Elles sont 120, agglomérations ou collectivités locales, à avoir répondu au troisième appel d’offres du ministère des Transports, en mai 2013. Doté de 450 millions d’euros, celui-ci devait leur permettre d’obtenir des financements pour des projets de transports collectifs évalués, dans leur ensemble, à six milliards d’euros. Problème : depuis l’annonce de la suspension de l’écotaxe à l’automne, l’Etatmanque de fonds. Les résultats de l’appel d’offres se font attendre, tout comme d’éventuelles pistes de financement alternatives.
BREST : «ON TABLAIT SUR DEUX MILLIONS D’EUROS»
Une situation embarrassante pour de nombreuses collectivités, qui, à quelques semaines des élections municipales, ne savent si elles pourront mener à bien des programmes de longue date, dont l’impact économique pourrait être capital en période de crise. «Ce n’est pas un cadeau fait aux municipalités, en particulier celles de gauche», estime Alain Masson, premier vice-président (PS) de Brest Métropole Océane, en charge des grands projets.
La cité bretonne a présenté un projet de téléphérique urbain, «le premier de ce type en France», visant à relier le centre-ville au nouveau quartier des Capucins. «Un espace militaire de 15 hectares au cœur de la ville qu’on a récupéré il y a quelques années, décrit Alain Masson. On doit y faire des logements, des commerces, des bureaux et un espace pour des services publics, notamment une médiathèque.»
Les travaux pour ce téléphérique, dont le coût est évalué entre 18 et 19 millions d’euros, doivent commencer début 2015, pour une livraison un an plus tard. «Nous avons réuni 12 millions via des économies réalisées sur la ligne de tramway que l’on vient d’inaugurer, explique Masson. Restent 6 millions. On avait déposé un dossier de candidature dans lequel on demandait 3,8 millions d’euros à l’Etat. On n’espérait pas forcément recevoir l’intégralité de cette somme, on tablait plutôt sur deux millions d’euros.» Si les produits de l’écotaxe n’étaient pas versés (ou non substitués), la collectivité «mettra la différence», appuie l’élu. Qui espère tout de même éviter de «recourir à l’emprunt».
AMIENS : «UN PLAN DE RELANCE À LUI TOUT SEUL»
A Amiens, le candidat socialiste à la mairie, Thierry Bonté, est moins optimiste pour le tramway censé entrer en service fin 2018. «Si l’Etat ne nous soutient pas, je ne pourrai pas faire cette première ligne. Son soutien est déterminant pour débloquer les autres subventions et générer le soutien de la caisse des dépôts et de consignation pour l’emprunt.» L’élu d’Amiens Métropole, chargé des Transports, fondait de grands espoirs sur l’appel d’offres. Sur un coût global de 200 millions d’euros, il tablait sur 50 millions d’euros de subventions, «dont 30 venant de l’Etat». «On espère que le gouvernement va relancer l’écotaxe, appuie-t-il. Sinon, j’en voudrai à mes collègues bretons mais aussi à l’Etat, surtout dans une conjoncture aussi difficile pour un territoire comme celui d’Amiens. Ce tramway, c’est un plan de relance à lui tout seul.»
BRIVE : «ON CONSTRUIT EN FONCTION DES ALÉAS DU FINANCEMENT»
D’autres projets, à la taille plus modeste, pourraient aussi être touchés par le revirement gouvernemental sur l’écotaxe. Tel le bus à haut niveau de service en gestation dans l’agglomération briviste. «L’objectif est de passer d’une fréquence de passage de 20 minutes à 15 minutes», décrit Michaël Jarry, responsable du service Transports de l’agglomération. S’il n’a pas chiffré précisément les investissements nécessaires, il estime qu’un «coup de pouce de l’Etat serait un accélérateur». Dans le cas contraire, la création de cette voie dédiée pour les bus pourrait prendre plus de temps que prévu. «Ce projet, c’est un Lego qu’on peut construire au fur et à mesure en fonction des aléas de financement.»
MONT-DE-MARSAN : «POUR L’INSTANT ON EST STOPPÉ»
A l’agglomération de Mont-de-Marsan, qui porte une initiative similaire, on s’inquiète plus franchement. «On prévoyait de commencer les travaux fin 2016, mais pour l’instant, on est stoppés», analyse Geneviève Darrieussecq, présidente (Modem) de la communauté d’agglo et candidate à sa réélection à la mairie. «Le projet coûte 5,5 millions d’euros. Nous attendions 500 000 euros de soutien de l’Etat, un engagement qui débloque souvent la participation des autres collectivités.» Déplorant un «manque de visibilité», tant sur le dossier de l’écotaxe que sur la baisse des dotations aux collectivités territoriales, elle alerte : «On ne peut pas prévoir nos investissements pour le prochain mandat. Cela va mettre à mal la parole des élus et notre capacité à porter des politiques de développement économique.»