• LA RIGUEUR , ce mot qui fait peur...

    Le gouvernement renforce les mesures de réduction des dépenses publiques mais refuse la qualification de "plan de rigueur", une expression synonyme d'échec depuis 1983 et le tournant politique de François Mitterrand.


    François Fillon
     annonce le gel strict des dépenses de l'Etat à leur valeur actuelle pendant les trois années à venir. Précédemment, le gouvernement s'accordait une petite marge, les dépenses de l'Etat pouvant augmenter proportionnellement à l'inflation.

    Profitant de la crise grecque, le Premier ministre français réaffirme ainsi son engagement à mettre en œuvre des moyens drastiques pour ramener le déficit public à moins de 3% en 2013, conformément au plan de redressement transmis à Bruxelles, afin de respecter le pacte de stabilité européen.

    Pour cela, François Fillon confirme la poursuite de la politique de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique, bien que le manque de personnel se fasse sentir dans certaines branches, comme l'Education nationale.

    De plus, il annonce le "réexamen" des dépenses d'intervention qui regroupent essentiellement des aides économiques, des aides à l'emploi, et des aides sociales alors que les conséquences de la crise financière frappe la France de plein fouet.

    Pour le président socialiste de la commission des finances de l'Assemblée Jérôme Cahuzac, François Fillon profite de la crise grecque pour "assumer" devant les Français "une politique de rigueur" déjà inscritedans le "programme de stabilité transmis aux autorités communautaires".

     La rigueur ne dit pas son nom

    Le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, affirme sans sourciller que tous les Français seront "touchés" par cette politique drastique de lutte contre le déficit public. Et cela tout en excluant "une politique de rigueur", avec une "augmentation massive des impôts", qui selon lui "asphyxierait l'économie".

    Côté recette, en effet, François Fillon s'en tient à la réduction des niches fiscales, refusant de remettre en cause le bouclier fiscal, bien qu'il soit toujours "à la tête d'un Etat en situation de faillite", comme il le déclarait en 2007, la crise mondiale n'ayant pas vraiment arrangé les choses.

    Le Premier ministre, comme Luc Chatel et Christine Lagarde, la ministre de l'Economie, évite soigneusement d'employer l'expression de "politique de rigueur". Pourquoi tant de précautions ? Parce que la rigueur, comme en témoigne l'expérience des gouvernements précédents, est un mot qui fait peur.

     

    Le tournant de la rigueur de François Mitterrand

    Quatre mois après son arrivée à Matignon, en septembre 2007, François Fillon déclarait : "Je suis à la tête d'un Etat qui est en situation de faillite sur le plan financier, je suis à la tête d'un Etat qui est depuis 15 ans en déficit chronique, je suis à la tête d'un Etat qui n'a jamais voté un budget en équilibre depuis 25 ans. Ça ne peut pas durer".

    Pourtant, l'histoire ne fait que se répéter. 25 ans plus tôt, le Premier ministre de l'époque, Pierre Mauroy, avait déjà dû faire face au déficit public filant en menant une politique de rigueur.

    En 1983, pour des raisons bien différentes de celles présentées aujourd'hui, les finances de l'Etat sont dans un état catastrophique. François Mitterrand, ayant tenu ses promesses de campagne, a augmenté considérablement les dépenses de l'Etat depuis 1981, réévaluant le Smic, les salaires, et les prestations sociales. Il pense pouvoir gagner des points de croissance par la relance de la consommation.

    Mais les entreprises ne peuvent répondre à l'augmentation de la demande et la France est contrainte d'importer davantage. Pour compenser une balance commerciale déficitaire, le franc est dévalué à plusieurs reprises, et l'inflation s'envole.

    Dès juin 1982, 25 ans avant François Fillon, Jacques Delors, Pierre Mauroy et les différents conseillers économiques du président tirent la sonnette d'alarme. François Mitterrand, qui a allègrement critiqué la politique "d'austérité" de Raymond Barre à la fin du septennat de Valéry Giscard d'Estaing, se résout à mener une politique de "rigueur".

     

    La rigueur synonyme de drame social

    En 1983, les finances de l'Etat sont dans le rouge. Pierre Mauroy, avec l'aide de son nouveau ministre de l'Economie, Pierre Bérégovoy, met en place une politique de rigueur, voire d'austérité, visant la désinflation : augmentation des taux directeurs, baisse des dépenses publiques et sociales, augmentation des prélèvements obligatoires.

    Les entreprises gagnent en compétitivité, mais le pouvoir d'achat des ménages baisse. Avec l'augmentation des profits, elles peuvent réduire leur dette et financer leur restructuration. Le chômage augmente, alors que l'économie et le marché du travail est dérégulé. Les rapports de force entre employeurs et salariés s'inversent, mais la croissance est en berne.


     "La rigueur, c'est l'augmentation des impôts"

    Nicolas Sarkozy explique en juin 2009 devant le Congrès à Versailles qu'il ne mènera "pas la politique de la rigueur parce que la politique de rigueur a toujours échoué".

    Mais quel que soit le nom qu'on lui donne, la politique du gouvernement, que François Fillon vient de durcir, consiste à reconnaître le déséquilibre du budget, et à réduire drastiquement les dépenses sans augmenter les impôts.

    Le gouvernement joue aux équilibristes sémantiques, puisque sans une hausse des prélèvements, les coupes dans les budgets n'en seront que plus dures.

    "Pourquoi nous ne voulons pas de la rigueur ? Parce que la rigueur c'est l'augmentation des impôts et ça pourrait briser le début de reprise que nous connaissons, explique Luc Chatel. En face, j'entends dire qu'il faudrait jouer sur les recettes. Donc, en clair, les socialistes, comme toujours, vont vouloir augmenter les impôts".

    Les socialistes ont notamment demandé le retrait du bouclier social instauré par le gouvernement.

     Pas de rigueur pour les plus riches

    Comment évoquer sans malaise le "réexamen" des aides sociales en pleine crise de l'emploi alors que le bouclier fiscal n'est toujours pas remis en cause ?

    Le Premier ministre insiste : "Nous, nous avons choisi, le plan de relance mis à part, de réduire la pression fiscale lorsque c'était possible et de diminuer la dépense publique".

    Comme François Mitterrand en 1981, le chef de l'Etat a débuté son mandat en tenant ses promesses de campagne. Mais à la différence de son prédécesseur, l'ancien maire de Neuilly na pas distribué l'argent public aux classes les plus modestes mais à ceux qui paient le plus d'impôts. Il a réduit la pression fiscale pour les plus riches.

    Nicolas Sarkozy  voulait créer un "choc de confiance", mais celui-ci ne s'est jamais produit, la crise financière ayant brisé tout espoir. Et alors que l'évasion fiscale ne diminue pas, le bouclier fiscal engendre un manque à gagner d'environ 600 millions d'euros en 2009 pour l'Etat
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