. Le gouvernement pourrait être tenté de coopérer en relevant le taux de TVA et les impôts... et ainsi dégager de nouvelles économies de budget.

    "Le secteur a rapporté 8,6 milliards d’euros à l’Etat grâce au travail au noir déclaré, aux recettes fiscales, aux taxes acquittées par les entreprises, et aux économies sur les infrastructures (crèches, maisons de retraite)", selon Maxime Aiach d'Acadomia. (c)SIPA

    "Le secteur a rapporté 8,6 milliards d’euros à l’Etat grâce au travail au noir déclaré, aux recettes fiscales, aux taxes acquittées par les entreprises, et aux économies sur les infrastructures (crèches, maisons de retraite)", selon Maxime Aiach d'Acadomia. (c)SIPA
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    C’est peut-être le dernier été où l’emploi d’une aide à domicile ne fera pas de mal au porte-monnaie. C’est le message choisi par l’entreprise "Cnikel" qui alerte ses clients sur la nécessité de profiter des emplois à domicile pendant les vacances, avant l’éventuel coup de rabot sur ce dispositif fiscal qui pourrait bientôt passer sous le couperet de l’austérité budgétaire. "Gardiennage, relève du courrier, arrosage des plantes… peut-être les dernières vacances avec réductions fiscales !", s’alarme l’entreprise de services à domicile. Et pour cause. Pour ses prestations, la TVA pourrait repasser à 19,6%, contre 7% actuellement, et 5,5% pour les services aux personnes âgées et handicapées.

    Dans l’immédiat, rien en ce sens n'est apparu dans le discours de cadrage prononcé hier à l’Assemblée nationale par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, - étant d'abord prévues les augmentations d'impôts pour les plus hauts revenus.- Mais à l’heure où le gouvernement cherche 33 milliards d’euros d’économies budgétaires pour 2013, la "niche nounou", ce crédit et réduction d'impôts octroyés aux ménages français qui payent un service à domicile, pourrait bien être aussi sur la sellette, au même titre que la TVA réduite pour les professionnels du secteur.

    3,6 millions de foyers, pas tous "des riches"

    Le sujet est brûlant car les Français sont devenus adeptes du service à domicile. Ils sont 3,6 millions de foyers - qui emploient plus d’1,7 million de personnes- à être concernés par le crédit d'impôt que François Hollande a annoncé vouloir abaisser de 50% à 45% dans la déclaration fiscale du ménage. Une hausse d'impôts mécanique qui impacterait le budget des foyers, prévient la Fepem, la Fédération des particuliers employeurs de France. 

    Le gouvernement pourra-t-il justifier la fin des avantages en présentant le service à domicile comme un luxe, que seuls les plus aisés peuvent se payer ? En 2009, ils étaient 2 millions de ménages imposables -et pas nécessairement actifs- à avoir bénéficié de la déduction d'impôt, indique la Fepem. "On ne peut pas dire aujourd’hui que c’est un dispositif pour les riches", s'est indignée Marie-Béatrice Levaux, la présidente de la Fepem, au micro d’Europe 1 ce mercredi. 

    Dans les faits, les dépenses de ces ménages pour ces services ne semblent pas excessives. En 2008, ces prestations ont représenté 2.400 euros en moyenne pour un foyer, selon l'Insee. Sur la dépense médiane, c'est-à-dire avec une moitié qui dépensent le plus face aux autres qui dépensent le moins, la dépense se chiffrait à 1.250 euros en 2008- soit un peu moins qu'un SMIC, sur l'ensemble des services à domicile, incluant ceux des entreprises spécialisées. A titre de comparaison, un foyer français dépense en moyenne plus 2.340 euros en téléphonie, ordinateur et Hi-Fi, sur l'année 2010, selon les chiffres 2010 de Médiamétrie.

    Une manne de plus 3 milliards d'euros

    De son côté, Bruxelles met la pression sur Paris. Car pour la Commission européenne, seule la catégorie des "services de soins à domicile" (aide à domicile, soins destinés aux enfants, aux personnes âgées, malades ou handicapées), peut en effet bénéficier d’un taux de TVA à 7%. Fin juin un "avis motivé", qui précède la saisine de la cour de justice européenne, a été adressé au gouvernement.

    Pour l'Etat, la facture est salée. En 2011, le coût du crédit d’impôt a coûté 1,89 milliards pour l’Etat, soit 8% de plus que prévu par rapport au chiffrage initial. De même, la réduction d’impôt pour les ménages aura elle pesé pour 1,29 milliards d’euros, selon le rapport ministériel de 2011. 

    "Un mécanisme suicidaire"

    Mais le secteur n'entend pas se laisser ainsi déposséder de tels avantages. "Je suis assez perplexe, vouloir changer les règles du jeu est énormément destructeur", dénonce Maxime Aiach, le PDG d’Acadomia, le spécialiste des cours à domicile, et de Shiva, l'enseigne dédiée à l’aide-ménagère. Selon le chef d’entreprise qui emploie "5.000 plein-temps et 500 personnes en agences", la suppression de ces avantages au secteur de l’emploi à domicile serait en plus une nouvelle manne pour le travail au noir.

    Outre la nécessaire protection des "marges", attaquées par "un mécanisme suicidaire", selon Maxime Aiach, c’est tout un secteur qui pourrait être ébranlé par la prochaine loi de finances présentée en septembre. "Il y aura un risque de défaillances d’entreprise dès la rentrée", prévient-il et de préciser que le secteur rapporte actuellement une jolie cagnotte de "8,6 milliards d’euros à l’Etat grâce au travail au noir déclaré, aux recettes fiscales, aux taxes acquittées par les entreprises, et aux économies sur les infrastructures (crèches, maisons de retraite)".

    Ralentissement de l'emploi sur le secteur, hors garde d'enfants

    Du coup, avant la trêve estivale, le lobbying du secteur s’affaire. La Fepem vient de publier son baromètre montrant les conséquences de la fin des exonérations liée à la fin de l’abattement de 15 points sur les charges pour les particuliers employeurs, votées par le gouvernement Fillon fin 2010. "Nous avons déjà consenti à ce premier rabot", souligne la Fepem qui pointe dans son baromètre "une faible progression de 1,3% du nombre d’heures rémunérées en 2011" par rapport à 2010.

    D'autres signaux montrant un ralentissement de l'activité dans ce secteur apparaissent. Au premier trimestre 2012, le nombre de particuliers employeurs s'est contracté de 0,5%, après avoir baissé durant trois trimestres sur quatre en 2011, selon les chiffres publiés ce mardi par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). Seul le secteur de la garde d'enfants est dynamique, signant une hausse de 3,1% sur un an grâce à une forte demande en régions Ile de France et PACA, souligne l'Acoss.

    Avant les discussions sur le projet de budget de 2013 en septembre, le secteur entend donc peser. "Laissez-nous créer des emplois face au travail au noir, notre vrai concurrent, qui s’arroge toujours aujourd'hui 75% du marché", conclut Maxime Aiach.


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