Thomas Thévenoud dans la cour de l'Élysée, le 27 juillet 2014 (B.GUAY/AFP)
La "phobie administrative" est une entité médicale qui n’existe pas. La littérature psychiatrique, qui adore pourtant décrire tous types de phobies, ne l’a jamais définie. Par ailleurs, je n’ai jamais reçu en consultation qui que ce soit s’affirmant être phobique de l’administration.
La phobie ne concerne que des objets précis
Tout d’abord, la phobie définit la peur par rapport à un objet ou une situation précise. Or, l’administration en tant que telle est beaucoup trop vague pour constituer une cause de phobie.
La phobie se définit par deux critères principaux :
1. Elle se déclenche à chaque confrontation avec l’objet dont on a peur ;
2. Elle est caractérisée à partir du moment où il y a évitement de la situation. Si je suis phobique de l’ascenseur, je vais, par exemple, préférer prendre les escaliers, même si j’ai 10 étages à monter.
En termes psychopathologiques, la phobie consiste à concentrer son stress sur une situation pour éviter l’angoisse générale, c’est un mécanisme inconscient.
On n'est pas "phobique" de la vaisselle ou du ménage
Néanmoins, il ne faut pas confondre la peur, le dégoût et la phobie. Ne pas aimer les tâches administratives ne constitue pas une phobie. Il y a un tas de corvées dans la vie qu’on n’aime pas effectuer, comme le ménage. Est-ce pour autant que l’on peut s’affirmer "phobique de la vaisselle" ?
C’est un total abus de langage. Une utilisation familière d’un terme reconnu dans le champ psychiatrique. Cette justification procède d’une défense par la psychiatrie : c’est contre moi, ce n’est pas de ma nature d’être comme ça, c’est une pathologie mentale.
Mais je n’ai jamais reçu en consultation de phobique de l’administration.
Il est de plus en plus fréquent d’entendre le terme de "phobie" utilisé pour justifier des comportements étranges ou gênants, entraînant ainsi une médicalisation de comportements qui n’ont parfois rien de médical. On ne peut plus imaginer qu'une attitude soit étrange sans qu’il y ait, derrière, une pathologie mentale. Cela doit cesser : toute déviance comportementale ne doit pas rentrer dans le champ du médical.
Propos recueillis par Rozenn Le Carboulec.